En août dernier, The Daily Telegraph a rapporté que les actionnaires d’Anglo American avaient demandé à leur PDG, Cynthia Carroll, de démissionner.[:]
La décision a été prise en dépit du fait qu’elle venait de diriger le rachat du minier international, la De Beers.
Anglo a fait passer sa participation totale dans la De Beers à 85 %, en se portant acquéreur d’une part supplémentaire de 40 % dans le diamantaire.
Bien qu’une certaine pression couvait pour la voir revenir, la De Beers et Anglo ont annoncé le 3 octobre 2012 la désignation de Cynthia Carroll au poste de présidente du groupe diamantaire.
« Le conseil d’administration de la De Beers Société Anonyme a le plaisir d’annoncer la désignation de Cynthia Carroll, PDG d’Anglo American PLC, au poste de présidente », indiquait le communiqué.
Fraîchement désignée, Cynthia Carroll déclarait : « Je suis très honorée d’accepter le poste de présidente de cette grande société. Anglo American est actionnaire de la De Beers depuis 1926. Cette histoire commune entre les deux structures m’a permis de bien comprendre ce marché et le caractère unique des diamants. Je suis impatiente de diriger le conseil d’administration et je continuerai à soutenir la direction du premier diamantaire au monde. »
Dès lors, il est apparu à certains d’entre nous que les actionnaires avaient fait passer la moyenne de Cynthia Carroll de zéro à une admission avec mention.
Une joie éphémère
Or, 23 jours plus tard, les médias et l’industrie minière se réveillaient sous le choc des actualités d’Anglo.
Cynthia Carroll avait décidé de quitter son poste de directrice générale, et ce avec l’accord du conseil d’administration.
Ainsi, en plus de son rôle à la direction, elle allait renoncer à son poste de présidente d’Anglo American Platinum et de la De Beers.
La société a déclaré qu’elle resterait en fonction(s) jusqu’à ce qu’un successeur soit désigné.
« Il s’agit d’une décision très difficile à prendre ; or, l’année prochaine, j’entamerai ma septième année au poste de directrice générale. Il me semble que le moment est venu de passer la main à un successeur qui pourra s’appuyer sur les fondations solides que nous avons établies », a expliqué Cynthia Carroll.
Qu’est-il arrivé à une personne qui, il y a encore moins d’un mois, se déclarait « honorée » et « impatiente » de diriger la De Beers en tant que présidente ?
Pourquoi affirme-t-elle soudainement que le moment est « venu de passer la main à un successeur » ?
Quels sont les facteurs qui ont influencé sa décision aujourd’hui, alors qu’elle était persuadée 23 jours plus tôt d’être la bonne personne pour mener la De Beers et Anglo vers la « terre promise » ?
Certes, il ne faut pas être un génie pour deviner que Cynthia Carroll n’avait pas l’intention de quitter le groupe mais que sa sortie tient plutôt de l’éviction.
Des actionnaires furibonds
Nous l’indiquions au début de l’article, les actionnaires d’Anglo n’étaient pas satisfaits des décisions de Cynthia Carroll sous sa casquette de capitaine du navire.
Selon The Daily Telegraph, ils redoutaient que les mauvaises performances de la société ne la rendent vulnérable à un rachat opportuniste.
Les actions d’Anglo avaient chuté de 20 % depuis l’arrivée de Cynthia Carroll au poste de directrice générale en 2007 et de 45 % par rapport au pic atteint en mai 2008.
« La société souffre d’une mauvaise exécution des décisions, d’une stratégie médiocre et d’une crise de confiance dans la direction », aurait affirmé un actionnaire qui a conservé l’anonymat.
« Nous avons été assez mécontents pendant une certaine période mais la dernière série de résultats nous a achevés. »
Certains articles ont affirmé que la décision prise en 2008 d’investir 5,5 milliards de dollars dans le projet de minerai de fer de Minas Rio au Brésil était stratégiquement logique sur le papier mais que des problèmes interminables en avaient fait un « gâchis inutile ».
Les récentes difficultés rencontrées avec le personnel en Afrique du Sud ont également ravivé des craintes existant de longue date chez certains investisseurs quant à l’exposition de la société dans ce pays.
Certains actionnaires étaient également furieux du rachat de parts par Anglo alors que le marché atteignait un summum en 2008, d’autres ont affirmé avoir payé trop cher l’augmentation de la participation dans Kumba, la De Beers et la récente acquisition du projet de charbon Revuboe au Mozambique.
Les partisans de Cynthia Carroll ont cependant expliqué qu’il ne fallait pas la fustiger pour les principales raisons de ces mauvaises performances.
Selon eux, Cynthia Carroll a permis de réduire les problèmes de sécurité ; à son arrivée en 2007, plus de 40 travailleurs mouraient chaque année. Le chiffre a été réduit de plus de moitié.
« La directrice sortante a peut-être atteint la limite de ce qu’il est possible de faire pour quelqu’un d’étranger à l’industrie, titulaire d’un MBA de Harvard. Son éventuel successeur n’aura que très peu de chances de vivre une période plus facile », a rapporté Fin24.
Or, dans la mesure où les questions de sécurité sont d’une importance primordiale, il faut dire que les actionnaires ont porté leur choix sur la personne qui protègerait leurs portefeuilles autant que les employés travaillant sous terre.
Cynthia Carroll a, selon les actionnaires, échoué dans cette tâche ; son départ restait la seule solution pour sortir de l’impasse.
Et le déroulement de la situation n’a pas présenté l’image d’une société sérieuse dans la résolution de ses problèmes.
Il n’y a rien de logique à annoncer la promotion de quelqu’un pour la remercier trois semaines plus tard.
Si ce n’est pas de la confusion, je ne sais pas ce que c’est.