Qu’ont en commun le Cullinan de 3 106 carats, le Lesedi La Rona de 1 109 carats et le Krupp d’Elizabeth Taylor ? En plus de figurer parmi les diamants les plus célèbres et les plus précieux au monde, ils sont tous de type IIa, ce qui signifie qu’ils ne comportent aucune impureté mesurable d’azote ou de bore et sont donc chimiquement purs.
Après avoir étudié ces diamants au GIA, le Dr. Evan Smith, chercheur au laboratoire, et ses collègues ont déterminé que la plupart des diamants de type IIa – ainsi qu’à peu près tous les diamants bleus célèbres – se forment dans ce que l’on appelle les « super-profondeurs », le manteau inférieur de la Terre, à plus de 660 kilomètres de profondeur. (D’autres diamants se forment à tout juste 150 à 250 kilomètres de profondeur.)
« Ces énormes diamants D Flawless, sans azote, ne se créent pas comme les autres diamants, explique Evan Smith. Ils viennent de quatre fois plus loin sous Terre que d’autres diamants. Leur formation n’a lieu nulle part ailleurs. »
La manière dont ils se développent est elle-même différente. Le brut de type IIa est réputé pour sa forme, différente de celle d’autres pierres brutes.
Pourtant, même si ces diamants se créent au plus profond de la Terre, ils ont été découverts partout sur la planète, de l’Afrique à l’Amérique du Nord, affirme Evan Smith.
« Sur le plan géographique, c’est aléatoire, explique Evan Smith. Ils ne semblent suivre aucune des règles qui s’appliquent aux diamants habituels. »
Dans un récent document, Evan Smith, son collègue du GIA, le Dr. Wuyi Wang, et quatre autres auteurs ont découvert que ces diamants se forment profondément dans le manteau, dans ce qu’Evan Smith appelle une « usine à diamants ». (Ironiquement, les diamants produits dans de vraies usines sont presque tous de type IIa.) L’étude prouve que cette usine est alimentée en matières premières par une « courroie de convoyage » de roches océaniques de subduction, qui ont été au contact de l’eau de mer. (La subduction est le processus par lequel les plaques tectoniques plongent sous le manteau. Elle est aussi à l’origine des tremblements de terre et des tsunamis.)
« Ce point est important du point de vue scientifique parce que cette « courroie de convoyage » apporte des ingrédients à l’usine de diamants de type IIa – et c’est principalement ainsi que les roches, minéraux et éléments, eau et carbone compris, sont transportés de la surface de la Terre jusqu’à l’intérieur de la planète, affirme Evan Smith. Ce mécanisme de mélange de matières, dans les profondeurs de la Terre, est essentiel pour nous permettre de comprendre toutes sortes d’événements à grande échelle… comme l’évolution des continents, des océans, de l’atmosphère, des volcans. »
Evan Smith étudie ces diamants depuis six ans et ses recherches sont peut-être un peu plus ésotériques que celles généralement effectuées au GIA, plutôt axées sur l’industrie. Il a montré qu’aussi purs que puissent être ces diamants, des inclusions uniques comportant des isotopes de fer sont visibles – en particulier dans le brut qui se décharge. Ces inclusions donnent des indications de ce qui se passe très profondément sous nos pieds. Travaillant au GIA, Evan Smith a aussi l’occasion d’observer un vaste éventail de ces pierres.
Evan Smith estime que son travail pourrait avoir des côtés pratiques, notamment pour développer des méthodes de localisation des mines de diamants plus économiques. Il pourrait également améliorer la « mystique » des pierres ; après tout, combien d’objets peuvent se targuer de provenir des grandes profondeurs ?
Pourtant, la majeure partie de son travail se concentre maintenant sur ce qu’il appelle la « science fondamentale » : en savoir plus sur notre planète.
Personne n’est jamais allé au centre de la Terre, à part dans les livres et les films. Mais Evan Smith considère les inclusions de ces diamants comme une possible fenêtre ouverte sur un monde caché, dont nous ne savons pas grand-chose, mais que nous devrions découvrir, étant donné que nous marchons dessus chaque jour.
« Les diamants sont très particuliers, étant donné les informations qu’ils contiennent. Nous cherchons à savoir d’où ils viennent, le genre d’histoires qu’ils peuvent nous raconter. Que peuvent-ils nous dire sur ce qui se passe sous Terre ? »
« Le centre de la Terre est loin d’être ennuyeux, explique-t-il. Il s’y passe des choses. »
Et en étudiant ces diamants, il espère se faire une meilleure idée de ce dont il s’agit.
Photos Lesedi La Rona : © Lucara, Graff Diamonds.