Un programme d’informations télévisées a récemment annoncé une faillite à la Bourse du diamant d’Israël (IDE). La journaliste disposait de très peu d’informations sur cet événement mais a achevé son reportage de la sorte : « cette affaire se conclura elle aussi derrière des portes closes… comme d’habitude dans l’industrie diamantaire ». Il ne manquait plus que son clin d’œil signifiant : « vous et moi savons bien ce qui se passe derrière les portes closes de la bourse du diamant ». L’image pas toujours favorable qu’a le public des négociants est à peu près la même que celle des politiciens, des avocats et des journalistes. L’image pas toujours positive que véhicule l’industrie du diamant est la conséquence directe du manque de compréhension de son fonctionnement par le monde extérieur. À tort à ou à raison, le processus d’arbitrage de l’industrie diamantaire est aussi efficace que profondément enraciné dans la tradition.[:]
Des recherches universitaires l’ont montré, le système d’arbitrage évolue depuis plus d’un siècle ; à noter que les participants au marché, de différentes origines communautaires et ethniques, le soutiennent. Nulle part ailleurs dans le monde des affaires, un individu, qui confie à un tiers des plis de plusieurs millions de dollars, ne peut être persuadé de récupérer ces (mêmes) diamants.
L’arbitrage est un élément positif. N’importe quelle industrie voit naître des litiges. Or, ici, les contrats étant conclus oralement, il n’est pas nécessaire de décortiquer des textes rédigés par des avocats. L’arbitrage s’apparente au système de jury des procès ; il permet d’être jugé par ses pairs.
Les commissions d’arbitrage sont souvent confrontées à des négociants en défaut de paiement pour leurs achats de diamants. Ainsi que l’a récemment déclaré Yair Sahar, président de l’IDE, à IDEX Online, un chèque remis à titre de paiement doit être honoré au plus tard à 14 heures à la date d’échéance. Dans le cas contraire, le négociant défaillant s’expose à une exclusion immédiate de la bourse. Dès lors, s’il rencontre des difficultés à honorer ses obligations, la bourse le convoque, lui et les fournisseurs à qui il doit de l’argent, et entame un processus d’arbitrage. Le but est de parvenir à un règlement acceptable pour toutes les parties.
En règle générale, la personne défaillante doit régler une partie de sa dette immédiatement ou de façon étalée. Le négociant doit souvent « apporter avec lui de l’argent personnel », par exemple en vendant des biens, afin de rembourser sa dette.
Les biens propres sont pris en compte car les membres de la bourse sont personnellement responsables de leurs dettes. Autrement dit, même si l’intervenant est une société à responsabilité limitée, le négociant doit, en cas de défaillance, engager une partie de ses biens personnels.
Autre caractéristique remarquable de la procédure d’arbitrage, sa rapidité d’exécution. Dès qu’intervient un défaut de paiement, le processus de résolution démarre et les parties parviennent à un accord en quelques semaines, voire en quelques jours.
Même si les rouages internes de l’industrie du diamant n’ont peut-être pas gagné le respect des médias, le système juridique israélien respecte ce système d’arbitrage, de la même manière que si la décision émanait d’un tribunal.
Comme l’a rapporté pour la première fois Chaim Even-Zohar, Zvi Gal Diamonds a fait faillite il y a quelques années, après s’être endettée auprès d’autres négociants et de la Bank Leumi. Comme d’habitude, les dettes à l’égard de l’industrie ont été rapidement réglées. La banque a toutefois opté pour une procédure « traditionnelle » et s’est tournée vers le système judiciaire qui a nommé un séquestre. Celui-ci n’a pu que constater que les marchandises avaient déjà été liquidées. La banque s’est ensuite tournée vers le tribunal, prétendant que Zvi Gal avait établi un ordre de préférence parmi ses créanciers.
L’affaire ne s’est conclue que récemment, à l’issue de plusieurs années de procédures. La juge de la Cour du comté de Tel-Aviv, Varda Alshech, a dû choisir le système juridique à appliquer, entre le règlement de la bourse et les lois nationales sur la faillite. Dans sa décision, la juge Alshech a débouté la banque, qui demandait à ce que les biens personnels de Zvi Gil, en tant que personne, soient liés à ceux de Zvi Gil Diamonds en tant que société, même si elle a admis qu’il s’agissait d’une pratique courante à la bourse du diamant.
Récusant la demande relative à la priorité des créanciers, la juge a fait remarquer que les acteurs sur le marché du diamant, dont les banques qui le financent, connaissent parfaitement les lois et règlements qui s’appliquent à la bourse.
La banque traite avec ce secteur depuis plusieurs dizaines d’années ; elle a même ouvert une succursale au sein des locaux de la bourse ; elle est donc censée connaître les pratiques de l’industrie et ses règlements. Elle doit savoir que les membres de la bourse sont tenus de s’y conformer. Zvi Gal a donc dû engager ses biens personnels pour payer ses dettes.
Avec sa décision, la juge Alshech a établi un précédent juridique. Ce processus d’arbitrage s’appliquant également dans d’autres bourses du diamant, les négociants et les banques du monde entier devraient en prendre bonne note. Comme l’a souligné Chaim Even-Zohar, les banques voudront peut-être maintenant renforcer les engagements des négociants ou augmenter les taux d’intérêt, considérant que le risque qu’elles prennent est accru.
La journaliste de la TV n’a probablement jamais entendu parler de cette affaire. Peut-être ponctuera-t-elle son prochain reportage d’un clin d’œil, d’un petit sourire ou d’un lever de sourcil moqueur, mais elle devrait savoir que la loi penche du côté des traditions profondément ancrées et largement éprouvées de l’industrie diamantaire.
Les négociants trouvent, dans cette procédure de résolution des litiges, une justice rapide, précise et pratique. Ils évitent grâce à elle des années de procédure et des frais juridiques importants, dans l’attente d’une décision rendue par les tribunaux.
Dans les procédures qui s’appliquent à la bourse, personne n’est dupé, à l’exception peut-être des téléspectateurs exposés à de la désinformation.