En janvier, j’ai eu le plaisir de me rendre dans la ville ensoleillée de Scottsdale, en Arizona, pour le salon annuel Centurion et ainsi reprendre contact avec des détaillants après la saison des fêtes.[:]
Le message le plus souvent entendu était celui-ci : après une bonne année 2018, les joailliers s’attendaient à un mois de décembre solide mais les chiffres ont plongé, conjointement à ceux du marché boursier. Les événements de la fin 2018 et du début 2019, dont le shutdown de 35 jours du gouvernement, ont laissé aux détaillants un arrière-goût d’incertitude quant à l’année à venir.
Ce qui est toutefois certain, c’est que l’année en dira long sur les synthétiques. Comment les consommateurs réagiront-ils aux informations qui circulent ? Vont-ils en acheter pour des bijoux de mode ou des bagues de fiançailles ? Une marque ou une société va-t-elle s’imposer comme acteur dominant du secteur ?
Nous vous proposons quatre réflexions sur ce qui attend l’industrie des bijoux en 2019.
1. Pour 2019, les détaillants se sentent ____________
– Prudents et optimistes. – Préoccupés. – Incertains. Tous ces mots ont été prononcés au salon Centurion après un mois de décembre décevant concluant une année malgré tout solide en 2018.
Qu’adviendra-t-il de la guerre commerciale ? Y aura-t-il un nouveau shutdown (on en parlait au salon Centurion, même si la réponse semble négative) ? À quel point le premier a-t-il ébranlé les consommateurs ?
Se dirige-t-on vers une récession ? Les récessions sont particulièrement problématiques pour les bijoux car cet achat est du type discrétionnaire. Nul n’a l’obligation de remplacer une bague, comme on doit remplacer une voiture ou un réfrigérateur. Comme l’a expliqué un détaillant : « Nous sommes les premiers à en subir les conséquences. »
Un autre mot est revenu à plusieurs reprises : nervosité et il n’y a pas que les détaillants à être nerveux.
« Il me semble que tout le monde est nerveux à tout propos », a avancé une détaillante venant du sud.
Selon son ressenti, elle dispose des bonnes marchandises et du bon marketing dans sa boutique. La grande inconnue pour l’instant est de savoir si les gens vont acheter. Elle a également noté que 2019 est une année d’élections présidentielles et qu’une élection vient toujours « tout bouleverser ».
2. L’année nous en dira long sur la façon dont les consommateurs voient les diamants. La Saint-Valentin sera le premier grand test
Un nombre étourdissant de titres est paru sur Internet tous les jours à propos des synthétiques mais tous pourraient se résumer à ceci : les synthétiques ne vont pas disparaître. Le génie ne retournera pas dans la bouteille.
Les consommateurs vont en acheter. Reste à savoir en quelles quantités et dans quel but.
Voici ce que je suppose : les synthétiques vont rogner un peu du marché intermédiaire, en particulier pour les bijoux de mode à bas prix.
Bien sûr, certains achèteront des bagues de fiançailles en synthétiques mais je pense que le gros des ventes reviendra aux consommateurs qui affirment : « Oui, je peux avoir une jolie version de ces boucles d’oreilles/ce collier/ce bracelet en diamants pour moins cher. Qu’importe si le romantisme vient ou non de la Terre ? J’économise de l’argent et c’est un beau cadeau pour moi-même/ma fille/ma meilleure amie. »
Or, comme je l’indiquais, ce n’est qu’une supposition. Le temps nous dira ce que veulent les consommateurs – diamants synthétiques ou naturels – et pourquoi. L’année 2019 sera un tournant décisif dans cette histoire.
Comment, par exemple, JCPenney et Macy’s géreront-ils « Grown With Love », la gamme incorporant des diamants fabriqués principalement par WD Lab Grown Diamonds et sertis sur des bijoux fabriqués, distribués et commercialisés par Richline ? Vendront-ils assez pour maintenir ces gammes ?
Comment s’en sortira Lightbox ? De Beers continuera-t-elle à soutenir le projet, en introduisant des pierres plus grosses et de meilleure qualité, avec de nouveaux styles, par exemple des bagues ?
Qu’en sera-t-il des gammes de mode comme Atelier Swarovski x Stephen Webster ? Comment se vendront-elles ? Les designers qui les concevaient continueront-ils ? Verrons-nous un designer produire un design star à l’aide de diamants artificiels et s’imposer comme un acteur dominant ?
Quid des fabricants de synthétiques eux-mêmes, comme Diamond Foundry par exemple, société installée en Californie et qui a testé, mais sans le finaliser, le retail en boutiques traditionnelles ? Quel rôle joueront-ils dans l’avenir de l’industrie ?
3. Les sociétés intelligentes vont se poser pour réfléchir
En plus de servir de baromètre de la volonté des consommateurs d’acheter des diamants synthétiques, l’année 2019 sera propice pour ceux qui vendent déjà des diamants, artificiels ou naturels, afin d’évaluer l’avenir du marché des bijoux en diamants.
Certaines des questions qui viennent à l’esprit sont les suivantes :
– Quel sera l’effet de l’évolution des attitudes sociétales envers le mariage aux États-Unis sur la demande de diamants, étant donné que les bagues de fiançailles représentent une part importante du marché ?
Les couples se marient plus tard, bien souvent, ils vivent d’abord ensemble et/ou ont des enfants.
Ou bien ils ne se marient pas du tout. En 2018, le Bureau du recensement américain a publié un tableau intitulé « Organisations familiales et modes de vie » qui montrait que les ménages composés d’une seule personne représentaient 28 % de tous les ménages américains l’année dernière. En 1960, ce chiffre était de 13 %. Le tableau montrait également que 32 % des adultes de 15 ans et plus n’avaient jamais été mariés.
Ces tendances sont-elles durables (je dirais oui pour diverses raisons) ? Si tel est le cas, le marketing des diamants est-il prêt à évoluer en tenant compte de ce paramètre ?
– Comment les diamants se positionneront-ils face à une concurrence accrue et, dans certaines catégories, à une baisse des revenus discrétionnaires ?
Il y a certainement beaucoup de choses pour lesquelles dépenser son argent de nos jours. Comme l’a fait remarquer Shane McMurray, fondateur de The Wedding Report dans mon article sur les dépenses pour les bagues de fiançailles, il y a les lattes et des dîners au restaurant, des accessoires et des vêtements, sans compter la hausse des sommes dépensées pour ce que l’on appelle généralement le « bien-être » : vitamines spéciales, cours de yoga, adhésion à des salles de sport, jus purifiants, etc.
Ajoutez-y le fait que les salaires de beaucoup ne suivent pas le coût de la vie. Cela équivaut à moins d’argent disponible pour tout ce qui n’est pas nécessaire.
– Pour ceux qui disposent de forts revenus discrétionnaires, quel est l’article de luxe n° 1 qui canalise l’argent, au détriment d’un bijou en diamants ?
Je dirais qu’il ne s’agit pas d’un article matériel, comme un sac à main ou une paire de chaussures, mais plutôt d’expériences, et notamment des voyages. Y a-t-il une façon de concurrencer cela ?
4. Des détaillants réputés continueront à faire faillite
Ici, je triche un peu car l’année ne compte pas encore 50 jours et sept détaillants ont déjà lancé des procédures de faillite, d’après la liste ouverte de Retail Dive recensant les victimes de faillites pour l’année. Parmi eux figuraient des marques anciennes d’articles de base présentes dans les centres commerciaux, comme Things Remembered, Gymboree et Charlotte Russe.
Quelles seront donc les boutiques proposant de la joaillerie à risque en 2019 ?
Début 2018, j’avais prédit que Sears disparaîtrait. Bien que la marque se soit relevée de ses cendres, il est difficile d’imaginer ce qu’elle va pouvoir faire pour retrouver une place et rester sur le marché.
JCPenney est un autre détaillant que nous surveillons depuis un certain temps. Quant à Neiman Marcus, son nom continue d’apparaître sur diverses listes de surveillance des faillites. Certains prévoient qu’en 2019, autant de détaillants pourraient mettre les clés sous la porte qu’en 2017.