Pénuries de gros diamants pour les sightholders de De Beers

Joshua Freedman

Le marché des diamants bruts connaît une légère amélioration après des mois de crise, selon les négociants.

Selon les clients, l’offre de diamants bruts de plus de 5 carats était restreinte lors du sight de la semaine du 24 février. Les motifs évoqués étaient des baisses de production et la stratégie de limitation de l’offre appliquée par De Beers.

La séance de février a été marquée par une stabilité des prix dans la grande majorité des catégories. Le minier a en effet maintenu sa politique consistant à ne pas inonder le marché, selon des sources internes s’exprimant au cours de la semaine du sight.

L’absence de grosses pierres a laissé certains professionnels perplexes, dans la mesure où De Beers disposerait de 2 milliards de dollars de stocks, son plus haut niveau depuis la crise financière de 2008.

De nombreux experts du marché estiment que la difficulté à obtenir ces grosseurs est un point positif. Cela traduit le fait que ces catégories se sont mieux vendues lors des quelques sights précédents. Les diamants taillés obtenus – principalement de 2 carats et plus – ont en effet mieux résisté lors de la récente crise que les diamants de 0,30 carat à 2 carats.

Les importantes réserves de De Beers comptent principalement des grosseurs inférieures, selon certains acteurs du marché. L’entreprise a refusé de s’exprimer à ce sujet.

Production et demande

Toutefois, les facteurs liés à l’offre ne sont pas à négliger. La production de De Beers a chuté de 22 %, pour atteindre 24,7 millions de carats en 2024. L’entreprise prévoit de nouvelles baisses, pour une production de 20 millions à 23 millions de carats en 2025, conformément aux prévisions de la demande.

La production de la mine Jwaneng au Botswana, réputée pour ses diamants bruts de valeur relativement élevée, a reculé de 49 %, atteignant 1 million de carats en 2024. La situation devrait logiquement avoir des conséquences disproportionnées sur la disponibilité des pierres de 5 carats à 10 carats, a noté un observateur du marché. Selon lui, De Beers aurait avancé une volonté de pallier les manques d’approvisionnement plus tard dans l’année.

Certains évoquent une stratégie du minier, dont l’objectif serait de limiter l’offre, soit pour protéger le marché, soit à titre de récompense pour les sightholders qui achètent les marchandises moins demandées.

Le dirigeant d’un sightholder a déclaré n’avoir pas réussi à obtenir de marchandises de 5 carats et plus, vendues hors contrat par De Beers de manière ponctuelle, c’est-à-dire en plus des attributions préétablies pour les clients. Cependant, les pénuries sont davantage une « perception », a-t-il ajouté. Elles pourraient en effet ne pas refléter la réalité quant à la disponibilité des marchandises de De Beers.

« Je les soupçonne d’utiliser les grosses pierres comme appât et de les réserver aux sightholders qui achètent des marchandises plus petites », a-t-il déclaré.

Une humeur plus positive

Pourtant, l’ambiance lors du sight – tout comme le fait que De Beers n’a pas baissé les prix – traduisait également une légère amélioration des perspectives sur le marché. La demande de diamants taillés s’est stabilisée et l’offre de diamants bruts a été réduite.

La semaine du sight a été marquée par la signature très médiatisée d’un accord de vente de 10 ans entre De Beers et le gouvernement du Botswana, et ce après des années d’incertitudes et de négociations interminables. Le minier a d’ailleurs organisé une présentation pour les sightholders et un dîner de gala à Gaborone, la capitale du pays, pour célébrer cet aboutissement.

Ces événements ont permis de ressentir un certain soulagement après des mois de crise profonde dans le secteur des diamants bruts. Au cours de la semaine du 17 février, Anglo American a annoncé avoir sabré la valeur comptable de De Beers de 2,9 milliards de dollars.

De Beers a procédé à d’importantes baisses de prix en décembre, cherchant à se réaligner sur le marché des tenders. Aucun changement majeur n’a été constaté depuis. Selon des sources internes, ALROSA a également maintenu ses prix lors de sa séance de février. Des négociants ont signalé des hausses de tarifs lors des récents tenders de diamants bruts d’autres miniers, bien que les marchandises de De Beers demeurent nettement plus chères.

« Le marché des diamants bruts semble s’être tendu, en particulier parce que De Beers n’a pas réduit ses prix, a déclaré un autre sightholder. Nous rencontrons des difficultés pour nous procurer les quantités voulues. Les enchérisseurs font monter les prix parce qu’ils ont besoin de diamants bruts.»

Image : Un diamant brut en cours d’analyse dans les locaux du sightholder KGK au Botswana (Ben Perry/Armoury Films/De Beers).

Source : Rapaport