Le GIA est connu pour de nombreuses choses : la certification des diamants, la formation et les machines de détection mais peu de personnes savent qu’il fabrique aussi des diamants.[:]
Ces cinq dernières années, dans le sous-sol d’un complexe de bureaux quelconque dans le New Jersey, les scientifiques du GIA ont fabriqué des diamants à l’aide du procédé de dépôt chimique en phase vapeur (CVD). Contrairement aux producteurs de diamants ordinaires, le GIA ne dispose pas d’une longue rangée de réacteurs : il fabrique les diamants un par un, dans différentes grosseurs et qualités.
Le laboratoire n’affiche aucun objectif de production défini. Lorsque je demande au vice-président exécutif et directeur du laboratoire et de la recherche, Tom Moses, la quantité généralement produite, il hausse les épaules et dit qu’il n’est pas sûr.
« Plusieurs centaines de carats par an. C’est peut-être la quantité maximum que nous avons produite », dit-il.
Cela s’explique par le fait que, contrairement à la plupart des producteurs, le GIA ne veut pas vendre de diamants. Il veut les étudier.
« Nous tentons de comprendre autant que possible le processus de croissance, indique Tom Moses. Nous découvrons donc ce qu’il se passe, presque en temps réel. »
Selon lui, cela est conforme à la mission du GIA, vieille de 85 ans : « S’assurer que le public sache ce qu’il achète. »
L’équipe du New Jersey travaille principalement sur le développement d’outils de détection, notamment ceux qu’elle commercialise et ceux dont elle est propriétaire pour un usage en interne. Pour sa cinquième année d’existence, l’installation est devenue une activité importante qui ne cesse de croître et de produire.
« Nous avons commencé davantage comme un garage-atelier, déclare Tom Moses. Je pense que nous avons bien évolué. Il y a de nombreuses personnes très compétentes, avec un bon bagage technique pour nous aider dans cette tâche. »
Parmi ces personnes, on compte Jim Butler, l’une des rares personnes à pouvoir dire qu’il fabrique des diamants depuis trente ans. Après des débuts au Naval Research Laboratory, il a travaillé chez Apollo Diamond et est devenu directeur scientifique chez Diamond Foundry. Il est à présent consultant pour le GIA.
« Le GIA fait dans l’excellence à tous les niveaux », dit-il. Et de remarquer que l’organisation du GIA applique les mesures de sécurité les plus drastiques de tous les laboratoires dans lesquels il a travaillé et dispose d’appareils de diagnostic spécialisés pour son réacteur.
« Très peu d’usines poseront des diagnostics sur leur réacteur », affirme-t-il. L’appareil lui donne « une vue en temps réel de la chimie en cours. »
Le GIA souhaitait précisément que son réacteur soit flexible, dit-il. Il bricole constamment la « recette » et fait des expériences avec différentes impuretés, tout ceci dans l’espoir de connaître toutes les variations possibles de la culture des diamants.
« Nous fabriquons parfois des échantillons bizarres et étranges, indique le vice-président de la recherche et du développement Wuyi Wang, simplement pour voir si nous pouvons les identifier. »
Ulrika D’Haenens-Johansson, chercheuse scientifique sénior au GIA, déclare qu’elle veut « adapter les types d’impuretés atomiques qui peuvent se trouver dans les diamants synthétiques, afin de créer volontairement des échantillons difficiles à identifier, juste pour s’assurer que les bonnes procédures ont été mises en place. »
Le laboratoire du GIA constate toujours plus de tentatives de faire passer des diamants synthétiques pour des diamants naturels et il s’attend à ce que cela continue, admet Tom Moses.
« Ces dernières années, il y a probablement eu des gens qui ont systématiquement mélangé des diamants synthétiques avec des diamants naturels pour faire de la marge, ajoute-t-il. Ce ne serait pas la première fois. Vous pouvez acheter des rubis synthétiques à la mine au Cambodge. »
Le GIA a noté une tendance inquiétante : des producteurs qui utilisent le procédé sous haute pression et haute température (HPHT) et l’irradiation pour supprimer la phosphorescence. Cela pourrait sans doute leurrer les appareils à base d’images qui utilisent cette caractéristique pour détecter si une pierre a été fabriquée par HPHT.
Ce qui est particulièrement troublant, c’est que la suppression de la phosphorescence n’améliore l’esthétique du diamant en aucune façon. « Son seul objectif est de duper l’autre », indique Tom Moses.
Le GIA n’a trouvé aucun autre traitement réservé aux diamants synthétiques ni aucun problème de changement de couleur. Quelques diamants « cultivés » changent parfois de couleur lorsqu’ils sont exposés à la chaleur ou à une lampe à ultra-violets mais c’est également vrai pour certains diamants naturels (« caméléons »). Le changement de couleur est toujours temporaire.
« Il y a tellement de confusion et d’incompréhension en ce moment, déclare Tom Moses. Si les gens observent un changement de couleur, ils pensent qu’il s’agit d’un diamant traité mais cela n’a rien à voir avec un traitement. »
En plus de fabriquer des diamants et d’examiner les articles adressés au laboratoire, le GIA achète des pierres synthétiques dans le monde entier, parfois par l’intermédiaire de tiers.
Tom Moses a noté l’essor important de la production HPHT provenant de Chine.
« Les plus grandes usines en Chine produisent 2 000 tonnes de ce matériau par an. Il est vrai qu’une grande partie est utilisée sous forme de sable pour les lames de scie. Mais les presses employées sont les mêmes que celles destinées à la production de pierres de qualité. Si vous êtes un fabricant industriel, que vous possédez ces presses, que vous vendez le produit 20 cents le carat et que vous pouvez gagner 20 % ou 50 % en plus dans votre usine, pourquoi ne le feriez-vous pas ? D’autant plus que certaines d’entre elles sont à l’arrêt en ce moment. »
Selon M. Wang, le matériau produit par HPHT est souvent plus beau que celui fabriqué par CVD.
« Le blanc HPHT est meilleur que le blanc CVD, dit-il. Avec le matériau synthétique CVD, il y aura toujours une contrainte interne. Les diamants HPHT sont plus transparents. »
Comme beaucoup, il prévoit que le prix de production des diamants va baisser. En réalité, il pense que le processus a déjà commencé.
Tom Moses indique que toute cette activité du GIA (qui a un coût non négligeable) est utile non seulement pour ses procédures de détection mais aussi lors de la prise de décisions récentes, telles que le changement des rapports de certification des synthétiques. Il souhaite également faire progresser la science de la production CVD à des fins industrielles.
La fabrication des diamants est un domaine en rapide évolution et certains souhaitent que le GIA agisse plus rapidement. Mais Tom Moses est plus enclin à avancer lentement mais sûrement.
« L’ancien président du GIA Richard Liddicoat avait pour habitude de dire : « Je pense que nous devrions laisser cela mijoter. » C’est tout à fait le cas ici. Réfléchissons. Voyons ce qu’il se passe. Voyons s’il est nécessaire de pousser les études en la matière. Ce concept est une façon sage d’aborder les choses aujourd’hui. »
Pendant que le marché évolue, le GIA est dans le New Jersey et laisse les choses mijoter et croître.