Nous avons entendu de nombreux vendeurs de synthétiques s’exprimer sur l’éthique de leur produit. Et les répliques de certaines sociétés de diamants naturels à ces affirmations.
[:]Mais nous entendons rarement le discours des personnes qui travaillent effectivement dans les mines et les champs diamantifères, dont la subsistance dépend des diamants.
Pour Dorothée Gizenga, la directrice exécutive de l’Initiative diamant et développement (DDII), cette voix essentielle doit se faire entendre. Son organisation se bat depuis longtemps pour améliorer la situation dans les champs diamantifères.
Dans un communiqué publié l’année dernière, la DDII a fait état de son malaise face à la possibilité que les diamants synthétiques soient désormais commercialisés sous le qualificatif « éthique ». Dorothée Gizenga craint que l’éventuelle disparition de l’extraction des diamants – ce que certains espèrent désormais avec ardeur – ait des conséquences terribles pour des millions de personnes dans certains des pays les plus pauvres du monde. Il serait encore plus ironique que de tels événements catastrophiques se produisent au nom de « l’éthique ».
« L’extraction artisanale est un moyen de subsistance pour des millions de personnes, explique Dorothée Gizenga. Les travailleurs ont en moyenne 10 personnes à charge, dont des enfants. Cela représente un grand nombre de personnes qui dépendent de cette industrie. Pour elles, c’est la seule source de revenus disponible. »
Ces préoccupations sont parfois balayées d’un revers de la main, voire froidement rejetées par les fabricants de synthétiques. Mais elles existent bel et bien, ce ne sont pas des idées abstraites, elles ne peuvent pas être simplement contredites par des raisonnements.
Dorothée Gizenga est issue de l’ONG Partenariat Afrique Canada (aujourd’hui IMPACT), l’un des premiers groupes ayant rendu publique la question des diamants du conflit. Elle connaît bien le côté obscur de l’extraction minière.
Elle affirme également que son organisation a fait de gros progrès dans les régions de creusement. Elle a développé les Maendeleo Diamond Standards qui établissent de nouvelles façons d’améliorer les conditions de travail et d’atténuer l’impact environnemental sur les champs diamantifères. Un nouveau projet pilote, associé à Gemfair, aide les miniers à obtenir de meilleurs prix pour ce qu’ils extraient.
« Les miniers sont en fait désireux de disposer de meilleures conditions de travail, explique-t-elle. Ils sont très reconnaissants pour cela. »
« Il serait illogique d’éliminer l’extraction de diamants. Il faut investir dans ce secteur et l’améliorer. La meilleure façon d’aider au changement est de savoir en premier lieu que le changement est possible. Par le passé, beaucoup pensaient que la situation était sans espoir car les gens travaillaient ainsi depuis plus de 100 ans. Nous prouvons que ce n’est pas impossible. Ce n’est pas sans espoir. C’est très prometteur lorsque les investissements sont adaptés. »
Quant à l’argument qui sous-entend que les synthétiques sont plus éco-responsables, elle admet que l’extraction de diamants a un impact sur l’environnement.
« Mais il existe des façons d’atténuer cet impact, affirme-t-elle. La question est de savoir comment traiter avec Mère Nature de façon à pouvoir restaurer l’environnement. Pour l’instant, les diamants sont produits en laboratoire, à petite échelle, il n’y a donc pas d’effet sur l’environnement. Mais lorsque la technologie permettra une production de masse, nous ne savons pas quel en sera l’impact. Il n’y a pas d’analyse, en dehors des prétentions des sociétés. »
(Je dirais également que les produits recyclés sont un produit plus écologique que les synthétiques, qui exigent des usines pour être fabriqués.)
Certes, il est vrai que certaines sociétés de synthétiques effectuent des dons à des œuvres de charité. Mais même les dons d’importance ne compenseront pas l’impact de l’arrêt de l’extraction.
Dans l’idéal, les secteurs des diamants naturels et synthétiques feraient de l’éthique non pas un outil marketing ou une arme, mais un principe directeur pour améliorer les chaînes d’approvisionnement et les normes.
Dorothée Gizenga considère que tout un chacun devrait poser des questions sur l’origine des diamants et sur les conditions de leur création. Mais elle pense aussi que le débat actuel est bien trop limité.
« Les consommateurs doivent être informés des possibilités qu’ils ont et des implications de leur choix, affirme-t-elle. Pour nous, la réponse ne consiste pas à acheter des diamants naturels… mais à faire en sorte que chaque diamant soit un diamant éthique. »