Le moins que l’on puisse dire, c’est que le Responsible Jewellery Council (RJC) évolue. Son PDG de longue date a quitté son poste en novembre 2013 et son successeur est à peine resté un an.[:]En outre, de nombreux piliers du groupe, comme la directrice des normes, Fiona Solomon, sont également partis. (D’autres, comme la directrice opérationnelle, Catherine Sproule, restent en poste.)
L’actuel président, James Courage, fait lui aussi ses bagages. Il prévoit de se retirer fin juin, maintenant qu’il n’est plus à la Platinum Guild. Au cours d’une conversation franche et parfois sujette à controverse (mais toujours polie), James Courage aborde quelques-uns des différends qui touchent son groupe et ce qu’il envisage pour son avenir.
JCK : Pourquoi recherchez-vous maintenant un directeur exécutif et non plus un PDG, comme avant ?
James Courage : Nous sommes une organisation dirigée par ses membres. Le directeur exécutif doit donc vraiment adopter les politiques du RJC en fonction des membres. Un PDG donne souvent l’image que quelqu’un va occuper un poste de dirigeant.
Vous avez un gros travail de reconstruction à effectuer.
Nous considérons cela comme une opportunité. Nous cherchons davantage d’interactions avec l’industrie, avec les membres de l’OCDE, avec la société civile. Nous voulons notamment être mieux connus pour ce que nous faisons.
Certaines personnes considèrent que le processus de certification est trop cher. Qu’en pensez-vous ?
Non. Lorsque vous respectez les lois de la plupart des marchés occidentaux et de la plupart des marchés en développement, vous êtes à peu près au même niveau. Notre défi est de le rendre plus convivial, d’offrir plus de conseils. Pour les petites sociétés, qui n’ont jamais le temps de rien faire, tout cela semble un peu prohibitif. Cela paraît lourd mais lorsque vous retirez les parties qui ne vous concernent pas, parce que vous ne faites pas partie de telle ou telle chaîne d’approvisionnement, le processus n’est pas si onéreux.
Nous offrons vraiment aux gens l’occasion d’interagir avec la direction pour obtenir des conseils. Le processus d’audit… bien sûr, il a un coût. Le coût réel de l’adhésion est assez faible. Mais les gens confondent ces choses.
Nous devons nous concentrer sur le sujet, car c’est l’idée que les gens se font.
Quelqu’un a-t-il déjà perdu son adhésion au RJC pour non respect des audits ?
Personne n’a été mis à l’écart. Il n’y a jamais eu d’incident post ad hoc.
S’ils étaient impliqués dans un procès ou condamnés, resteraient-ils membres du RJC ? Imaginons qu’un membre certifié du RJC soit jugé coupable d’évasion fiscale. Peut-il vraiment être qualifié de responsable ?
Je ne pense pas que cela soit déjà arrivé mais si quelqu’un était jugé coupable d’évasion fiscale, le sujet serait pris en considération. Nous voulons que la norme soit juste. La partie financière de l’activité n’est pas l’objet du processus d’audit.
Vous voyez la différence. Vous pouvez avoir quelqu’un dont les comptes financiers sont parfaits mais qui mène son activité de façon inappropriée en termes de santé et de sécurité. Nous nous intéressons à la partie « responsabilité » de cette activité. Bien évidemment, nous nous attendons à ce que le plan financier soit conforme. Mais ce n’est pas notre rôle de le vérifier.
Certaines personnes se plaignent que le RJC ne surveille qu’un segment d’une entreprise, puis lui attribue une certification complète.
Vous auriez pu dire cela il y a deux ans. C’est une des choses que j’ai étudiées.
Si vous observez la certification de n’importe quel membre, elle indique précisément ce qu’elle recouvre. Elle stipule la partie de l’organisation qui a réussi l’audit. Rien ne permet de douter, de croire que si seulement une partie de la société est certifiée, toute la société le sera.
Quand je lis les communiqués de presse, ils parlent de sociétés qui se font certifier. On ne comprend pas tout de suite que seule une partie de la société est certifiée.
Je pense que c’est un point intéressant à soulever. La transparence est une chose dont nous devrions nous inquiéter. Mais lorsque vous effectuez des vérifications préalables, les certificats indiquent clairement les parties de l’organisation qui sont certifiées.
Mais ne faudrait-il pas que chaque société certifiée le soit pour toutes ses divisions ?
Nous constatons un virage dans ce sens. Nous considérons qu’il vaut mieux avoir des membres partiels que de les décourager de faire le premier pas. Parfois, les gens vont inscrire une partie de l’organisation pour tester le fonctionnement, puis ils élargissent le champ d’application par la suite.
Pour un grand nombre d’entre elles, il s’agit d’engagements importants. Elles ne veulent pas tout faire d’un coup, elles ne sont pas prêtes. Certaines peuvent avoir une activité importante dans l’argent ou les pierres de couleur et nous ne couvrons pas ces domaines. Mais nous espérons que les membres partiellement certifiés vont élargir leur champ d’application.
Mais sont-ils suffisamment incités à le faire, si l’on considère que beaucoup ignorent que la certification n’est pas totale ? Lorsqu’une société est certifiée RJC, les gens supposent que cela concerne toute la société.
Il nous faut peut-être ajouter un petit PS ou un petit astérisque pour préciser ce point. Vous pouvez avoir une société qui dispose de toutes sortes d’entités réparties partout dans le monde et qui n’ont pas le même nom. Nous préférerions certifier certains éléments bien précis de l’organisation, qu’elle prenne confiance dans le processus, puis qu’elle passe à l’étape suivante. Nous n’allons pas certifier toutes les organisations d’un seul jet.
On parle depuis longtemps de la chaîne de contrôle des diamants. Celle-ci va-t-elle enfin voir le jour ?
Nous ne devons pas nous tromper. Quelqu’un va venir nous voir avec un gros pli de mêlé et nous dire : « pouvez-vous appliquer une chaîne de contrôle ? » La leçon que nous avons apprise la dernière fois est la suivante : ne sautez pas dans quelque chose tant que vous n’êtes pas sûrs de pouvoir résoudre le problème de façon pratique.
Y aura-t-il un seuil en matière de grosseur ?
Pour l’instant, nous en sommes surtout au plan des discussions et des réflexions. Un seuil est l’une des solutions envisagées.
Pourquoi l’organisation cible-t-elle l’Inde maintenant ?
Nous savons l’importance de l’Inde comme source essentielle de taillé et son poids sur le marché de l’exportation. Nous avons déjà quelqu’un en Inde, qui a commencé début avril, nous sommes donc capables d’interagir directement sur le terrain. Grâce à ce retour d’informations, ce lien, nous pouvons faciliter le processus d’adhésion et mieux faire comprendre les avantages aux sociétés.
On dirait que, pour l’instant, ce sont surtout les consommateurs occidentaux qui s’intéressent à ces sujets.
Pour l’heure, le mouvement est plutôt entraîné par les Occidentaux. Mais je ne sous-estimerai jamais l’importance des Chinois et des Indiens en la matière. Ils sont simplement à une étape légèrement différente de leur évolution.
Souhaitez-vous que le RJC soit connu des consommateurs ?
Les médias sociaux nous permettent d’aller bien plus loin dans nos actions. Au final, l’ambassadeur, c’est le détaillant. C’est lui qui noue une relation avec le client. Nous lui offrons les outils pour travailler.
Le RJC existe depuis maintenant 10 ans. Quelles sont, selon vous, ses grandes réalisations ?
À l’évidence, tout ce qui touche aux codes de pratiques. Il y a ensuite la chaîne de contrôle de l’or, qui a été une étape très importante. Mais aussi le code de pratiques révisé, qui contient toutes les dispositions sur la provenance.
Nous essayons d’être plus efficaces pour que l’industrie constate les avantages. Il faut du temps pour que les choses changent dans ce secteur mais nous commençons à constater une accélération. De plus en plus de détaillants considèrent que c’est une bonne façon de tout couvrir et davantage de fournisseurs nous voient comme un moyen de prouver leur travail de vérification préalable.
Lorsque nous nous sommes rendus à Surat, nombreux ont été ceux à souligner, dans leur énoncé de mission, l’importance d’être membre du RJC. Ils considèrent que cela a aidé la culture de la société.
Voulez-vous faire passer un autre message à propos du RJC ?
Il y a un élan qui se développe, une nouvelle génération qui veut savoir d’où viennent les choses, savoir comment le produit est transformé et s’assurer que l’activité est responsable. Le RJC offre un processus d’audit qui répond à ce besoin. Je ne pense pas qu’aucune autre industrie dispose d’une norme qui s’applique de l’origine jusqu’au détaillant.
D’un point de vue personnel, quelle est la prochaine étape pour vous ?
Je ne sais pas. Je vais me reposer. Je travaille sur quelques petites choses pour le platine et nous verrons ce que ça donne. Je ne veux pas me lancer dans une nouvelle carrière. Je connais beaucoup de monde dans ce secteur et nous verrons si j’ai une possibilité de rendre ce qui m’a été donné.