L’hiver dernier, un collègue de l’industrie que je respecte beaucoup a évoqué sur un de ses blogs un adage que je ne connaissais pas : si vous voulez vraiment être sur vos gardes vis-à-vis des médias, lisez un article sur un sujet que vous connaissez sur le bout des doigts.[:]
Depuis que j’ai lu cet article, cette phrase s’est régulièrement vérifiée. La dernière fois, pas plus tard que la semaine passée.
Le 19 avril, The New York Times a publié sur son site Internet une histoire concernant les diamants de laboratoire, ou diamants synthétiques : « When Diamonds Are Dirt Cheap, Will They Still Dazzle? » (« Quand les diamants coûteront moins que rien, brilleront-ils toujours ? », également publiée dans l’édition papier new-yorkaise du Times le lendemain.)
Le message de l’article, à savoir que la technologie peut faire évoluer la perception de la valeur, soulève une question intéressante qui mérite d’être débattue. Mais malheureusement, une grande partie des informations qu’il donnait sur les diamants de laboratoire étaient fausses.
Pour commencer, l’auteur ne semble jamais saisir que les diamants de laboratoire sont, en fait, de vrais diamants. Ils sont simplement formés en laboratoire, et non sous terre.
Il déclare également que les diamants créés à l’aide du « nouveau » procédé de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) sont « visuellement identiques aux diamants issus des mines », et la légende (qu’il n’a peut-être pas écrite) de la photo au début de l’article indique : « Le dépôt chimique en phase vapeur permet de créer, à partir de gaz, des diamants qu’il est pratiquement impossible de distinguer des diamants issus des mines. »
On ne sait pas trop si cela signifie qu’il est impossible de les distinguer visuellement ou dans les laboratoires de gemmologie. Dans les deux cas, c’est faux. Les diamants de laboratoire sont de vrais diamants, donc, évidemment qu’ils sont identiques visuellement. Mais les laboratoires peuvent les identifier. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il n’arrive jamais que des diamants de laboratoire soient introduits dans la chaîne d’approvisionnement des diamants issus des mines sans que personne ne les remarque.
L’auteur écrit également que « les prix en chute libre vont métamorphoser de vieilles conventions sociales. Le gage d’engagement que symbolise une bague de fiançailles en diamants, par exemple, va perdre son pouvoir quand on pourra acheter des pierres de deux carats sans imperfection pour seulement 25 dollars. »
Je ne sais pas comment il est arrivé au chiffre de 25 dollars, mais il est bien connu que l’une des grandes difficultés que rencontrent les entreprises qui produisent des diamants en laboratoire est le prix et le temps nécessaires à la production de diamants de belle grosseur. À ce jour, ils sont toujours incapables de le faire d’une manière qui serait réellement une menace pour le marché des bagues de fiançailles issues des mines.
C’est pourquoi toute l’attention se tourne vers les mêlées synthétiques, comme l’a judicieusement souligné l’analyste du secteur Ben Janowski lorsqu’il a partagé l’article du Times sur Facebook cette semaine. Là réside le véritable problème pour l’industrie.
Et bien sûr, aucun article de la presse grand public sur le secteur diamantaire ne serait complet sans une référence obscure au monopole de la De Beers et à sa mainmise diabolique sur toute l’industrie. « Les tableaux originaux célèbres seront toujours rares, tout comme les diamants de grande qualité issus des mines, du moins tant que la De Beers exerce son emprise », écrit l’auteur. De quelle emprise parlons-nous, alors que sa part de marché est passée sous la barre des 40 % ?
Lorsque j’ai eu fini de lire cet article, j’ai écrit un e-mail à son auteur, qui est professeur à l’Université de Cornell, afin de lui indiquer certaines de ces inexactitudes et pour lui poser quelques questions. Soyez assurés que j’écrirai un nouvel article s’il me répond.
Mais là n’est pas la raison d’être de cet article, que je n’ai pas écrit uniquement pour remettre en cause les capacités ou les méthodes d’un autre auteur.
Non. J’écris pour que les détaillants aient conscience de ce qui se dit des diamants dans la presse grand public. Au cas où ils seraient confrontés à des questions suscitées par cet article, ou tout autre qui pourrait suivre.