Mike Roman, le regretté président de Jewelers of America (JA), a affirmé un jour à Martin Rapaport : « Ne vous inquiétez pas pour les diamants. L’industrie se portera bien tant que dureront trois choses : Noël, le sexe et la culpabilité. » La bonne nouvelle, c’est que chaque année, les faits ont montré qu’il avait raison ; son principe vaut aussi pour 2013, voire au-delà.[:]
La mauvaise nouvelle, c’est que l’année à venir ne devrait pas assurer une croissance importante pour l’industrie.
[one_half]
Après tout, bon nombre des causes aux problèmes du marché en 2012 persisteront, surtout à mesure que l’incertitude économique basculera de l’ouest vers l’est et vice versa. Dans le même temps, la plupart des transactions conclues l’an dernier, de même que les stratégies qui avaient commencé à évoluer avant cela, influenceront les négociations de 2013.
Les perspectives pour l’année sont donc intéressantes, quelle que soit la tendance des prix en 2013. Beaucoup pourraient être encouragés par la stabilité observée en décembre, favorisée par la saison des fêtes aux États-Unis, mais Noël a pris fin. Les achats restent prudents, les détaillants maintenant des stocks réduits ; la confiance des consommateurs a également diminué à mesure qu’ils s’approchent de la « falaise fiscale ».
L’industrie compte maintenant sur le Nouvel An chinois, le 10 février, pour maintenir l’élan, un aspect que les Romains auraient pu considérer comme le quatrième facteur de production s’il avait été aussi important à l’époque qu’il l’est aujourd’hui.
Les perspectives pour la saison sont encourageantes. Si 2012 a été une année de demande soutenue aux États-Unis, atténuée par un ralentissement de la croissance en Chine et en Inde, les premières prévisions économiques montrent que la balance pourrait à nouveau pencher légèrement cette année. Après le ralentissement de la croissance et de la confiance en 2012, le nouveau gouvernement arrivé au pouvoir en Chine a entraîné une amélioration des perspectives pour le pays. L’industrie table sur un Nouvel An chinois relativement fort pour insuffler une note de positivité en 2013.
Mais il est impossible d’échapper à la mauvaise conjoncture économique mondiale et à la confiance dégradée des consommateurs, aux États-Unis et ailleurs ; ces deux facteurs devraient continuer d’exercer une certaine influence cette année.
Les fournisseurs et fabricants de taillé se retrouvent donc dans une situation inextricable car ils profitent actuellement de marges bénéficiaires raisonnables, dans un marché relativement faible. Après la chute des prix du mois d’août, leur approvisionnement actuel en taillé a été réduit sur un brut acheté moins cher. Nous pouvons imaginer qu’il y aura un afflux de taillé à moindre coût dans les prochains mois. Or, ces professionnels sentent aussi que leurs marges risquent être de courte durée. Vu la production et l’offre limitées de la De Beers et d’ALROSA respectivement, les prix devraient grimper au premier trimestre.
À mesure qu’ils accélèrent leurs opérations de fabrication, deux questions se posent aux tailleurs : étant donné l’état de l’économie et la faible demande des consommateurs, le nouveau taillé qui arrivera sur le marché sera-t-il taillé sur du brut moins cher, permettant des prix inférieurs, ou réussiront-ils à maintenir leurs marges en prévision d’une hausse des prix du brut ?
En matière d’offre de brut, la De Beers pense que, dans les prochains mois, les sightholders accepteront les marchandises qui ont été refusées avant que la société ne baisse ses prix au troisième trimestre 2012, en plus de leur offre régulière, comme elle l’avait prévu à l’époque. ALROSA a exprimé les mêmes prévisions et a également été confrontée au refus de ses marchandises au second semestre 2012.
Une telle politique pourrait déclencher une bulle malsaine sur le marché du brut, d’autant plus que les sightholders soumettent leurs intentions de vendre (ITO) pour le prochain cycle qui débute le 1er avril. Les sightholders et les clients d’ALROSA auront alors tout loisir pour décliner du brut hors de prix et les banques pourront refuser des crédits destinés à acheter à des prix bien trop élevés.
[/one_half]
[one_half_last]
[two_third]Le marché va surveiller de près la quantité de brut qui sera apportée et les modalités de vente, d’autant plus que de nouveaux acteurs émergeront du côté offre en 2013. Okavango Diamond Company, une société publique du Botswana, devrait lancer ses ventes au premier semestre, mais on ignore encore comment elle parviendra à écouler plus de 2,5 millions de carats par an sur la production de Debswana.
De même, Harry Winston augmentera considérablement sa production à la finalisation de l’acquisition de la mine Ekati à BHP Billiton ; la société deviendra ainsi le plus important producteur du Canada. Difficile enfin de savoir si Harry Winston conservera le modèle des tenders au comptant de BHP pour vendre les marchandises d’Ekati ou s’il les associera à sa production et ses ventes de Diavik. Rio Tinto devrait révéler ses intentions après son étude du marché lancée l’an dernier.
[/two_third]
[one_third_last]
« Une telle politique pourrait déclencher une bulle malsaine sur le marché du brut… »
[/one_third_last]
Parmi les grands noms, ALROSA devrait achever ses contrats à long terme et vendre plus que jamais à ses clients sous contrat, tout en faisant miroiter au marché une possible vente d’actions.
La De Beers devra quant à elle achever le déménagement de son bureau de commercialisation du brut, la Diamond Trading Company (DTC), de Londres à Gaborone, tout en faisant progressivement disparaître les marques DTC et Diamdel. Les sightholders ou leurs courtiers se préparent à mieux découvrir Gaborone lorsque la De Beers y lancera ses sights de « Londres » vers novembre.
La De Beers devrait également désigner un nouveau président et mieux communiquer sur sa restructuration.
La société a déclaré en octobre avoir entamé des efforts à long terme pour réaligner son identité et sa culture d’entreprise, afin de considérer le marché du point de vue du consommateur, plutôt que de celui de l’offre. Espérons avoir de plus amples explications et découvrir l’impact que cela aura sur son offre, ses prix et ses évaluations du marché.
Les entreprises de toute la filière ont la même influence sur l’humeur des consommateurs au début de 2013. Les diamantaires et les joailliers reconnaîtront que la valeur de leurs diamants aura plus de sens que le volume des ventes, puisqu’ils ont mis en place une stratégie pour assurer des bénéfices durables, quelle que soit la tournure que prendra l’année. Ils se consoleront : Noël n’est pas près de disparaître (tout comme le Nouvel An chinois et Diwali). Il reste encore le sexe et, peut-être surtout, la culpabilité. Les perspectives de croissance ne sont pas formidables, mais de plus en plus de gens continueront d’acheter des diamants. En fin de compte, l’industrie se portera bien en 2013.
[/one_half_last]