L’or et les diamants sont extraits dans certaines des parties les plus reculées au monde, parfois même à la limite de l’inconnu. [:]Rares sont les lieux qui sont aussi perdus que ceux où l’on réalise l’extraction alluviale, au nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Là, des hommes et des femmes, certains extrêmement jeunes, creusent à la recherche de ces ressources rares pour des salaires très modestes.
Le suivi des ventes de retail aux États-Unis est une « promenade de santé » quand on la compare au suivi de l’extraction artisanale, au cœur de la forêt tropicale, chaude et humide, qui recouvre le nord-est de la RDC. Une récente étude de l’extraction artisanale dans les provinces de Maniema, du Sud-Kivu et dans la Province orientale de RDC s’est révélée être un défi difficile mais gratifiant, entrepris par l’Initiative diamant et développement (DDII). Ses résultats sont importants.
Jusqu’à il y a peu, nous n’avions que de rares informations sur les personnes travaillant dans l’extraction artisanale. Et par nous, j’entends les gouvernements, les négociants locaux, l’industrie diamantaire et les autres. Certains en avaient une connaissance partielle, quelques-uns savaient qui travaillait dans les mines qu’ils connaissaient mais il ne s’agissait que d’informations fragmentées. Personne n’avait vraiment de vision globale.
En 2011, je me suis rendu dans le district de Kono, en Sierra Leone, où je me suis entretenu avec des miniers artisans et où j’ai visité des sites miniers. Certains m’ont donné des informations sur ce qu’ils faisaient et d’où ils venaient et ils m’ont montré leurs outils. Pourtant, ce n’était qu’un simple aperçu d’une situation bien plus vaste et cela me fait apprécier encore davantage l’engagement de la DDII, sous la remarquable direction de Dorothee Gizenga.
[two_third]Ces données ont été recueillies en 2015 par 48 agents, organisés en équipes composées de représentants des gouvernements, de la société civile et du secteur privé. Ils ont parcouru 12 000 km en moto et, chose incroyable, 3 000 km supplémentaires à pied pour atteindre les sites les plus éloignés de l’extraction artisanale. Le résultat est d’autant plus intéressant que plus de la moitié des sites miniers (57%) étaient inconnus avant cela. Le principal objectif du projet était de recenser les miniers artisans et de permettre une supervision et une meilleure gouvernance du secteur par le gouvernement. Les données recueillies (âge, sexe, niveau d’éducation et localisation) révèlent beaucoup de choses sur ces personnes.[/two_third][one_third_last]
« Le résultat est d’autant plus intéressant que plus de la moitié des sites miniers (57%) étaient inconnus avant cela. »
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Le projet portait sur un vaste territoire d’environ 700 000 km² au nord-est de la RDC, pour une population estimée à 16 millions de personnes et une densité de population de seulement 22,8 personnes par kilomètre carré. En comparaison, la France (avec ses territoires d’outre-mer) occupe 551 500 km² de superficie, pour une population de plus de 65 millions de personnes et une densité de population de 118 personnes par kilomètre carré.
Conclusions à propos de l’extraction artisanale
Au total, la DDII a recensé 108 169 travailleurs artisans qui extraient divers métaux et minéraux, comme l’or et les diamants, mais également l’étain, le tantale et le tungstène. L’écrasante majorité de ces personnes – 93 364, soit 86% – travaillaient sur des sites d’extraction d’or, sites qui englobent l’extraction d’or et de diamants, mais aussi d’or et de cassitérite (étain).
Par rapport à l’or, qui occupe la plus grande partie de la main-d’œuvre, seul un petit nombre de personnes travaillaient sur des sites d’extraction de diamants (6 776 personnes). Parmi elles, 1 600 travaillaient sur des sites d’extraction de diamants uniquement (1,5%) et 5 176 autres (4,8%) travaillaient sur des sites comportant de l’or et des diamants, soit 6,3% du total.
Veuillez noter que les chiffres suivants, lorsqu’ils concernent les diamants ou l’or, peuvent présenter un certain chevauchement en raison des lieux où l’or et les diamants sont extraits en même temps.
Sexe : Même si l’extraction minière est un emploi traditionnellement dominé par les hommes, hommes et femmes travaillent sur ces sites. Parmi ceux qui travaillent dans les diamants, 59 % sont des hommes, ce qui constitue une petite majorité. Toutefois, les sites d’extraction artisanale d’or sont fortement dominés par les hommes, avec 70,7 %.
Toutes les personnes qui travaillent sur des sites d’extraction artisanale ne sont pas des creuseurs, à savoir les personnes qui effectuent les travaux d’extraction effectifs. Certains sont négociants, alors que d’autres fournissent des services, comme de la vente de nourriture et l’apport des premiers secours.
Le nombre de creuseurs de diamants était de 3 110, soit à peine 46 % des personnes travaillant sur les sites diamantaires. Sans surprise, 90 % d’entre eux étaient des hommes et seules 107 – 3 % des creuseurs de diamants – étaient des femmes.
Âge : Malheureusement, les agents ont découvert plusieurs enfants très jeunes travaillant dans les mines. Une petite fille de six ans a été découverte alors qu’elle travaillait comme creuseur dans une mine d’or, dans le territoire de Mwenga, dans le Sud-Kivu. Six autres petites filles du même âge travaillaient à des emplois hors creusement dans des sites d’or ou d’or et de diamants et une autre petite fille travaillait sur un site de diamants. Pour nos sensibilités occidentales, cela est totalement inacceptable. Des petites filles de cet âge devraient être en train de jouer, pas de travailler – et surtout pas à des travaux manuels physiquement difficiles. En plus de ces petites filles, deux petits garçons de six ans ont été vus en train de travailler dans une mine d’or.
Au total, il y avait 26 creuseurs de 14 ans ou moins travaillant dans des mines de diamants et 351 dans des mines d’or. L’âge moyen des creuseurs de diamants est de 32 ans.
Une autre découverte surprenante a été le nombre de jeunes filles adolescentes travaillant comme négociantes en or dans ces sites miniers. Il y avait dix jeunes filles négociantes de 19 ans ou moins. Quatre d’entre elles avaient 19 ans, l’une d’elles avait 14 ans et deux négociantes d’or avaient à peine 11 ans. Il n’y avait pas de négociantes de diamants adolescentes.
Parmi les garçons, il y avait trois négociants d’or de 11 ans, un garçon de 10 ans et un négociant d’or de neuf ans. Une fois de plus, aucun enfant n’était impliqué dans le commerce des diamants.
Au total, il y avait 13 femmes négociantes de diamants et 181 négociants d’or. À part le fort pourcentage d’enfants figurant dans ces chiffres, la nouvelle aurait pu être encourageante.
Instruction : Plus des deux tiers des creuseurs (66,9 %) avaient été au lycée ou plus loin. Dans ces mines, il y avait même de nombreux creuseurs qui avaient été à l’université (1 190 personnes). La quasi-totalité de ces creuseurs ayant fréquenté l’université (1 168) étaient des hommes et 22 étaient des femmes.
Une autre découverte importante concerne la répartition entre hommes et femmes en matière d’instruction. Alors que 67 % des hommes travaillant dans l’extraction alluviale avaient fréquenté le lycée, ce n’était le cas que pour 35 % des femmes. Et tandis que 0,5 % des femmes creuseurs étaient allées à l’université, un pourcentage vertigineux de femmes (15 %) ont indiqué n’avoir aucune instruction. Parmi les hommes, 1,8 % étaient allés à l’université et seuls 5 % n’avaient eu aucune éducation.
Nous avons une part de responsabilité
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Actuellement, les industries des diamants et des bijoux sont au cœur d’un changement profond relatif à la traçabilité. La traçabilité concerne généralement les étapes de transformation tout au long de la chaîne de valeurs. L’objectif est de s’assurer que la chaîne de valeur opère en toute légalité et qu’elle respecte des normes morales élevées. C’est par la transparence que l’on s’assurera qu’il en soit ainsi. Toutefois, les normes morales élevées ne peuvent exister si l’on ne garantit pas le bien-être des personnes impliquées dans ces opérations, et cela commence par les plus faibles, les plus éloignés et donc les plus vulnérables – la main-d’œuvre qui travaille dans les mines reculées des forêts tropicales d’Afrique.
Puisque nous gagnons notre vie avec les diamants, l’or et les bijoux, nous dépendons des travailleurs des mines alluviales. Nous avons donc la responsabilité de nous assurer que leurs conditions de vie soient adéquates, leurs salaires raisonnables et leur santé protégée.
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« Toutefois, les normes morales élevées ne peuvent exister si l’on ne garantit pas le bien-être des personnes impliquées dans ces opérations, et cela commence par les plus faibles, les plus éloignés et donc les plus vulnérables – la main-d’œuvre qui travaille dans les mines reculées des forêts tropicales d’Afrique. »
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