Rien de plus simple pour John Q. Citizen, habitant de New York, que de placer de l’argent sur un compte offshore. Mais est-il si facile pour lui – et pour vous – d’ouvrir un compte de ce type ?[:]
Il faut d’abord créer une entreprise (ou en acheter une toute faite), désigner un administrateur détenteur de la procuration, ouvrir un compte bancaire pour la société et y transférer de l’argent.
La demande de comptes offshore est tellement forte qu’il s’est créé toute une armada d’avocats, de banques, de comptables et autres prestataires de services pour rendre le processus aussi simple et peu coûteux que possible.
Et tout cela est parfaitement légal… à condition que M. Citizen le déclare aux autorités fiscales américaines. Dans le cas contraire, et s’il y dissimule des fonds, alors l’acte devient illégal.
L’ICIJ (Consortium international des journalistes d’investigation), un réseau mondial de 160 journalistes dans plus de 60 pays, qui travaillent sur des reportages de fond, a lancé un grand projet intitulé Secrecy For Sale: Inside The Global Offshore Money Maze [www.icij.org/offshore] qui décrit le fonctionnement du système. Il ne faut surtout pas rater leur cours interactif « Stash Your Cash ». Tout le processus de création de compte vous y est expliqué en détail. Vous saurez notamment comment procéder en fonction de votre choix géographique, de votre banque et du mode de transfert de l’argent. Vous découvrirez aussi les avantages et les inconvénients de chaque option [www.icij.org/offshore/interactive-stash-your-cash].
Après le mode d’emploi, choisir les bons interlocuteurs
Or, l’ICIJ ne se contente pas d’indiquer comment procéder, il insiste sur les intervenants. L’organisme a découvert une manne d’informations : un disque dur rempli de 260 gigaoctets de données, contenant quatre grandes bases de données d’un demi-million de fichiers texte, PDF, tableurs, images et Web, ainsi que plus de 2 millions d’e-mails (2,5 millions de fichiers au total).
Ces fichiers « contribuent à tracer un plan de l’industrie offshore sur une longue période de forte croissance », selon Gérard Ryle, directeur de l’ICIJ.
Collaborant avec 86 journalistes et journaux de premier plan dans le monde entier, l’ICIJ a commencé à donner des noms. Y figurent des familles de présidents, des premiers ministres et des dictateurs, un éditeur français, les dirigeants de Gazprom, des playboys flamboyants, et même un mercenaire.
La liste publiée est loin d’être exhaustive. Tout comme pour Wikileaks, il faut beaucoup de temps pour parcourir l’énorme quantité de données. Les révélations arrivent donc par vagues. Après la divulgation des noms qui feraient les gros titres des journaux dans le monde, des noms moins célèbres sont sur le point d’être communiqués.
Comptes offshore et diamants
Les diamants sont de la partie de plusieurs façons. Ils servent d’abord à transférer des fonds de façon dissimulée. Une fois son compte bancaire ouvert, M. Citizen peut y transférer de l’argent en achetant un diamant de grande valeur ; il le met dans sa poche et se rend aux Îles Vierges, aux Bahamas ou dans l’une des autres régions, réputées pour leur caractère fiscalement paradisiaque. Une fois sur place, il vend le diamant et place les recettes sur le compte secret.
Sur un autre plan, les professionnels de l’industrie sont aussi concernés. Selon les premières informations, les noms de plusieurs négociants anversois seraient sur le point d’être dévoilés.
En outre, l’ICIJ vient d’annoncer qu’il publierait des noms de ressortissants indiens figurant dans les données relatives aux paradis fiscaux offshore. Après la fuite des listes de clients de la banque privée HSBC à Genève et de la LGT Bank au Liechtenstein, une nouvelle liste, qui dévoilerait de possibles fraudeurs fiscaux, aurait des répercussions très dommageables, surtout si elle contient le nom de négociants en diamants. Les répercussions en matière de réputation seront fâcheuses pour l’industrie dans son ensemble.
En outre, l’ICIJ affirme que la banque ABN AMRO, qui finance les diamants, a enregistré des dizaines d’entreprises pour ses clients dans des refuges offshore.
J’espère que notre M. John Q. Citizen, citoyen imaginaire de New York, n’est pas un négociant. J’espère que son entreprise de diamantaire n’a pas été impliquée dans des opérations de trésorerie ayant produit une réserve d’argent non déclarée et qu’il n’a pas acheté de diamants pour se rendre dans l’un des 16 paradis fiscaux où il les aurait vendus pour déposer l’argent sur un compte bancaire secret. S’il est négociant, espérons, pour son bien et pour le bien de l’industrie, qu’il a déclaré l’existence de ce compte.
S’il ne l’est pas (et qu’il est rejoint par d’autres homologues), M. Citizen doit savoir que son nom est sur le point d’être publié aux yeux de tous et que les autorités fiscales pourront agir.