La première fois que LVMH a approché Tiffany & Co. pour son rachat en 2019, le prix initial par action était fixé à 120 dollars. L’offre a été refusée. Les deux parties se sont ensuite entendues sur un prix final de 135 dollars par action.
Du moins, Tiffany pensait-elle qu’il s’agissait du prix final. Peu de temps après, les deux parties étaient de retour à la table des négociations, LVMH ayant nourri – ou prétendument nourri – certaines craintes. Lors de ce second tour de négociations, l’offre initiale de LVMH était de… 120 dollars par action.
Ces informations, comme d’autres, ont été révélées dans l’énoncé de la procuration déposée par Tiffany lundi 16 novembre auprès de la Securities and Exchange Commission, demandant aux actionnaires d’approuver le nouvel accord de reprise, établi finalement à 131,50 dollars par action.
Les documents déposés ont également révélé que Tiffany avait reçu trois offres, de la part de possibles prétendants au cours de la période pendant laquelle l’accord semblait vaciller : l’une par un acteur dont le nom n’a pas été communiqué, une autre par une société non identifiée et la troisième venant d’une « famille aisée ». Ces demandes n’ont pas été jugées crédibles par le cabinet juridique Sullivan & Cromwell.
Les parties ont alors engagé une bataille juridique. La plupart des observateurs – tout comme la plainte de Tiffany – ont mentionné que les gesticulations de dernière minute de LVMH n’étaient qu’un simple prétexte pour acheter la société à moindre prix. LVMH a nié cette accusation. La renégociation de l’accord « ne nous a jamais traversé l’esprit », a déclaré un dirigeant de LVMH. Mais c’est exactement ce qui a fini par se passer.
Le 16 septembre, alors que les avocats des sociétés déposaient une demande reconventionnelle auprès de la Court of Chancery du Delaware, un proche de LVMH a contacté le conseiller financier de Tiffany, Centerview Partners, en vue d’un règlement. Il lui a été répondu que Tiffany était convaincue d’être dans une position juridique solide.
Le 2 octobre, alors que la date du procès avait été fixée pour janvier, la personne proche de LVMH a de nouveau contacté Centerview pour proposer de racheter la société au prix de 120 dollars par action.
Cette offre a de nouveau été rejetée. Pourtant, dans ce qui est apparu comme une étrange répétition des négociations de l’année dernière, le prix a été relevé aux alentours des 125 dollars, puis aux alentours des 129 dollars.
Après consultation de son président du conseil, Roger Farah, Tiffany a déclaré qu’elle n’accepterait une baisse de prix qu’à condition de pouvoir continuer à payer ses dividendes trimestriels habituels. Elle voulait également un contrat parfaitement « étanche », qui « n’inclut pas de conditions de clôture permettant à LVMH d’échapper à la fusion. »
LVMH a proposé 130 dollars par action, puis 131 dollars. Les deux parties se sont finalement entendues sur un prix final de 131,50 dollars, près de 3 % de moins que le prix convenu au départ – au sein d’une transaction permettant à Tiffany de continuer à payer ses dividendes.
L’accord définitif vise à empêcher LVMH de se dérober ou de lancer une troisième série de négociations. Bien entendu, dans un dépôt judiciaire préalable, les avocats de Tiffany prétendaient que l’accord initial avait été rédigé en intégrant « d’amples protections pour les actionnaires », étant donné la réputation de Bernard Arnault, président du conseil de LVMH, en matière de tactiques brutales. Ce qui n’a pas empêché l’accord initial d’être quasiment jeté aux oubliettes.
Il est difficile d’imaginer que le géant du luxe pourrait essayer de se retirer de nouveau mais cette saga a déjà montré qu’elle est pleine de surprises.