Stephen Lussier, dirigeant sénior de De Beers, qui préside désormais sa nouvelle division de produits de consommation (composée de Forevermark, De Beers Diamond Jewellers et de la gamme de synthétiques Lightbox), ainsi que la Diamond Producers Association (DPA), s’est entretenu avec le JCK après le petit déjeuner Forevermark au JCK Las Vegas le 30 mai, durant lequel la première dame du Botswana, Neo Masisi, a prononcé un discours.[:]
Dans cet entretien, il aborde la façon dont le marché des bijoux de bridal évolue, pourquoi De Beers accueille le couple présidentiel du Botswana et le véritable objectif de Lightbox, ainsi que son avenir.
Lors du petit déjeuner du 31 mai, vous avez présenté une nouvelle gamme de bijoux de bridal Forevermark que Forevermark fabriquera elle-même, annonçant un virage assez important. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans cette voie ?
Cela montre que le marché du bridal change et que le consommateur de bridal change lui aussi. Pour nous, il faut que les consommateurs réfléchissent différemment à la signification même d’un diamant. Auparavant, les gens envisageaient d’acheter un diamant au début d’une relation, pour s’engager. Maintenant, ce n’est généralement plus le cas. Il existe de nombreuses autres étapes tout au long du chemin, prouvant déjà un engagement : acheter un animal de compagnie, vivre ensemble, acheter une maison. Par conséquent, le diamant peut sembler moins important. Ce que nos études montrent, c’est qu’en fait, lorsque les gens sont mariés depuis cinq ans, le diamant prend de l’importance mais il faut du temps. Au début, le diamant ne fait pas partie de leurs projets. Il faut donc insister pour leur faire comprendre que cela va compter pour eux. Le message est bien différent.
La raison pour laquelle nous créons la collection tient au fait que les consommateurs sont de plus en plus liés à ce secteur par le biais des marques : aujourd’hui, ils reçoivent leurs informations sur les réseaux numériques, un environnement particulièrement axé sur les marques. Et ils veulent s’engager auprès de nous dans tous les domaines, pas seulement pour un diamant. Nous continuons à vendre des diamants pour des fiançailles, nous avons des fabricants et des joailliers qui créent leurs propres bijoux. Mais pour devenir des concurrents efficaces dans un environnement omnicanal, il faut contrôler cette interaction avec le client.
En quoi cela se traduit-il dans la publicité ?
La campagne a pour but de faire comprendre qu’un diamant va jouer un rôle dans leur vie entière. Si vous regardez d’anciennes publicités pour des diamants, elles sont toutes axées sur le moment extraordinaire où un homme demande à une femme de l’épouser. En réalité, pour la plupart des gens, cet instant n’est plus ce qu’il était. Il faut leur faire comprendre le rôle que le diamant jouera dans leur vie. Dans la nouvelle publicité, nous montrons non seulement des couplés fiancés mais aussi des gens mariés depuis 50 ans, et comment le diamant reste important dans leur vie. De cette façon, on remodèle les modes de réflexion des gens, ce qui replace le diamant sur la liste de leurs priorités de dépenses.
Les consommateurs, notamment ceux de la génération Y, connaissent des contraintes financières. Certains ont même déjà des enfants. Pour qu’ils accentuent cette priorité, vous devez les amener à penser au diamant comme à une source de joie qui leur durera toute la vie.
Comment évoluent les ventes de Lightbox ? Vos projets sont-ils toujours les mêmes ?
Nous sommes satisfaits de l’évolution. Nous vendons principalement des bleus et des roses, en termes de design. Nous subissons des contraintes au niveau de notre capacité de production, et il en sera ainsi tant que notre nouvelle usine ne sera pas en service en Oregon, ce qui devrait se produire l’année prochaine. Dès que ce sera le cas, nous pourrons dépasser les capacités de notre plate-forme de commerce électronique qui, je le sais, intéresse les joailliers. Mais nous voulons avoir les moyens de répondre à cette demande.
Lightbox lancera-t-elle un label privé pour des synthétiques ?
Pour l’heure, nous nous concentrons sur la marque car nous vendons toute notre production. Alors, tant que nous n’aurons pas notre nouvelle installation, nous n’aurons pas grande latitude. Notre objectif est d’élargir la liste des designs et de faire plus diversifié, mais aussi d’établir quels sont les articles qui se vendent le mieux. Nous voulons continuer à travailler sur la réduction des coûts car, plus le prix est bas, plus l’opportunité de marché est importante. À ce niveau, nous pensons différemment des autres sociétés de synthétiques, qui cherchent à gagner de l’argent rapidement avec une chose qui n’est, selon moi, pas durable. Ce qui est bien, car ils veulent rembourser leurs investisseurs. Chez De Beers Group, nous voulons être présents sur le long terme, nous travaillons pour trouver un marché durable dans le temps pour les synthétiques, c’est-à-dire pour les articles les moins chers, lorsque le diamant n’a pas de valeur intrinsèque et qu’on achète parce que c’est très joli. Il n’y a rien de mal à cela. Il existe un énorme marché pour les choses jolies qui ne coûtent pas trop cher.
Cela ne vient-il pas cannibaliser la tranche basse du marché ?
Pas de façon majeure. Nous vendons une catégorie pour laquelle la concurrence est majoritairement celle de bijoux sans diamants. Si vous regardez le marché des bijoux de moins de 500 dollars, la part des diamants est de moins de 5 %. Si vous dépassez les 1 000 dollars, vous avez une part supérieure pour les bijoux en diamants. Dans la mesure où nous pouvons amener les synthétiques à être compétitifs sous la barre des 500 dollars, nous sommes sur un segment de marché différent, du point de vue des diamants. La cannibalisation est donc minime.
Cela touchera plutôt certaines des pierres de couleur semi-précieuses, dans le bas de la gamme. Mais à cette extrémité du marché, le plus important reste la couleur.
L’objectif de Lightbox est-il d’abaisser le prix des synthétiques ?
Non, je dirais que l’objectif stratégique est de positionner la catégorie de façon durable, avec une valeur ajoutée, différente de la proposition de valeur d’un diamant naturel. Cela n’en fait pas une mauvaise proposition mais il s’agit d’une proposition différente.
Par conséquent, les prix devaient baisser. Et c’est ce qu’ils ont fait. C’est la loi du marché. À mesure que la production de synthétiques chinois se renforce et que vous avez une courbe technologique qui fait baisser les prix, à chaque fois que vous doublez la production, les prix descendent. Ils ont déjà commencé à diminuer assez fortement, comme on l’a vu au salon de Hong Kong.
Il devrait s’agir d’une activité à coûts majorés, et non d’une activité basée sur la rareté. Les baisses de prix ne sont pas une fin en soi mais elles sont nécessaires si vous voulez être honnête et juste avec les consommateurs.
Dans un article récent de Gizmodo sur les synthétiques, il est indiqué que 45 % de la production de Lightbox proviendront de sources renouvelables. Cela signifie-t-il que Lightbox est un produit « vert » ?
Pas vraiment. Nous sommes connectés aux réseaux de services publics. Cela signifie que Lightbox sera à l’extrémité basse de la plage des émissions. Et pour être honnête, que vous regardiez un diamant naturel ou un diamant synthétique, ce ne sont pas de gros contributeurs aux gaz à effet de serre. L’énergie utilisée pour extraire un diamant naturel moyen, nécessaire pour donner 1 carat de taillé équivaut à ce qu’il faut pour créer trois iPhone. Pour avoir acheté des iPhone, je sais qu’ils durent environ neuf ans pour moi. Le diamant que j’aurai durera 50 ans. C’est un drôle de sujet à aborder. Vous avancez des choses qui ne sont pas particulièrement importantes dans le monde.
Lightbox utilisera de l’énergie hydroélectrique, qui est peu chère. Il est assez difficile d’utiliser des énergies renouvelables pour la production de synthétiques. Pour synthétiser un diamant, il faut une énergie parfaitement homogène, sur une longue période. Les séries durent deux, trois semaines. S’il y a des fluctuations pendant ce temps-là, vous perdez les séries. Le problème avec les énergies renouvelables, c’est qu’elles ne sont pas constantes. Vous utilisez le vent, lorsque le vent s’arrête, il n’y a plus d’énergie, il vous faut alors d’énormes batteries. Je ne pense pas qu’un producteur de synthétiques utiliserait des énergies renouvelables. Il est probable que l’extraction de diamants naturels le fera en premier. Chez De Beers, nous voulons que la prochaine mine qui sera ouverte, espérons-le au Canada, soit neutre en carbone.
Trucost [auteur d’une étude de la DPA sur l’impact écologique de ses membres] a réalisé un bon travail dans un domaine difficile. Ils ont dû créer des modèles là où les données sont inexistantes. D’après ce que nous savons chez Lightbox, nous sommes à l’extrémité basse de cette gamme. Si vous utilisez des usines au charbon, comme en Chine, vous atterrissez au sommet du classement.
Cette semaine, De Beers accueille le président du Botswana, Mokgweetsi Masisi, et sa femme. Parallèlement, De Beers s’est engagée dans des négociations contractuelles avec le Botswana. Quel est l’objet de leur visite ?
Ils viennent pour faire en sorte que le bien que font les diamants devienne une histoire concrète pour nous. Dans un monde où les synthétiques existent, il est important que les Américains entendent cette version de la source. Lorsque nous avons ouvert une boutique à l’aéroport du Botswana, la première dame a raconté comment elle avait été touchée par les diamants. C’était extrêmement puissant. Je me suis dit que c’était une chose de l’entendre au Botswana mais que nous devions aussi faire circuler cette histoire.