Dans un rare interview accordé au Financial Times le 10 mai dernier, Charles Leung, le nouveau PDG de Chaumet, livre son analyse sur la stratégie de la Maison.
Charles Leung, originaire de Hong Kong, a été nommé à la tête d’une grande Maison de luxe française. Cette nomination reflète sans doute la volonté de LVMH de valoriser des talents expérimentés sur le continent asiatique. La Chine conserve toujours, malgré ses difficultés, un potentiel de croissance. Et bientôt l’Inde ? Le sous-continent indien est pressenti comme pouvant être le prochain marché du luxe et les groupes de luxe y plantent d’ailleurs quelques jalons.
Entré une première fois chez Chaumet en 2006 où il a contribué à développer le marché chinois, Charles Leung a ensuite pris des responsabilités sur la région Asie-Pacifique puis au niveau mondial.
Devenu PDG de FRED en 2018, il fait prendre au joaillier un virage vers la haute joaillerie pour enrichir son image reposant un peu trop sur la puissance de l’iconique Force 10. Avec une communication réussie, il remet aussi en lumière le storytelling de la marque, en particulier avec un livre et une exposition « Fred joaillier créateur depuis 1936 » au Palais de Tokyo en 2022. Puis il franchit une étape majeure, peut-être un coup d’essai, une ligne rouge s’affolent certains, en sertissant des diamants synthétiques bleus sur des pièces de haute joaillerie. Sacrilège ou vision ?
En tout cas, des sources sûres affirment que le synthétique n’est pas à l’ordre du jour chez Chaumet. La stratégie de Charles Leung n’est certainement pas de tout bousculer. Dans son interview au FT, le nouveau PDG se dit déterminé à poursuivre une stratégie fondée sur l’héritage, les savoir-faire et le style et explique pourquoi la narration sur les origines, les inspirations, les racines est essentielle pour une marque de luxe.
Les icônes demeurent et se modernisent
Les icônes restent à l’honneur, comme la collection Joséphine de Chaumet, qui porte le nom de l’impératrice et épouse de Napoléon, la cliente la plus célèbre du joaillier (à l’époque le joaillier Nitot, car Joseph Chaumet ne fera l’acquisition des ateliers que plus tard, en 1885). Idem pour la collection Bee My Love, inspirée par l’abeille napoléonienne et très prisée des jeunes.
La stratégie de Charles Leung est de garder les fondamentaux tout en les revitalisant pour ouvrir le « club », toucher une cible plus jeune et élargir le cercle. « Nous ne voulons pas rester coincés dans le XIXème siècle, nous sommes au XXIème siècle » confie-t-il au FT.
Les bijoux comme une forme d’expression personnelle pour les hommes
Autre objectif : capter la clientèle masculine en misant sur Napoléon comme source d’inspiration, de la même manière que Joséphine l’a été pour les femmes. Ces dernières années, Cartier, Boucheron ou plus récemment Mellerio (assez inattendu sur ce territoire) n’ont pas hésité à envoyer des messages forts en montrant leurs créations sur des mannequins masculins. Pour les jeunes hommes, porter des bijoux comme forme d’expression personnelle est une tendance qui se renforcera. M. Leung cite à titre d’exemple l’ambassadeur de Chaumet, Cha Eun-woo, acteur et chanteur coréen, et la possibilité de créer des pièces sur mesure pour lui. « L’idée est de créer des bijoux qu’il puisse porter, comme de la haute joaillerie, et qui mettent en valeur sa personnalité et sa masculinité particulière », explique M. Leung.
Il s’agit avant tout d’une différence culturelle. En Asie, les hommes sont moins frileux qu’en Europe pour porter des bijoux parce qu’ils n’ont pas le même acquis culturel ni les mêmes tabous, selon l’historien du bijou Ghislain Aucremanne. Si Charles Leung est certainement influencé par sa culture et ses années passées en Asie, il est aussi pragmatique, le marché de la joaillerie étant immense en Extrême-Orient, aussi pour sa part masculine. Il se dit d’ailleurs assez optimiste pour la Chine, qui devrait retrouver confiance et le chemin de la croissance.
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