En septembre, De Beers a annoncé qu’elle consacrerait 20 millions de dollars à la campagne Seize the Day, axée sur les diamants naturels.
De Beers avait lancé cette campagne pour la première fois dans les années 90, c’est-à-dire il y a suffisamment longtemps pour que j’oublie l’année exacte. Et elle l’a déjà relancée au moins une fois depuis. Elle ressort également du placard son slogan emblématique, A Diamond Is Forever, lui aussi déjà ressuscité à plusieurs reprises.
En revisitant ces anciennes campagnes, De Beers vend sans conteste un nouveau produit : les diamants naturels. La société a toujours fait la publicité de la catégorie « diamants » en général. Plus récemment, elle a mis en avant Forevermark et la chaîne de retail de De Beers. Mais son marketing générique pour les « diamants naturels » est jusqu’à présent resté assez limité. On peut y voir le signe de la progression des ventes des diamants synthétiques et d’une réponse à un manque de confiance sur le marché.
La crise actuelle est, comme la plupart des crises diamantaires, en partie psychologique. Beaucoup craignent que les diamants synthétiques ne prennent une part permanente du gâteau.
À quel point la situation pèse-t-elle sur l’humeur ? En janvier, le G7 devrait imposer des sanctions au taillé russe, une décision qui devrait au moins gêner les importateurs de pierres. On pourrait penser que le marché voudrait se constituer des stocks, or, il est en train de fermer.
Quel est le groupe qui se languit du retour de A Diamond Is Forever ? Pas les jeunes. Ceux-ci connaissent peu ce slogan lancé juste après la seconde Guerre Mondiale. Lorsque le prédécesseur du Natural Diamond Council, la Diamond Producers Association, a interrogé les jeunes, elle a montré que le concept « d’éternité » n’évoquait pas grand-chose pour eux.
Mais il y a bien une catégorie qui aime ce slogan et s’en souvient. Ce sont les membres de l’industrie – en particulier ceux d’entre nous qui sont là depuis un certain temps. Le slogan « porte en lui une véritable énergie et un sentiment puissant pour les détaillants », m’a affirmé David Prager, directeur de marque chez De Beers lors de l’annonce de la campagne.
Certains se demandent pourquoi le Natural Diamond Council (NDC), largement financé par De Beers, n’est pas à l’initiative de cet effort, maintenant qu’ALROSA s’est retirée. David Prager affirme que la raison est liée au fait que De Beers détient la propriété intellectuelle des slogans Seize the Day et A Diamond Is Forever, ce qui est logique, même si De Beers aurait pu les céder sous licence. Je suppose qu’il faut aussi comprendre que le NDC n’est pas devenu le Service de promotion des diamants 2.0 que certains souhaitaient.
Au lieu de cela, le NDC a globalement suivi sa propre trajectoire, en se concentrant sur le contenu en ligne, les réseaux sociaux et l’élaboration d’une image générale. Telle est la voie, qu’on le veuille ou non, qu’emprunte le monde aujourd’hui. Chaque année, je crée un groupe cible pour tester les publicités des fêtes. Récemment, je me suis interrogé sur l’intérêt de le faire. Dans ces entretiens, les membres de la génération Y et de la génération Z affirment qu’ils ne regardent généralement pas la télé, qu’ils ne voient donc pas ces publicités.
De nombreux acteurs de l’industrie, eux, les voient et se plaignent de l’absence des spots du NDC. J’entends souvent dire : « Où sont les publicités télévisées ? » Les membres du marché regrettent l’époque où De Beers dépensait 200 millions de dollars par an en publicité et où ses campagnes envahissaient la gare de Grand Central Terminal. Toutes ces opérations ont pris fin au milieu des années 2000. Mais s’il est possible de ressusciter la série Frasier, les grands chevaux de bataille de De Beers peuvent évidemment être remis sur les rails.
Le secteur des diamants naturels est aujourd’hui engagé dans une bataille féroce pour protéger ses atouts. Mais avant de s’attaquer à une tâche cruciale, celle de regagner des clients, elle doit retrouver la confiance du marché.
La mode des diamants synthétiques a été alimentée d’une part par le public, d’autre part par les détaillants, qui ont profité de marges supérieures sur ces articles. Mais cela ne veut plus rien dire lorsque les prix ne cessent de plonger.
Voyez ce spot sponsorisé de 2022, de Robbins Brothers. Il met l’accent sur la boutique et le concept des diamants synthétiques. J’en ai probablement déjà vu des centaines de la sorte.
Robbins Brothers affirme maintenant vouloir ramener « les diamants naturels au cœur du débat ». Les bijoutiers qui ont passé des années à dire aux clients qu’il « n’existe aucune différence entre diamants synthétiques et naturels » et que « seuls les diamants synthétiques sont écologiques » affirment désormais : « Eh bien, en fait, euh… » Il est difficile de bâtir un avenir sur un produit dont le prix est en chute libre perpétuelle. Comme le dit le responsable d’une chaîne de bijoux : « Nous devons tous nous retourner vers les diamants naturels et espérer que nous pourrons convaincre les clients de nous suivre. »
Mais cela est impossible si l’activité des diamants naturels panique et connaît elle aussi une chute des prix. De surcroît, De Beers – le roi de l’extraction des diamants – a parfois diffusé des messages mitigés sur les diamants synthétiques.
La campagne de De Beers pour les fêtes pourrait renforcer les ventes pendant la saison. La société permet d’ailleurs aux détaillants de l’utiliser gratuitement. Pourtant, je considère que le véritable but de De Beers n’est pas simplement d’influencer les consommateurs mais de convaincre l’industrie que l’activité des diamants naturels a un avenir.
« Retrouvons-nous tous ensemble, affirme-t-elle. Certes, vous avez peut-être eu un coup de cœur pour les diamants synthétiques. Nous aussi, mais c’est fini maintenant. Vous vous souvenez du bon vieux temps ? Nous pouvons faire renaître la magie. »
En sera-t-il ainsi ? Qui sait ? Je suis d’avis que l’industrie traditionnelle a subi de gros dégâts et qu’elle a devant elle un long combat.
Avec A Diamond Is Forever, Seize the Day et les publicités de Noël bientôt sur les panneaux d’affichage près de chez vous, De Beers rassemble tous les acteurs et ressort ses succès. Le marché est bien entendu dithyrambique. De Beers connaît son public.
(Photo courtesy of De Beers)