Le Kimberley Process mettait fin à sa séance plénière virtuelle le 12 novembre et son déroulement n’en est apparu que trop familier.
Les organisations non-gouvernementales présentes – anciennement connues sous le nom de Coalition de la société civile au Kimberley Process (KPCSC) – délivraient un communiqué en se plaignant, une fois de plus, que le KP a raté l’occasion de prouver sa pertinence dans cette nouvelle ère. Le World Diamond Council publiait également un communiqué, exprimant à peu près les mêmes sentiments, mais en termes bien plus mesurés, soulignant également l’importance et la réussite du système de certification. Il en appelait une fois de plus à l’élargissement de la définition des diamants du conflit, même si cette proposition semble rester perpétuellement lettre morte.
En fin d’année, les gouvernements présents adopteront une résolution soutenant le KP aux Nations unies, qui se sont fortement désengagées de la question des diamants, ayant de plus gros poissons à ferrer, avec une planète qui pourrait prendre feu.
Tout cela soulève une question : si personne ne paraît si excité à propos du KP, quelle est sa raison d’être ? Il y a des années, les participants se vantaient d’être une « famille » sympathique. Aujourd’hui, les réunions suscitent des contentieux. « J’ai abandonné », a déclaré un participant. Et lorsque je lui ai demandé ce qui se passait, il a répondu : « Ils continuent de se disputer. »
Il est assez pénible de regarder le KP se démener pour endiguer le flux des diamants provenant de République centrafricaine (RCA) – le seul pays qui continue à produire des diamants du conflit au titre de la définition officielle du KP. Il n’a finalement qu’une mission et il la rate.
Certains ont suggéré d’épurer le KP. Pour l’instant, l’organisme s’occupe de tous les diamants bruts dans le monde. On pourrait estimer qu’il s’agit d’un gaspillage des ressources lorsqu’il s’agit de certifier des diamants provenant, par exemple, du Canada, et qu’il vaudrait peut-être mieux rétrécir son programme et le focaliser très précisément sur la RCA, la région qui, de l’avis de tous, pose problème. Peut-être pourrait-on le conserver comme un système ordinaire d’importations et d’exportations, au même titre que la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction).
Pourtant, malgré tous ses problèmes, le KP restera probablement tel qu’il est. Tout d’abord, il ne fait de mal à personne, il améliore la transparence dans l’industrie et il apporte de l’ordre dans un secteur autrefois fortement dérégulé.
Il est également vrai que les diamants du conflit, selon la « définition traditionnelle », étaient autrefois un gros problème, déchirant trois pays. Les diamants du conflit n’ont pas totalement disparu mais ils sont devenus moins problématiques. Cela pourrait ou non être le fait du KP. Nous ne le saurons jamais, mais l’organisme n’a probablement pas fait de mal.
Le principal argument en faveur du démantèlement du KP est que l’industrie l’utilise pour « verdir » des diamants naturels, alors que sa chaîne d’approvisionnement continue de connaître de graves problèmes. Que l’on soit d’accord ou non, ce n’est pas une raison suffisante pour détruire un système de certification international plutôt onéreux. Les bijoutiers trouveront simplement une autre façon de répondre aux préoccupations des clients, en particulier avec les nouveaux systèmes de suivi qui arrivent sur le marché. Quiconque recherche « KP » sur Google peut constater que le système connaît des difficultés.
Certaines ONG ont une autre raison de s’y accrocher, même après le départ des deux ONG fondatrices, Global Witness et Partenariat Afrique Canada (aujourd’hui Impact), à l’occasion de colères très médiatisées. Cette raison pourrait ne pas être évidente pour les lecteurs américains. Elle ne l’était pas pour moi.
Dans certains des pays où ces ONG exercent, la liberté de parole n’est pas – et c’est le moins que l’on puisse dire – un droit très respecté, tel que le prouve l’arrestation de manifestants devant la mine Anjin à Marange, au Zimbabwe. Certains activistes africains au KPCSC mettent régulièrement leurs vies en jeu.
Le processus triparti du KP permet aux acteurs de s’exprimer librement devant leur gouvernement et l’industrie au sein d’un forum relativement sûr.
« On peut considérer que c’est une bonne plate-forme pour échanger des idées, explique Shamiso Mtisi, coordinateur pour le KPCSC et directeur adjoint de la Zimbabwe Environmental Law Assocation. Certains de ces responsables n’écoutent pas le monde extérieur, ils ne lisent même pas la presse. Vous pouvez crier autant que vous voulez en dehors des systèmes formels, ils ne vous écouteront pas. Ce système permet à la société civile de leur parler et de présenter des faits. Vous pouvez insister auprès de la personne concernée. »
Et il ajoute : « Cela ne signifie en aucune façon que le KP est parfait. Ce système est défaillant. Mais pour pouvoir présenter nos questions correctement, nous restons. »
En outre, certaines ONG reçoivent un financement des gouvernements en partie parce qu’elles participent au KP, sous la bénédiction des Nations unies. Il y a apparemment moins de demande pour des importuns indépendants. (Il faut aussi remarquer que, même s’ils sont généralement unis dans leurs communiqués publics, les membres du KPCSC ne sont pas toujours d’accord entre eux. Un Botswanais peut ne pas considérer les diamants de la même façon qu’un Zimbabwéen.)
En ce qui concerne les autres branches du KP, les États-Unis et leurs alliés partagent souvent les doutes habituels à ce propos mais veulent tout de même encourager ce modèle aux multiples intervenants, qui rassemble les ONG et les gouvernements. Le KP sert aussi les intérêts de l’industrie, non pas comme un stratagème pour ses RP, mais il lui permet d’éviter d’avoir à traiter avec un patchwork de réglementations de différents pays, comme c’est maintenant le cas avec les minéraux du conflit. Si le KP était démantelé, l’industrie se retrouverait groggy en matière de RP mais devrait aussi probablement développer un nouveau système efficace en partant de rien. Personne ne sait vraiment de quoi il pourrait s’agir. Il faudrait sûrement beaucoup de temps, et cela impliquerait peut-être, une fois de plus, d’adopter une loi dans plus de 80 pays. Comme me l’a dit un jour un ancien du KP, « C’est une inertie gouvernementale habituelle. Les choses qui sont en place ont tendance à le rester. »
L’industrie diamantaire est tellement assiégée par le problème des diamants du conflit qu’elle a concentré la majeure partie de son énergie dessus, aux dépens d’autres problèmes importants qu’elle doit traiter. Ce n’est que récemment que les acteurs ont pris conscience de la nécessité de s’attaquer aux autres faiblesses de la chaîne d’approvisionnement, en réponse à une plus grande sensibilisation des consommateurs et, probablement, au défi posé par les diamants synthétiques.
Le Kimberley Process a sa place mais il faut comprendre qu’il ne va pas et ne pourra pas guérir tous les maux du secteur diamantaire. L’industrie doit le faire elle-même.