Nous savons tous que l’année 2021 a été remarquable pour les ventes de bijoux. Aux États-Unis, elles ont bondi de façon inédite mais sait-on quel a été le total réel ? Comme toujours, le gouvernement américain fournit les chiffres et les révise un an plus tard.
Cette fois-ci, comme cela arrive régulièrement, les chiffres ont été révisés à la baisse. Et dans certains domaines, les révisions ont été phénoménales.
Le Bureau d’analyse économique du Département américain du commerce constitue la source la plus importante d’informations sur les ventes de bijoux aux États-Unis. Il collecte des données à partir de déclarations de revenus, de sources libres et de sondages. Une part importante de ces informations s’appuie sur un certain nombre d’hypothèses. Et à mesure que de nouvelles données arrivent, l’ensemble est réévalué et la valeur des ventes de bijoux fait l’objet d’une nouvelle estimation.
Combien de bijoux ont-ils vraiment été vendus ?
La dernière révision en date reprend toutes les données des ventes de bijoux et de montres, en remontant jusqu’en janvier 2017, soit plus de quatre ans et demi de chiffres. En 2017 et 2018, les ventes ont augmenté, prenant respectivement 0,3 % et 0,7 %.
Or, en 2019, les ventes de bijoux ont été révisées de 0,5 % à la baisse. Voici les chiffres mis à jour du montant des ventes de bijoux de ces trois années :
2017 : 59,3 milliards de dollars (contre 59 milliards de dollars précédemment)
2018 : 61,3 milliards de dollars (contre 60,9 milliards de dollars précédemment)
2019 : 61 milliards de dollars (contre 61,3 milliards de dollars précédemment)
La faible hausse de 0,6 % des ventes, annoncée précédemment pour 2019, apparaît maintenant comme une baisse de 0,6 %.
Quel est le montant des ventes de bijoux pendant la pandémie ?
Les révisions les plus importantes ont porté sur les années 2020 et 2021. Les différences de quantités vendues sont considérables.
En 2020, la première année de la Covid-19, les ventes ont d’abord été annoncées à 62,23 milliards de dollars, une hausse modeste mais signifiante de 1,6 % par rapport à l’année précédente.
Les chiffres réévalués indiquent un montant de 58,92 milliards de dollars. Il s’agit d’une importante réévaluation des quantités vendues, en recul de 5,4 % par rapport au montant précédent, soit la somme colossale de 3,36 milliards de dollars en moins.
Cela signifie également qu’en 2020, la demande de bijoux a reculé de 3,3 % par rapport à 2019.
Or, le changement le plus surprenant porte sur la valeur annoncée des ventes de bijoux aux États-Unis en 2021.
Et même si les réjouissances allaient bon train face à une incroyable croissance de 52 % en glissement annuel, elles étaient peut-être un peu prématurées. D’après les données les plus récentes, en 2021, les ventes de bijoux aux États-Unis ont totalisé 86,4 milliards de dollars et non 94,5 milliards de dollars.
D’après les chiffres mis à jour, les ventes de bijoux étaient en progression de 46,7 %, ce qui reste malgré tout une hausse record.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une réduction de 8,6 %, qui retire la somme faramineuse de 8,1 milliards de dollars à la quantité estimée des ventes de bijoux.
Sur 2020 et 2021, la révision a ôté 11,5 milliards de dollars aux chiffres précédemment indiqués.
Pourquoi est-ce important ?
Connaître la taille réelle de l’industrie est d’une importance cruciale. Cela influe sur les montants que les banques consacrent au financement de l’industrie et sur les planifications financières des sociétés. Cela nous aide également à identifier où se situe la croissance (ou la baisse) et la forme qu’elle prend. Vous le savez, le diable est dans les détails.
Mon propre mea culpa
En novembre 2021, j’ai publié un rapport prévoyant 40 % de croissance pour les ventes de fin d’année. Mes clients peuvent en témoigner, je n’aime pas trop fournir de prévisions. Nous avons la preuve aujourd’hui que mes réticences sont justifiées.
À mesure que les sociétés cotées en bourse ont annoncé leurs résultats, il est devenu évident que les ventes pour les fêtes avaient progressé d’environ 38 % au mieux. Mais si l’on s’appuie sur les chiffres américains réévalués, la hausse n’a été que de 34 % pour la période.
Pourtant, l’année 2021 a été mémorable pour l’industrie et je maintiens qu’elle a été « l’année de la bijouterie ».
Les chiffres des ventes de bijoux sont élastiques
Il peut sembler étrange d’évoquer l’idée d’élasticité pour un domaine dont les chiffres devraient être certains. Mais la collecte des données est un processus qui ne s’arrête jamais. Plus vous en avez, plus elles deviennent précises.
La dernière fois que le gouvernement américain a publié un changement radical de la quantité de bijoux vendue remonte à 2018. À l’époque, il avait révisé dix ans de données de marché, remontant jusqu’en janvier 2008, et réduit les totaux de plus de 16,5 milliards de dollars, rien que pour 2017.
Ventes de bijoux en 2022
Les acteurs de la filière intermédiaire s’inquiètent de plus en plus d’un recul des ventes. Si cela se concrétise par une baisse des prix du taillé face à un brut onéreux, le marché diamantaire est dans une situation problématique.
Pardon pour ces nouvelles prévisions qui viennent juste après mon mea culpa, mais pour l’heure, je pense que la valeur des ventes devrait s’apprécier en 2022.
De combien ? D’après notre analyse de marché et les données recueillies auprès des détaillants américains, les ventes de bijoux ont pris 8,3 % depuis le début de l’année.
Les données du gouvernement américain, qui a également révisé les chiffres de cette année, montrent une hausse de 7,7 % en glissement annuel. D’expérience, ce chiffre sera réévalué l’année prochaine et très certainement à la baisse.
Je me montre prudent car, d’après nos données, même si la valeur totale des ventes de bijoux a augmenté au cours des neuf premiers mois de 2022, le nombre de bijoux vendus a baissé.
Pour ne parler que des diamants, nous observons une tendance similaire : la valeur totale des ventes de retail est en hausse tandis que le nombre d’unités vendues est en baisse.
Conclusion
La demande de bijoux par les consommateurs n’a cessé d’augmenter, même pendant la difficile période de 2020. Et elle n’a cessé de se renforcer depuis. Ceci dit, même si elle poursuit sa croissance en valeur, le nombre d’unités vendues diminue.
Les tendances de la demande de diamants évoluent mais pas uniquement en comparaison avec une année 2021 hors norme. La demande de bijoux en diamants a été entraînée par une recherche grandissante de diamants plus gros, ainsi que par les reports des mariages et des demandes en mariage.
Le nombre de mariages et de fiançailles retrouve actuellement des niveaux normaux. Personne ne souhaite connaître une baisse d’activité en glissement annuel mais la tendance à long terme brosse un autre tableau. Même si la plupart des industries ont été mises à mal, le marché diamantaire international a connu une folle épopée.
Actuellement, la demande des consommateurs américains bascule vers des diamants plus chers. Les dépenses unitaires ont augmenté depuis le début de l’année, tandis que le nombre de diamants vendus a diminué.
Cela est probablement révélateur de la façon dont les Américains considèrent les diamants naturels. Ceux qui ont les plus gros budgets les adorent, tandis qu’une grande partie des autres se tournent vers les diamants synthétiques qui continuent de progresser.
Une dernière chose, cette fois-ci à propos des chiffres de SpendingPulse de Mastercard. La société a une nouvelle fois annoncé une croissance des ventes de bijoux à deux chiffres. Je ne veux pas qualifier ces niveaux d’imaginaires mais quelqu’un se trompe lourdement.
Il est possible qu’ils réalisent leur erreur. Après avoir annoncé des chiffres élevés pour les ventes de bijoux depuis le début de l’année, ils affirment maintenant que les ventes pour les fêtes ne devraient augmenter que de 2,2 % cette année.
Cela ne concorde pas avec la hausse de 17 % à 19 % annoncée à ce jour mais tout comme ces chiffres étaient erronés, les faibles niveaux annoncés pour les fêtes le sont aussi. Ils devraient être plus élevés.
Point positif, ils réajustent leurs ventes mensuelles, ramenant les chiffres de septembre à 7 %.
Photo © Cartier.