Il n’y a pas si longtemps, j’ai posé une question sur Twitter, pour demander ce que les gens estimaient être le prix moyen par carat des diamants. Plus précisément, je me suis demandé à combien des gens informés évaluaient le prix moyen par carat du taillé.[:] Pour vous amuser, pensez à un chiffre avant de lire la suite et gardez-le en tête.
J’ai reçu de nombreuses réponses de négociants de taillé, de courtiers de brut, de représentants de sociétés minières, de commentateurs de l’industrie, et même de certaines personnes qui n’étaient pas directement impliquées dans l’industrie diamantaire, des observateurs, au mieux. Certaines de ces personnes connaissent très bien l’industrie, elles sont parfaitement familiarisées avec tout un éventail de chiffres (certaines d’entre elles vont même jusqu’à les produire au cours de leurs activités quotidiennes, par exemple pour les chiffres d’affaires.)
Ma propre estimation était de quelques centaines de dollars. Je pensais qu’avec le très grand nombre de petits diamants qui existent, avec un faible prix moyen par carat, le prix moyen des diamants devait être tiré vers le bas et j’imaginais que cette catégorie pouvait même dominer statistiquement le chiffre global.
Il est intéressant de noter que la plupart des réponses étaient proches de la mienne et que nous étions quasiment tous loin du compte. J’ai obtenu un écart de chiffres importants. Les convictions étaient, globalement, que la plupart des marchandises sont de gamme inférieure (ce qui est vrai), que la plupart ont une couleur inférieure (ce qui est également vrai) et que la plupart sont de faible grosseur, de moins d’un demi-carat (ce qui est encore vrai). Les chiffres allaient de 100 dollars/ct à bien au-delà de 10 000 dollars/ct.
Comment, dans ces conditions, établir un prix moyen ?
Il existe probablement plusieurs façons d’aborder cette question et la méthode qui suit est très fiable. Elle s’appuie sur des chiffres vérifiés, des données ayant fait l’objet d’abondantes recherches, comme le pourcentage de diamants de qualité par rapport à la production totale extraite des mines et le rendement de l’activité de la taille par les fabricants (ce qui donne le poids moyen d’un diamant taillé par rapport au brut à partir duquel il a été produit).
Collationnement des chiffres
Selon le rapport récapitulatif mondial annuel du Kimberley Process (KP), en 2013, la dernière année pour laquelle tous ces chiffres sont disponibles, la production mondiale de diamants a atteint 130 482 194,53 carats.
La production mondiale annuelle de diamants se répartit entre brut de qualité industrielle et brut de qualité supérieure. Le rapport entre ces grades est différent selon les mines, selon les cheminées et même à l’intérieur d’une seule cheminée. ALROSA, le plus gros producteur au monde en volume, a déclaré qu’en 2013 et 2014, ses ventes de brut de qualité (mesurées en carats) équivalaient à 70 % du total du brut vendu tandis qu’en 2012, ce chiffre était de 67 %.
Selon le rapport mondial sur les diamants de Bain & Co. en 2013, intitulé Journey Through the Value Chain [1], près de 55 % de la production mondiale est composée de diamants de qualité. Cette catégorie contient, en réalité, toute une gamme de marchandises, connues sous le nom de pierres de qualité médiocre qui, auparavant, n’entraient pas dans la catégorie du brut de qualité. Toutefois, au fil des années, ces pierres ont été ajoutées à l’offre de brut destinée à être sertie sur des bijoux en diamants. Par conséquent, nous en tiendrons compte pour notre calcul du prix du taillé utilisé dans les bijoux, car leur emploi est réel.
Après avoir établi la quantité de brut utilisée pour tailler les diamants à sertir sur des bijoux, passons à la fabrication, c’est-à-dire la taille du brut. Ces opérations entraînent une perte du poids du diamant, qui peut varier de juste 40 % du poids total (soit un rendement de 60 %) à 70 % (soit un rendement de 30 %). Cela dépend non seulement de la forme du diamant brut, mais également de celle du taillé choisie par le fabricant. Et cela implique généralement plusieurs options.
Les diamants bruts sont répartis en modèles, en fonction de la forme de la pierre brute. Les Sawables ont un rendement d’environ 45 % à 60 %, les Makeables un rendement d’environ 35 % à 45 % et les modèles à faible rendement, comme les Flats et les Chips, atteignent 15 % à 35 %.
Généralement, un fabricant tente d’obtenir le meilleur retour sur investissement pour la pierre brute, c’est donc parfois la valeur totale du taillé qui détermine son choix. Ceci signifie que le rendement n’est plus la priorité. Selon les fabricants, le rendement est estimé en moyenne aux environs de 40 %.
Enfin, l’industrie mondiale estime que la valeur annuelle totale du taillé évolue autour de 19 milliards à 22 milliards de dollars. En 2013, Chaim Even Zohar estimait ce chiffre à 21,6 milliards de dollars.
Calcul du prix moyen
Avec ces chiffres en poche, nous pouvons maintenant calculer la moyenne mondiale par carat en fonction de la valeur du taillé. Si la production mondiale annuelle en 2013 était égale à 130,5 millions de carats et que 55 % du volume de cette production concernaient des diamants de qualité, la production mondiale de diamants de qualité était de 71,8 millions de carats. Bien entendu, tout ce qui a été extrait du sol au cours d’une année donnée ne se vend pas au cours de cette même année. C’est malgré tout le cas de la majeure partie de la production et, au final, tout se vend, la situation finit donc par s’égaliser.
Dans les grandes lignes, environ 71,8 millions de carats de brut de qualité ont été fournis au secteur mondial de la fabrication diamantaire au cours de l’année. Avec un rendement moyen de 40 %, l’issue de cette production était de 28,7 millions de carats de taillé. Il s’agit d’une offre annuelle de taillé, prête à être sertie sur des bijoux de toutes sortes.
[two_third]Comme nous l’indiquions, cette production est évaluée à 21,6 milliards de dollars. Il s’agit de prix de gros, avant l’utilisation des marques, l’application des marges des détaillants, voire les majorations du marché. Enfin, si l’on divise la valeur de la production par son volume, nous parvenons à un prix moyen par carat de 752 dollars.[/two_third][one_third_last]
« Nous parvenons à un prix moyen par carat de 752 dollars. »
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Ce chiffre dépasse largement les 100 dollars mais il est bien inférieur à 10 000 dollars et prouve que notre instinct et notre intuition peuvent parfois être très trompeurs. Je vous propose la répartition ci-dessous :
Avertissements
Les chiffres qui précèdent concernent l’année 2013. Le niveau de production annuelle, les fluctuations du pourcentage de diamants de qualité par rapport à la production totale, la part de cette production qui est vendue, la quantité de stock de brut qui est effectivement taillée, l’évolution de la technologie qui influence le rendement et les prix payés pour le taillé, tous ces facteurs ont un effet sur le chiffre moyen. Celui-ci change chaque année, parallèlement aux fluctuations de ces variables. Toutefois, il donne une bonne idée du prix moyen du taillé.
Grâce aux chiffres enregistrés, nous sommes en mesure d’effectuer ce même calcul pour n’importe quelle année récente, y compris pour 2014. Pour cette année-là, il faudra toutefois utiliser une estimation de la production car le KP n’a pas encore publié les chiffres.
La plupart des analystes s’accordent à dire qu’avec l’augmentation de 5 % de la production de la De Beers en 2014 et avec l’augmentation de celle de quelques autres miniers (la production d’ALROSA a baissé de 2 % mais son volume des ventes a augmenté de 4 %), l’offre de brut aux fabricants était d’environ 133 millions à 135 millions de carats en 2014.
Vérification des chiffres
Ces chiffres sont-ils corrects ? Sont-ils un tant soit peu réalistes ? Si vous pensiez vous aussi que le chiffre moyen par carat avoisinerait les 250 à 400 dollars, ce résultat peut vous sembler élevé. Pour le vérifier, comparez les valeurs moyennes des échanges internationaux de taillé données par les grands centres diamantaires mondiaux.
L’Inde, le plus grand centre de fabrication au monde et la source de la majeure partie du taillé livré dans le monde, est également un fournisseur de marchandises bas-de-gamme. En 2014, d’après les valeurs et volumes d’exportation déclarés, la valeur moyenne des exportations brutes de taillé de l’Inde était de 671 dollars/ct. La Belgique, une source de diamants de catégorie supérieure, a indiqué que le prix moyen de ses exportations brutes en 2014 était de 2 006 dollars/ct.
Question de bon sens
Les salons de Las Vegas approchent à grands pas et les attentes sont réduites au minimum. Les détaillants ne veulent pas acheter de marchandises qui risqueraient d’être bloquées et d’immobiliser du capital. La tendance est inquiétante et peut, dans certaines circonstances, perturber l’industrie pour les années à venir. Si les choses doivent vraiment se passer ainsi, espérons au moins que le changement profitera à la bonne santé de l’industrie.
[1] Voyage dans la chaîne de valeur