Depuis le mois d’octobre 2014, la Diamond Development Initiative (DDI)* sert de point focal pour l’assistance technique au sein du mécanisme de soutien administratif du Kimberley Process, créé et hébergé par le World Diamond Council.[:] Pour mieux cerner ce rôle, Rubel & Ménasché s’est entretenu avec Dorothée Gizenga, la directrice exécutive de la DDI, et avec Marika Escaravage, la responsable des communications et chargée du contact pour l’assistance technique du KP. Au cours de cet entretien commun, nous avons évoqué l’assistance technique, les objectifs de la DDI et la valeur ajoutée qu’elle est capable d’apporter à ce titre. Nous avons également profité de l’occasion pour obtenir les toutes dernières actualités sur la réponse de la DDI au virus Ebola en Sierra Leone.
Depuis le 6 octobre 2014, a DDI est le point focal pour l’assistance technique au sein du Kimberley Process. Pourriez-vous nous expliquer ce que cela implique ?
Nous avons précisément défini notre rôle : faire le lien entre ceux qui souhaitent recevoir une assistance technique et ceux qui sont capables de l’apporter. Nous étudions les rapports annuels présentés par différents pays et les rapports établis à la suite des visites d’étude. Nous avons également pris le temps de contacter les différents acteurs pour bien déterminer l’assistance technique qui pouvait être apportée. L’essentiel est d’identifier qui a besoin de cet appui. Nous avons rédigé un formulaire, qui sera proposé sur le site Web du Kimberley Process, pour aider les pays à exprimer clairement leurs besoins.
Pourriez-vous nous donner un exemple du type d’aide ou d’assistance technique que vous êtes en mesure de fournir ?
La DDI n’apporte pas d’aide directe. Nous servons de médiateur entre ceux qui ont besoin d’assistance et ceux qui savent comment l’apporter. Les pays peuvent demander de l’aide pour réaliser des études géologiques ou apprendre à évaluer du brut, par exemple. Avant que nous assumions ce rôle, l’assistance technique était en sommeil. Notre première démarche a consisté à permettre aux pays de déposer des requêtes explicites. Une fois qu’ils ont demandé de l’aide, nous nous efforçons de trouver les personnes qui leur correspondent le mieux. Mais c’est là que les choses se compliquent : il n’est pas toujours facile de trouver les bonnes personnes ou les ressources financières nécessaires pour démarrer les projets.
À quelles difficultés êtes-vous confrontées dans votre rôle pour le Kimberley Process ?
À ce jour, les pays qui ont généreusement proposé leur assistance technique l’ont fait de manière spontanée et au cas par cas. Leur aide a été très utile à tous ceux qui en ont profité. Nous aimerions que les pays membres programment l’assistance technique, qu’ils l’intègrent dans la participation au KP de façon régulière et que les demandes trouvent une réponse de manière rapide et efficace.
Quelles solutions avez-vous trouvées pour répondre aux défis et aux problèmes que vous rencontrez dans l’exercice de votre rôle ?
Eh bien, nous tentons d’innover pour mieux satisfaire les besoins. Il arrive souvent que l’organisation qui aide assure une formation gratuite mais que le pays qui a besoin d’aide ne dispose pas des moyens financiers pour envoyer son personnel dans le pays où la formation est dispensée. Nous cherchons donc des solutions technologiques pour résoudre ce problème.
Nous espérons pouvoir mettre en place des webinaires et des vidéos de formation et collationner les ressources écrites existantes en provenance des différentes sources. Nous voulons utiliser une technologie simple, pour rendre l’assistance durable et accessible dans le temps.
Quelle est la valeur ajoutée que la DDI peut apporter au Kimberley Process ?
En matière d’assistance technique, nous sommes à même de participer à la création d’outils. Nous ne nous contentons pas d’être un intermédiaire pour une assistance occasionnelle donnée aux pays membres. En tant qu’ONG internationale multisectorielle, nous disposons d’une formidable capacité pour trouver et partager des ressources. Nous avons des contacts au gouvernement, dans l’industrie et dans la société civile. Nous connaissons très bien le terrain et nous sommes habitués à organiser des programmes de formation.
Et quel avantage la DDI a-t-elle à être le point focal de l’assistance technique pour le Kimberley Process ?
Cela nous permet de mieux comprendre les besoins et les difficultés qu’ont les membres du Kimberley Process à appliquer ses procédures. Lorsque ces problèmes concernent le développement, nous pouvons aussi proposer des solutions.
Quel rôle joue Signet Jewelers dans cette aventure commune ?
Ce sont eux qui financent notre implication en tant que point focal de l’assistance technique du KP. Mais leur participation ne se limite pas à un aspect financier. Ils connaissent l’industrie, la chaîne d’approvisionnement, le marketing et la vente. Nous envisageons, par exemple, de les impliquer dans le développement d’outils éducatifs pertinents pour les membres du KP.
Plus généralement, que propose la DDI sur le terrain ? Arrivez-vous à faire passer votre message ?
Oui. En 7 ans de fonctionnement, nous avons fait de gros progrès. Nous voulions insister sur la notion de développement et les gens commencent à comprendre notre approche envers les mineurs artisans. Les membres de l’industrie y sont plus sensibles. On constate un investissement plus important dans l’aide aux populations pauvres. Nous avons donc su capter l’attention de l’industrie et des États.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre approche 3-S pour lutter contre le virus Ebola ?
L’approche 3-S signifie sensibilisation, soutien et sauvegarde. Nous avons lancé ce programme en décembre 2014 grâce au financement de la De Beers et de l’agence allemande pour le développement international (GIZ). Ce programme est appliqué dans les communautés minières artisanales éloignées de Sierra Leone. Il s’agit de communautés qui ont rarement reçu de l’aide. Nous avons pris l’initiative de travailler avec des groupes locaux et des États pour assurer la sensibilisation et livrer de la nourriture et des articles d’hygiène. Les prix des denrées alimentaires sont devenus un gros problème pour les populations locales. Nous sommes en mesure d’acheter en gros, donc moins cher, et de distribuer la nourriture gratuitement.
Nous travaillons aussi sur la question de la sauvegarde des bénéfices obtenus. Nous nous sommes posés la question et nous l’avons posée aux autres : lorsque la crise sera terminée, quels systèmes devrons-nous mettre en place pour éviter qu’un tel cataclysme ne se reproduise ? Que font les autres pays concernés, les autres pays miniers ?
Puisque notre but est d’aider les mineurs artisans, nous avons pensé qu’il serait très important de leur montrer que nous ne les avons pas abandonnés.
Lorsque le virus Ebola s’est diffusé, nous avons constaté une perte de contrôle de la production diamantaire. Lorsque nous reprendrons nos projets dans la région, après la crise, les gens nous écouteront plus attentivement car nous étions présents au moment critique. Nous pourrons continuer à travailler et à partager notre approche : transformer le secteur artisan, pas à pas, pour que ces mineurs puissent prendre soin d’eux-mêmes.
*La DDI soutient et encourage la mise en œuvre de projets et de politiques qui améliorent les conditions de vie et de travail des mineurs artisans et de leurs communautés.
Photos ©DDI : La directrice de la DDI participant à une visite de revue du KP et des activités de soutien et de sensibilisation dans le cadre du projet 3-S.