J’ai entendu dire que, pour bien se distancer des médias, il fallait lire des articles sur un sujet que l’on connaît bien. Cela fonctionne pour les diamants. [:]Tous les six mois environ, je tombe sur des articles du style « les diamants sont une arnaque » (voir les éditions récentes du Huffington Post, de PolicyMic et de Bustle.) Aujourd’hui, la rédactrice-en-chef du JCK, Victoria Gomelsky, Trace Shelton pour Instore et Edahn Golan pour IDEX ont répondu à ces articles et leurs points de vue sont tous valables. Mais je voudrais aussi évoquer certaines affirmations communes, étudier leur origine et les raisons pour lesquelles elles réapparaissent sans cesse.
Tout d’abord, commençons par un lieu commun : « les diamants ne sont pas rares. » Certes, cela est vrai, dans une certaine mesure. Vous pouvez acheter des diamants dans n’importe quel centre commercial en Amérique. Pour un Américain, tout article disponible dans un rayon de 15 km n’est pas rare. Mais les diamants de qualité ne sont pas si faciles à trouver. Quant aux plus gros, de qualité supérieure, ce sont les plus rares de tous. Les riches investisseurs ne dépenseraient pas 30 millions de dollars pour un D Flawless de 118 ct si l’on en trouvait à tous les coins de rue.
Quand les gens affirment que « les diamants ne sont pas rares », ils veulent généralement dire que l’offre a été artificiellement limitée. Bien sûr, depuis des décennies, la De Beers stocke des diamants pour maintenir les prix. Or, sa part de marché étant de 35 % à 40 %, il n’y a plus de logique à agir dans ce sens. En outre, l’accord de De Beers avec les autorités de la concurrence de l’Union européenne lui interdit de stocker. Il en va de même de l’action collective anti-concurrence américaine, dont les décisions sont devenues applicables en 2012, et qui exige de la De Beers qu’elle :
… respecte les lois fédérales et nationales sur la concurrence, interdise une conduite spécifique dont les demandeurs jugent qu’elle a été anticoncurrentielle, limite ses achats de brut auprès d’un tiers à 40 % de la production de ce tiers, sauf si un organisme de réglementation convient d’autre chose, interdise le stockage de diamants bruts et interdise les accords de maintien des prix de revente.
(Réfléchissons. Si la De Beers a eu à payer 300 millions de dollars pour régler un recours collectif relatif à son comportement anticoncurrentiel, elle n’irait pas répéter le comportement qui l’a menée au procès. Elle risquerait d’être de nouveau poursuivie.)
Auparavant, l’industrie était dirigée par un cartel. Ce n’est plus le cas. Si ces auteurs s’en souciaient vraiment, on pourrait imaginer qu’ils seraient satisfaits. Au lieu de cela, beaucoup se contentent d’esquiver ou d’ignorer la question, même si l’information est disponible depuis des années (cf. : The Economist, Bloomberg Businessweek, The New York Times, Kitco, etc.)
Autre affirmation que l’on entend beaucoup : « les diamants n’ont pas de valeur », ce ne sont que des morceaux de roche brillante. Cela est également vrai et faux. Les diamants ont une valeur parce que nous, les humains, leur en attribuons une. Comme nous le faisons pour une œuvre d’Andy Warhol qui, après tout, n’est que de la peinture sur une toile, sans aucune utilité pratique. Ou un morceau de papier contenant des paroles des Beatles… ou un lingot d’or, une montre Rolex, un sac à main Louis Vuitton ou un iPod. Le marketing a joué un rôle énorme pour alimenter le désir pour les diamants et les bagues de fiançailles en diamants en particulier. Mais le marketing a également joué un rôle dans le succès d’Andy Warhol. Sans parler des Beatles, de Rolex, de Louis Vuitton et de l’iPod.
Certains des pires commentaires que l’on entend reposent largement sur un article de 1982, paru dans The Atlantic, par Edward Jay Epstein et intitulé « Have You Ever Tried to Sell a Diamond » (Avez-vous déjà essayé de vendre un diamant ?), adapté de son livre sorti la même année. (Un blogueur de Priceonomics semble avoir simplement repris ce texte, sans aller plus loin.) Pourtant, l’article de The Atlantic est vieux de 32 ans. Il évoque des marges habituelles de 200 % sur les diamants. Or, celles-ci n’existent plus. Aujourd’hui, de nombreux joailliers achètent aux particuliers. Si vous googlez « nous achetons des diamants », vous obtenez 1,5 million de résultats. Selon une estimation, 1 milliard de dollars de diamants se sont négociés ces dernières années. Alors, Edward Jay Epstein n’a peut-être pas eu de chance en vendant sa pierre. Mais beaucoup d’autres ont réussi.
Si vous voulez savoir si vous pouvez gagner de l’argent en revendant un diamant le lendemain de son achat, la réponse est non, bien entendu. Mais un diamant conserve sa valeur, bien mieux que beaucoup d’autres articles. Si quelqu’un avait écrit un article intitulé « Avez-vous déjà essayé de vendre un four à micro-onde vieux de trois ans ? », il n’aurait pas eu beaucoup de succès non plus.
Aujourd’hui, du fait du recul de la structure de l’entente, les prix des diamants sont devenus bien plus volatils. Or, d’innombrables rapports de consultants vous le diront, ces prix devraient augmenter à long terme, car la demande progresse, à la différence de l’offre. Alors, si quelqu’un croit vraiment que ses diamants n’ont pas valeur, qu’il vienne me voir. Je serai heureux de l’en débarrasser.
(Petit aparté : Edward Jay Epstein, qui a dévoilé de nombreuses informations intéressantes en 1982, vient de réapparaître avec un article intitulé : « Will the Diamond Cartel Survive? » (L’entente du diamant va-t-elle survivre ?). En 2009, il écrivait un article intitulé « Can Diamonds Survive the Free Market? » (Les diamants peuvent-ils survivre au marché libre ?). On pourrait imaginer qu’après trois décennies de prédictions sur le destin de l’industrie, il aurait nuancé sa vision du sujet. Et même si son premier opus proposait des informations étonnantes sur les chaussures en cuir, il ne semble pas avoir beaucoup progressé sur l’industrie. Son article récent n’est pas très différent de celui de 2009, lequel rabâchait les idées de son livre vieux de 30 ans. Il semblerait que même Epstein recycle du Epstein.)
Bien sûr, certains de ces auteurs sont tout simplement paresseux et reprennent des faits sans les vérifier. Je ne les blâme pas (sachant que la plupart sont des hommes). La faute revient à notre industrie. Et pas seulement parce qu’à certains moments, son histoire a vraiment été disgracieuse. Le fait est qu’elle ne se défend pas.
Quel secteur bancal permet à des auteurs de diffuser des mensonges à son sujet, sans répondre, ni même tenter de les corriger ? Les seuls à réagir sont mes collègues et moi-même, dans la presse spécialisée, et ce n’est vraiment pas notre rôle. Même la De Beers ne prend jamais la peine de réagir, alors qu’elle est la plus critiquée de tous. Sachant qu’elle veut s’imposer comme une grande marque, son attitude est dommageable.
Il se pourrait que le World Diamond Council reconstitué représente publiquement l’industrie. Ce serait une bonne chose. Contrairement à ce que vous avez pu lire avant la Saint-Valentin, les diamants ne sont pas sans valeur. Mais si cette industrie continue à négliger son image publique, ou à se désintéresser des comportements des jeunes consommateurs, et si elle ne parvient pas à mettre de l’ordre dans ses affaires pour assurer sa promotion ou sa défense, elle risque de donner raison à ses pires détracteurs.