Une conversation avec le ministre des Minéraux et de l’Extraction minière d’une société africaine de production de diamants il y a quelques mois a réellement permis de faire le point sur le front de la valorisation. Et je ne suis pas certain que le chemin parcouru jusqu’à présent soit particulièrement impressionnant.[:]
Dix ans se sont écoulés depuis que le président sud-africain de l’époque, Thabo Mbeki, a véritablement porté la question à l’attention de l’industrie diamantaire mondiale. La situation est évidemment plutôt ironique puisque c’est sans conteste son pays qui réalisé le moins de choses à cet égard.
D’un point de vue occidental, on pense probablement que les actions ont été fort nombreuses, à tel point que beaucoup considèrent qu’il n’y a plus grand-chose à faire. D’autres prétendent qu’au vu de l’expérience, la valorisation des pierres africaines ne peut pas être réalisée de façon rentable.
Ils estiment que puisqu’il existe déjà une infrastructure massive en Inde pour la fabrication des diamants, il est peu utile de construire de nouveaux centres dans les États africains. Le coût de la création d’une usine de taille dans les pays africains producteurs, associé à celui de la formation du personnel et de la réalisation du travail de taille est, effectivement, très élevé et le prix par carat supérieur à celui des marchandises taillées en Inde.
En 2010, le Botswana a obligé la toute-puissante De Beers à fléchir et à accepter de déménager la grande majorité des activités de ce qui était à l’époque la Diamond Trading Company à Gaborone. Après des décennies passées à Londres, où avaient lieu l’assemblage, le tri et la distribution, ces opérations ont été transférées au Botswana. En échange, le gouvernement du pays a accepté de prolonger son accord minier avec la De Beers.
La De Beers a également accepté de fournir des sights à des sociétés du Botswana avec des diamants à transformer dans le pays. C’est également dans ce contexte qu’est née Okavango Diamond Company, une société qui vend de façon indépendante 15 % de la production de Debswana.
Un type d’accord similaire a été signé par la De Beers avec la Namibie l’année dernière. À l’évidence, le gouvernement namibien a soigneusement étudié l’accord avec le Botswana pour tenter d’obtenir les mêmes résultats. Le brut mis à disposition de la Namibie pour valorisation dans le cadre de l’accord a considérablement augmenté : 430 millions de dollars de brut sont proposés chaque année aux clients de Namibia Diamond Trading Company (NDTC). Dans le cadre de l’accord, toutes les pierres spéciales de Namdeb Holdings doivent être proposées à la vente en Namibie. En outre, l’accord prévoit que, chaque année, 15 % de la production minière de Namdeb Holdings soient mis à la disposition d’une société commerciale indépendante appartenant au gouvernement, appelée Namib Desert Diamonds Pty Ltd.
Le ministre africain en question n’a cessé de dire que bien que le coût soit très élevé, les producteurs et fabricants occidentaux avaient le devoir moral de maintenir les pierres dans le pays d’extraction. Quant aux acheteurs internationaux, ils avaient, selon lui, un devoir similaire, celui de payer le surcoût puisque les ressources précieuses de son pays, et d’autres, avaient été extraites à très bas prix pendant plusieurs décennies.
Pour parler franchement, l’argument est difficile à démonter. Toutefois, à une époque de grands défis et de marges très faibles pour les membres de la filière diamantaire, il ne semble pas très logique que les fabricants, qui achètent du brut extrêmement cher, doivent subventionner les gouvernements nationaux en créant des usines de taille dans ces pays avant l’exportation, et ce pour assurer de plus hauts revenus à ces gouvernements.
Honnêtement, je ne sais que penser. Les États producteurs africains ne perçoivent toujours pas de revenus équitables pour leurs diamants, c’est évident, et il faut continuer à agir pour corriger cela. En revanche, on ne peut pas attendre des fabricants qu’ils supportent les coûts. L’industrie se bat pour augmenter les ventes de retail, il est donc peu probable que les clients soient prêts à payer un supplément – même si on leur explique que les diamants font vivre des millions d’Africains.
Je serais heureux de connaître vos avis sur le sujet.