Cette technologie pourrait contribuer à tracer les marchandises volées et à améliorer le Kimberley Process.[:]
Dans son rapport de mi-mandat publié cet été, Ahmed Bin Sulayem, le président du Kimberley Process, a proposé une hypothèse originale : la sécurité du système de certification pourrait être améliorée grâce à la technologie Blockchain.
Jusqu’à présent, le président n’a pas précisé cette déclaration. Un porte-parole du Dubai Multi Commodities Centre a déclaré au JCK : « Nous étudions toujours le concept d’un point de vue global, afin de comprendre par nous-mêmes comment cela pourrait fonctionner et s’appliquer de manière spécifique. »
Afin de mieux comprendre comment Blockchain pourrait fonctionner pour les diamants, et au KP en particulier, je me suis adressé à Leanne Kemp, fondatrice et PDG de Everledger, une société londonienne qui utilise la technologie Blockchain pour vérifier la provenance des diamants, ainsi qu’à Eric Schulte, un technicien et observateur averti de l’industrie.
Blockchain est la technologie sur laquelle reposent les bitcoins. C’est le « registre » qui consigne les transactions réalisées dans cette devise cryptée. Elle a pour but de sécuriser les transactions (ou les données) en enregistrant les informations non pas dans un seul lieu mais sur tout un réseau d’ordinateurs, le but étant de limiter les risques de falsification. (Pour plus d’informations sur ce sujet, The Economist a publié un très bon article ici.)
Cette technologie sert parfois d’ossature pour les registres qui collectent des informations à partir de bases de données auparavant « en silo », autrement dit cloisonnées. Ainsi, si deux organisations disposent d’informations qu’elles pourraient avoir avantage à s’échanger, la technologie Blockchain aide leurs bases de données à communiquer entre elles et conserve des dossiers communs au moyen d’un registre décentralisé.
Dans le cas du Kimberley Process, la technologie Blockchain pourrait appuyer une base de données potentielle qui relierait les 81 autorités chargées des importations et des exportations au KP. Pour l’heure, chacun des pays participants possède sa propre méthode pour délivrer des certificats et enregistrer les résultats. (« Certains de ces bureaux du Kimberley Process rangent leurs certificats dans des armoires de classement », affirme Leanne Kemp.) Une base de données soutenue par Blockchain pourrait offrir un moyen sécurisé de délivrer et d’enregistrer des certificats, empêchant ainsi leur contrefaçon (un problème récurrent), ce qui créerait un réseau de données plus étendu et pourrait même offrir une vision plus nette des mouvements des diamants dans le monde. Au final, le président du KP suggère que cela pourrait éviter d’avoir recours aux certificats physiques du KP.
Bien entendu, cela ne se fera pas du jour au lendemain.
Selon le rapport du président, qui promet de nouvelles informations lors de la séance plénière à venir, « l’adoption de la technologie Blockchain serait un processus long, exigeant d’importantes recherches. »
Que cela se réalise ou non, Leanne Kemp défend activement d’autres utilisations de Blockchain dans l’industrie : la principale activité d’Everledger est la création d’un registre des marchandises volées qui servirait de « système de détection de fraude à l’assurance ».
Le système fait le lien entre les différentes bases de données diamantaires des compagnies d’assurance. Cela leur offre un moyen de valider les demandes d’indemnisation : un assureur est averti si, par exemple, une personne a présenté plusieurs demandes d’indemnisation pour un diamant volé à différents assureurs. Le système a également été adopté par certains laboratoires de gemmologie. Les assureurs sont donc maintenant informés si un diamant volé fait son apparition dans un laboratoire. (Après tout, fait remarquer Leanne Kemp, lorsqu’une compagnie d’assurance règle une indemnisation pour une pierre, elle en devient le véritable propriétaire.) Leanne Kemp espère également conclure des contrats avec des marchés en ligne comme eBay, afin d’éviter que quelqu’un ne dépose une demande d’indemnisation pour un diamant, puis n’essaye de s’en débarrasser en ligne. Elle souhaite également impliquer les services d’application de la loi.
Tout cela ne fait que ramener l’industrie diamantaire au niveau des autres secteurs, explique-t-elle.
« Lorsqu’une voiture est volée ou perdue, une compagnie d’assurance est capable de trouver l’origine de la voiture, affirme-t-elle. Mais il n’existe aucun registre pour les diamants. »
Blockchain agit également dans les coulisses d’un domaine en pleine expansion, celui des contrats intelligents. Là aussi, il pourrait y avoir des applications dans l’activité diamantaire. Imaginons qu’un détaillant signe un contrat en vue d’acheter trois diamants. Grâce à un contrat intelligent, lorsque le joaillier accuse réception des pierres auprès du livreur UPS, le négociant à l’origine de l’envoi reçoit un paiement automatique, comme lorsque l’on règle ses factures par dépôt direct.
Bien que Leanne Kemp ait étudié au GIA, elle est principalement issue du domaine des technologies, et non de la joaillerie. Elle espère parvenir à étendre son concept de bases de données à d’autres marchandises de luxe, comme l’art, le vin et les montres haut-de-gamme.
« Blockchain, affirme-t-elle, est l’avenir de la certification. »
Pour plus d’explication, visionnez ce TEDx par Lorne Lantz, News Kids on the Blockchain