L’humeur sur le secteur intermédiaire de l’industrie diamantaire atteint de nouveaux creux, comme on peut l’observer chez les acheteurs de brut de première main. La volonté d’acheter, les perspectives globales ou les projets de fabrication… tout est au plus bas.[:]
Lors du sight de la De Beers de la semaine du 13 juillet, plus de la moitié des marchandises ont été refusées ou reportées. Selon plusieurs sightholders, beaucoup ont refusé jusqu’à 60 % ou 90 % du brut proposé. Certains n’ont même rien acheté, déclinant l’intégralité de leur attribution. Les achats motivés par la fidélité et l’espoir d’être récompensé par la suite sont deux notions maintenant disparues. Aujourd’hui, les sightholders affirment qu’ils n’achèteront le brut que s’ils peuvent obtenir des bénéfices.
Ce sentiment, même s’il est nouveau, produit déjà des effets sur les miniers. Selon les chiffres de la production et des ventes, publiés ces derniers jours, les miniers commencent à ressentir l’effet des refus.
Les achats peuvent-ils être rentables ?
Malgré tous les refus et les reports des clients chez les grands fournisseurs, comme la De Beers, ALROSA, Rio Tinto, Dominion, etc., pourquoi les rares plis achetés sont-ils proposés sur le marché secondaire ? Après tout, ces plis, achetés pendant la semaine de vente, sont censés être au juste prix.
Or, même le brut sélectionné avec soin ne semblait pas permettre aux acheteurs de première main de le tailler. Soit aucun des plis n’était rentable, soit les stocks de brut de ces sociétés sont suffisamment pleins pour permettre un mouvement de ces marchandises.
L’industrie est peut-être dans une situation si désastreuse que quoi qu’elle fasse, l’issue ne peut pas être favorable. Par conséquent, le premier scénario est le suivant : les prix du brut baissent, l’offre reste stable, des faillites pourraient intervenir en raison du manque de capital investi dans le stock et de l’incapacité à vendre le taillé fabriqué dans les mêmes quantités.
Deuxième scénario : le prix du brut est maintenu, on autorise les acheteurs à refuser des marchandises, tout en laissant le marché déterminer l’offre souhaitée. Mais cela ne semble pas être la bonne solution. Presque personne ne souhaite fabriquer dans la situation actuelle. La majeure partie du brut acheté est vendue sur le marché secondaire. Le bénéfice, lorsqu’il y en a, pourra provenir des conditions de paiement. Cela profitera certainement aux lignes de crédit et paiera les frais d’usine. Dans ce scénario, déjà réel pour beaucoup sur le marché, les fabricants espèrent que la demande de taillé se reprendra à un moment ou un autre. Cet espoir n’est pas une base solide pour une activité et, en réalité, beaucoup piétinent lentement dans cette direction.
Enfin, troisième scénario : les ventes de brut s’arrêtent totalement. Les sociétés du secteur intermédiaire sont obligées de rembourser leurs crédits sans tarder, car, comme indiqué ci-dessus, certaines des lignes de crédit pourraient être maintenues par le négoce de brut. En l’absence de cet acte essentiel d’achat et de vente de brut qui permet d’obtenir des revenus sur les conditions de crédit, une grande part du cycle d’affaires disparaît. La situation n’est pas simple pour les fabricants car la majeure partie de leurs fonds est liée à leurs stocks.
S’attendre à de nouvelles baisses de prix
Même si les prix du brut baissent et qu’ils sont relativement bas par rapport à l’année dernière, la plupart des acheteurs de brut s’attendent à ce qu’ils continuent à reculer après leur retour des vacances du mois d’août. Par conséquent, les achats de brut restent moindres, malgré de faibles coûts.
Si cette hypothèse est infirmée et qu’ils ratent une occasion d’acheter à bas prix, puis que les prix augmentent lorsque le travail reprendra fin août, il vaudra mieux payer plus cher et se tenir sur des bases plus solides, sans craindre d’avoir à fournir un crédit. La hausse des prix et la hausse de la demande vont de pair. Généralement, dans ces circonstances, la demande de taillé devrait augmenter.
Un exemple de cette situation concerne les rondes de 0,30 carat. Après avoir atteint un pic, leur prix a perdu 30 %. Regardons maintenant les nombreux plis de brut qui donnent ce type de marchandises : leur prix est en baisse de 25 % à 30 %. Et même si un fabricant achète du brut « bon marché », 30 % moins cher, il reste confronté à un manque de rentabilité pour la taille de ces marchandises. Sans bénéfices, de plus en plus souvent, le marché choisit de s’arrêter pour attendre un changement de l’environnement commercial – lorsqu’on peut se le permettre. L’idée est de rassembler ses liquidités et de tenter de protéger le taillé, jusqu’à ce que les affaires s’améliorent, peut-être en novembre avec le début de la saison des fêtes.
Les premiers résultats de la De Beers montrent une chute des ventes
Lors du sight de la semaine du 13 juillet, les clients de la De Beers ont découvert que les prix n’avaient pas changé comme ils l’auraient voulu et ils ont décidé de refuser les marchandises. Ceux qui ont agi ainsi comprennent des fabricants, des négociants et même des détaillants (ceux dont les opérations sont les plus rationalisées). Fait étrange, dans certaines catégories, il y a même eu des hausses de prix. Résultat, de nombreux sightholders ont fait état d’une grande déception. Leur espoir que de nouvelles mesures soient prises pour répondre à leurs besoins pendant ces périodes difficiles a été anéanti.
Les nombreux refus ont montré une chose : on sait maintenant qu’il s’agit de la seule façon d’éviter de nouvelles pertes. Si l’offre de brut est chère, le taillé ne circule pas assez vite et le négoce de brut devient risqué. Il est donc logique d’éviter d’acheter du brut supplémentaire. Et c’est ce qu’ont fait la plupart des gens. La valeur totale du sight est estimée entre 150 millions et 175 millions de dollars, pour une offre initiale prévue de plus de 600 millions de dollars. Près des trois quarts des marchandises du sight ont été soient refusées par les clients, soit reportées au sight suivant, fin août.
Selon des sightholders, les craintes portent maintenant sur le sight d’août, qui devrait être important en raison des reports récents. Ils aimeraient que les prix baissent de près de 9 %, voire de 10 % ou plus et que le volume soit considérablement réduit. Faute de quoi, affirment-ils, ils ne pourront pas acheter l’esprit tranquille.
Jeudi 16 juillet, Anglo American, la société-mère de la De Beers, a publié ses résultats semestriels. Les ventes de brut ont perdu 26 % en glissement annuel, à 14 millions de carats. Selon Anglo, le brusque recul des ventes est le signe de réapprovisionnements moindres de la part des fabricants et des négociants.
D’après Anglo, au premier semestre de l’année, le prix de vente moyen de la De Beers a progressé de 7 %, à 206 dollars par carat en moyenne. L’évolution est due à un assortiment de produits supérieur à celui de l’année précédente. D’autre part, l’indice des prix du brut de la De Beers a perdu 4 % en moyenne au cours du premier semestre, comparé à 2014.
Face à la baisse des ventes, la De Beers a réduit sa production des usines de traitement des résidus de Venetia et Jwaneng. Elle a également indiqué que des grades inférieurs et une disponibilité réduite de l’usine à la mine d’Orapa, au Botswana, avaient joué sur la production totale.
La production a reculé de 6 %, à 7,96 millions de carats au deuxième trimestre, et de 3 %, à 15,63 millions de carats au premier semestre. Le minier a confirmé ses prévisions de baisse de la production pour l’année, à 30 à 32 millions de carats, contre les 32 à 34 millions de carats qu’il avait prévu d’extraire.
La production de Debswana, l’unité d’extraction de diamants de la De Beers au Botswana, a perdu 6 %, à 5,913 millions de carats. Chez Namdeb, la production a chuté de 15 %. En Afrique du Sud, elle a perdu 5 % et 11 % au Canada.
Hausse de la production de Rio Tinto
La production de brut de Rio Tinto a bondi de 23 %, à 4,7 millions de carats au cours du dernier trimestre, d’après un rapport de production publié jeudi 16 juillet. La hausse a été principalement entraînée par une accélération de la production de la mine souterraine d’Argyle. La mine australienne a donné 37 % en plus, à 3,4 millions de carats.
Au premier semestre, la production de brut de Rio Tinto a augmenté de 18 %, à 8,9 millions de carats. Pour l’année, Rio Tinto prévoit une hausse des volumes de production de 45 %, à 20 millions de carats en 2015.
Des tenders aux résultats médiocres
Ces derniers mois, les enchères de brut qui proposaient des plis réduits mais spécifiques et la possibilité de décider du prix proposé ont permis de réaliser des achats lorsque l’offre des grands miniers devenait moins attractive. La situation a empiré sur le marché. Aujourd’hui, même les enchères reflètent cette tension.
Lors des enchères récentes d’Okavango au Botswana, près d’un quart des lots proposés n’ont pas trouvé preneur. Les lots invendus couvrent toute la gamme de l’offre, des Rejections aux pierres spéciales de 10 à 78 carats. Le brut qui a suscité le plus d’intérêt concernait les articles donnant du taillé de 1 à 2 carats, dans des catégories qui conviennent au marché américain.
Les tenders de Grib ont connu une baisse moyenne de 8 %. Petra a informé ses clients qu’elle reportait son tender de fin août à fin septembre. Il sera intéressant de voir comment se dérouleront les tenders en Afrique du Sud la semaine du 20 juillet. ALROSA, qui n’a pas baissé ses prix, a permis à ses clients sous contrat de reporter 25 % des marchandises et de refuser jusqu’à 25 % supplémentaires. Pourtant, les marchandises russes s’échangent avec une remise de 5 % et des conditions de crédit de 120 à 180 jours, selon des sources du marché.
Malgré ces difficultés, un diamant brut exceptionnel, de type IIa, de 341,90 carats, s’est vendu 20,6 millions de dollars lors du tender de juillet de Lucara pour les pierres spéciales. Ceci prouve bien que la demande résiste parfois à la crise actuelle. Le tender comportait 14 pierres de 10,8 carats et du brut de grosseur supérieure et il a permis d’obtenir 68,7 millions de dollars. Un autre diamant exceptionnel, une pierre de 269,70 carats, s’est vendu pour environ 61 000 dollars par carat lors du tender.
Les problèmes du taillé persistent
Les ventes de taillé restent moroses, bien que certaines soient saisonnières. Cela n’a pas empêché les négociants d’exprimer de vives critiques face aux baisses de prix sur la liste de référence du marché. Selon un négociant, la mesure a été vue comme mettant de l’huile sur le feu. Certaines des critiques étaient teintées d’ébahissement. D’autres ont demandé pourquoi les prix des rondes de 1 carat avaient baissé alors que cette grosseur est l’une des rares à avoir profité d’une amélioration de la demande et d’un raffermissement des prix.
Des perspectives inquiétantes
Toute la filière envisage désormais les implications d’une baisse de la demande de taillé et de bijoux des consommateurs. Cela engendre un environnement commercial inquiétant pour tous. Il semble en effet que, quelle que soit l’action engagée, elle ait des inconvénients. Il faudrait donc parvenir à une série d’actions courageuses et prudentes.