De lui, on connaît ses chroniques corrosives et ses analyses au vitriol des us, coutumes et actualités de l’industrie diamantaire. Charles Wyndham, fondateur de PolishedPrices, fait partie de ceux qui bousculent la fourmilière, bien loin du légendaire flegme britannique. Il a accordé une interview à www.rubel-menasche.com et a répondu sans ambages…[:]
Charles Wyndham, pourriez-vous revenir sur votre parcours professionnel, en particulier sur ce qui vous a conduit à intégrer la De Beers et à exercer pendant 30 ans dans l’industrie du diamant ?
Après avoir étudié le droit à Oxford, j’ai passé six mois à l’université de Poitiers pour y suivre, des soi-disant études d’économie. S’ensuivent deux ans et demi à exercer la comptabilité et à m’ennuyer à mourir. C’est de façon tout à fait fortuite que je rejoins la De Beers où l’on me propose un poste en 1975.
Embauché à l’origine au sein d’un service administratif travaillant en relation avec l’étranger, et plus particulièrement avec l’ancien Zaïre (aujourd’hui RDC), je deviens finalement acheteur de diamants et directeur du plus important bureau d’achat de l’époque, celui de Tshikapa (Zaïre). Après deux ans à ce poste, lassé, je retourne à Londres et réintègre les services administratifs de la De Beers.
En 1980, j’entre au service des ventes pour lequel je couvre la Belgique et l’Amérique mais aussi ce que l’on a appelé les Activités spéciales, à savoir la vente d’articles dégagés des contraintes habituelles, la période 1980-1985 s’étant révélée être un marché baissier exceptionnel.
En 1986, je mets en place un nouveau système informatique permettant le contrôle des stocks ; je m’implique alors dans une administration plus générale, comprenant entre autres l’assurance des diamants pour l’ensemble du groupe, et je deviens le directeur du CSO en matière de sécurité. Le CSO, correspond aujourd’hui à la DTC ou, à proprement parler, aux opérations et bureaux contrôlés par Londres.
En 1993, je me rends à Johannesburg en qualité de consultant diamant pour le bureau du président, tout en conservant le portefeuille de la sécurité, à Londres. J’ai la charge de tous les bureaux de tri d’Afrique du Sud – Kimberley, Gaborone, Windhoek – et de toutes les ventes au départ de Johannesburg. Enfin, en 1995, je rejoins Londres à nouveau et décide de quitter la De Beers pour m’installer à mon compte.
Comment et pourquoi avez-vous lancé WWW International Diamond Consultants Ltd et PolishedPrices ?
J’ai créé WWW International Diamond (www.diamondwww.com) en 1996 avec Richard Wake-Walker, également ancien de la De Beers. En 1995, j’avais déjà mis sur pied une activité de courtage pour la De Beers avec Gerald Rothschild à qui j’ai revendu ma participation dans l’entreprise en 2000 (50 %).
PolishedPrices appartient à U2 Diamonds Ltd, constituée en 2000, mais qui a réellement commencé à fonctionner en 2002. Emma Muller, Richard Platt et moi-même en sommes les principaux actionnaires.
Pourriez-vous nous en dire plus sur WWW International Diamond Consultants Ltd et PolishedPrices ? Leurs objectifs ? Vos partenariats avec Reuters et Bloomberg, etc.
WWW est, entre autres choses, l’évaluateur du gouvernement canadien depuis 1998, mais aussi l’évaluateur pour l’Ontario. Cela signifie que WWW évalue tous les diamants canadiens pour la société canadienne DICAN, axée sur les redevances et détenue majoritairement par les trois groupes inuits des Territoires du Nord-Ouest. WWW a pour objectif de fournir des évaluations indépendantes et des conseils d’ordre général.
PolishedPrices en ce qui la concerne est une société distincte, dont le but est de proposer une source de tarification du taillé totalement indépendante. Nous souhaitons qu’à terme PP serve de base à la création d’un fonds de diamants ou à une certaine forme d’instrument dérivé ou financier. Les prix s’appuient sur des transactions réelles et des sources multiples. Les entreprises qui fournissent des données à PP bénéficient d’une parfaite égalité de traitement. Plus précisément, Polished Prices ne lisse pas les prix, PP est là pour donner un instantané du marché, non pour essayer de le façonner.
Reuters a été le premier à publier l’indice PP, après avoir effectué des recherches poussées sur notre méthodologie ; Bloomberg nous a approchés peu de temps après pour publier, sur un écran Bloomberg, l’indice et la matrice de prix complète.
Chez WWW et PP, personne n’achète ni ne vend du brut ou du taillé. WWW est intervenu comme agent commercial en organisant des tenders, mais n’échange pas en son nom propre. WWW a par exemple organisé ceux de la mine de Letseng pendant 7 ans, dont notamment la vente du Lesotho Promise pour un montant de 12,4 millions de dollars en 2006.
Qui sont les lecteurs et clients de PolishedPrices ? Comment pouvez-vous garantir votre indépendance et cette liberté de ton qui distingue votre écriture et vos commentaires ?
PP bénéficie d’un lectorat large et varié au sein de l’industrie du diamant et auprès des institutions financières impliquées dans ce secteur.
Il n’est pas possible de « garantir » l’indépendance. Cela fait maintenant 17 ans que j’ai quitté la De Beers et le succès de WWW et de PP repose sur notre totale indépendance, je suppose donc que la meilleure garantie que je puisse apporter est que, si l’on se rendait compte que nous n’étions pas indépendants, nous n’aurions plus de société. En ce qui concerne PP notamment, des entreprises, dont plusieurs se font d’ailleurs directement concurrence, nous fournissent leurs données de transactions originales. Cela démontre une grande confiance de leur part et confirme notre indépendance.
Qu’appréciez-vous le plus dans ce domaine particulier de l’industrie ?
L’industrie du diamant ressemble, de manière sympathique, à un asile d’aliénés. La question que je me pose est celle de savoir si je suis à l’intérieur à regarder dehors ou dehors à regarder dedans.
À votre avis, quels sont les enjeux actuels et ceux à venir (disons au cours des 20 prochaines années) dans l’industrie du diamant ?
Le secteur doit principalement abandonner son ancien business model, totalement décrépit, et accepter une réelle transparence ; mais aussi reconnaître que le diamant est une matière première, de sorte que toutes les possibilités existantes offertes à d’autres matières premières leur soient mises à disposition. L’industrie doit avoir une plus grande confiance en son propre produit et ne pas s’enfermer dans son approche luddite. L’objectif doit être de faire grossir le gâteau plutôt que de protéger la petite part que chacun peut croquer pour le moment.
PolishedPrices a-t-elle de nouveaux projets spécifiques ou des objectifs de développement dont vous aimeriez parler ?
Comme je l’ai dit précédemment, PP souhaitait et souhaite toujours établir une plate-forme pour permettre la création de produits financiers authentiques pour les diamants. Nous ne sommes pas plus des experts de ces produits que du taillé, mais nous croyons et espérons que la transparence s’avèrera une bonne chose pour l’industrie et pour PP en particulier. Certains progrès ont déjà été accomplis mais ils sont malheureusement lents.
Et qu’en est-il de vous-même ?
Continuer à respirer.
Rendez-vous sur : www.polishedprices.com