Le marché mondial du brut se caractérise par des prix élevés et la volonté des miniers d’optimiser leurs bénéfices grâce aux recettes. Le secteur s’est retrouvé confronté à une situation inhabituelle : les banques, qui financent les achats, ont appelé à un arrêt de la hausse des prix, face à l’incapacité des fabricants de rentabiliser leur activité.[:]
Bien entendu, le message n’a pas été aussi direct. Les banques ont dégainé leur arme principale – l’arrêt du financement – et agi avec vigueur. Après analyse des emprunts de leurs clients, des créances en taillé et des dépenses en brut, trois grandes banques, la State Bank of India (SBI), ABN AMRO et l’Antwerp Diamond Bank (ADB), ont décidé de limiter la capacité de leurs clients à acheter du brut, en particulier à la De Beers.
La veille du dernier sight, la SBI a annoncé à ses clients sightholders qu’elle ne leur accorderait pas de crédit pour leurs achats de brut à la De Beers. ABN AMRO a informé les siens qu’elle limitait le financement à 80 % (et dans certains cas à 70 %) des achats lors du sight, contre 100 % habituellement.
En outre, l’ADB révise actuellement ses politiques de financement de brut pour tous les acheteurs qui traitent directement avec les sociétés minières, y compris la De Beers et Alrosa. La banque envisage d’appliquer une politique similaire à celle d’ABN AMRO : réduire le financement.
La grande crainte de ces banques et d’autres, engagées auprès de l’industrie, est une chute de la rentabilité des fabricants. Ceux-ci sont en effet confrontés aux prix élevés du brut et aux difficultés des acheteurs de première main à refuser des marchandises aux producteurs. Les acheteurs sont tenus par des obligations contractuelles et par la peur de paraître peu fiables, voire incapables de régler les marchandises.
L’objectif des banques est d’obliger les miniers, en particulier la De Beers et Alrosa, à baisser les prix. Elles entendent rendre la situation des grands fabricants plus difficile, en les empêchant d’acheter des marchandises. Sans le soutien des banques, ils devront soit refuser les approvisionnements, soit financer de leur poche au moins une partie des achats. Quelle que soit la solution choisie, les banques auront réduit leur propre exposition.
L’annonce, accueillie calmement par les sightholders lors du dernier sight, a obtenu un certain succès à court terme. La De Beers s’est rendu compte que la grogne constante des négociants contre les prix élevés n’était pas une tactique de négociation. Elle a ainsi réduit les tarifs des boîtes d’environ deux tiers. La baisse globale, cependant, a été assez limitée. Elle a été estimée à environ 1,5 % en moyenne.
Les boîtes dont les prix ont été sensiblement réduits comprennent les Makeable Cubes – 3 gr/+7, qui ont reculé d’environ 6,7 %, à 155 dollars/ct, les Fine Collection Z 4-8 gr qui étaient proposés pour 1 226 dollars/ct, suite à une baisse de 3,8 %, et les Crystals de 2,5 à 4 carats, qui ont reculé de 5,7 %, à 2 661 dollars/ct.
Dans le même temps, certaines boîtes ont connu une augmentation, parfois importante. Ainsi, par exemple, le tarif d’une boîte de Commercial High, de 5 à 14,8 carats, a remonté de 2,3 %, à 3 657 dollars/ct. Celui des Commercial High Select Makeable, de 5 à 14,8 carats, s’est apprécié de 6,4 %, un chiffre notable, à 2 540,23 dollars/ct.
La faible baisse des prix vient s’ajouter à un sight relativement important. Sa valeur totale a été estimée à 600 millions de dollars. Par comparaison, le sight de juin était évalué à 550 millions de dollars.
Alrosa, le deuxième producteur en valeur, leur a emboîté le pas, et engagé une étape supplémentaire. Le minier russe a baissé ses prix d’environ 3 % en moyenne. Ce faisant, il a non seulement suivi l’évolution du marché, mais avec sens.
Suite au sight de juin, nous citions un passage du Talmud qui dit : « La vache veut davantage nourrir le veau que ce qu’il veut téter. » Nous écrivions alors : « Aujourd’hui, le marché du brut illustre parfaitement cela : les miniers veulent abreuver les fabricants en brut, au-delà de ce qu’ils sont prêts à acheter. Les marchandises s’échangent donc à bas prix et beaucoup ne trouvent pas preneurs. »
Aujourd’hui, les sightholders, aussi bien que les établissements financiers, montrent beaucoup moins de bonne volonté. Les miniers doivent donc faire face aux réalités du marché. Les sightholders ont tenté de retarder les livraisons (grâce au calendrier de l’ITO) et acheté très peu hors programme. Toutefois, les Specials – des marchandises de 10,8 carats ou plus –, qui étaient proposés ont trouvé acheteur. Ces articles sont moins sensibles aux fluctuations de la demande du marché.
La faible demande de brut résulte d’un marché atone pour le taillé. L’indice des prix du taillé d’IDEX Online a reculé de 1,9 % en août, perdant presque un point en pourcentage par rapport à juillet.
Autre problème à l’origine de la résistance à l’achat de brut : le stock de taillé, apparemment considérable. Il a été estimé par certains à bien plus de 1,5 milliard de dollars.
Baisse de la demande de brut, demande médiocre pour le taillé, stocks imposants : le marché secondaire du brut se montre, on peut le comprendre, assez réticent à verser un premium sur les prix déjà élevés de la De Beers et d’Alrosa. Actuellement, les acheteurs seraient prêts à payer un prix approchant le tarif. Il en ressort une perte sèche pour les sightholders et les clients d’Alrosa sous contrat.
Perspectives
Face au financement bancaire resserré, à des stocks de taillé considérables et à un délai de seulement deux mois avant Diwali, période de vacances pour l’industrie indienne, fabricants compris, la demande de brut ne devrait pas connaître de forte reprise.
Si les banques continuent à faire pression et que les fabricants limitent leurs achats, les prix du brut devraient baisser, d’environ 5 %. Avec un tel scénario, les fabricants pourraient connaître de la rentabilité et, à leur tour, réduire les prix du taillé. Nous pourrions ainsi constater un regain d’intérêt de la part des détaillants, sans compter des chiffres d’affaires motivants.