Parlons autrement des diamants synthétiques

Lenore Fedow

Tandis que Pandora a décidé de se ternir à l’écart des diamants naturels, nous présentons ici les raisons pour lesquelles le dialogue doit basculer, des préférences personnelles à la sensibilisation du consommateur.

Nouvelle venue dans l’industrie de la bijouterie, depuis environ deux ans et des poussières, j’ai jugé utile de prendre un peu de recul et d’écouter les experts, plutôt que de sauter les yeux fermés et de donner un avis partial.

Pourtant, certaines choses doivent être dites, comme celle-ci : je ne veux plus entendre un seul mot sur la guerre entre diamants naturels et diamants synthétiques.

Plus aucun atelier, webinaire, synthèse ou article. À l’exception de celui-ci, bien sûr.

« Voilà une déclaration audacieuse, pourriez-vous dire. C’est un sujet important dont il faut parler. »

Je vous opposerai un argument. Non, ce n’est pas important. Du moins, pas de la façon dont nous en parlons depuis quelque temps.

Le discours cherchant à déterminer « lequel est le meilleur » a été neutralisé.

Les consommateurs aiment ce qu’ils aiment 
; les bijoutiers, en leur qualité de détaillants, doivent agir en conséquence au risque de perdre des clients.

La narration doit basculer, s’éloigner des préférences et de la sentimentalité pour les pierres naturelles, pour viser la transparence et la sensibilisation des consommateurs.

Si l’on présente l’ensemble des faits au client et qu’il choisit un diamant synthétique, il n’y a rien à redire.

Mais si le discours est troublé et que les consommateurs sont mal informés sur les différences entre les deux, c’est toute l’industrie qui a un problème.

J’évoque ce sujet au lendemain de l’annonce de Pandora, qui a expliqué qu’elle n’utiliserait plus de diamants naturels, mais des diamants synthétiques, une initiative présentée dans le cadre de ses avancées vers le développement durable.

L’annonce, notamment si on la considère du point de vue du développement durable, a ébouriffé quelques plumes et a fait réagir plusieurs noms importants dans l’industrie.

Le Responsible Jewellery Council, le World Diamond Council, la CIBJO (la confédération internationale de la bijouterie), le Natural Diamond Council et l’International Diamond Manufacturers Association ont rédigé un courrier allant jusqu’à demander à Pandora de se rétracter.

Ces groupes ont accusé le bijoutier « d’assertions possiblement fausses et trompeuses », susceptibles d’amoindrir la confiance des consommateurs dans les diamants naturels.

Pandora n’a pas répondu à la demande de commentaires du National Jeweler à ce sujet.

Le courrier précisait également : « Le récit trompeur de l’annonce de Pandora, laissant penser que l’industrie des diamants naturels est moins éthique, et l’élan qui sous-tend la volonté de Pandora d’utiliser des diamants synthétiques, en particulier au vu des quantités minimes de diamants que Pandora utilise dans ses collections, peuvent avoir des conséquences imprévues mais graves pour les communautés des pays en développement. »

Voici quelques points qu’il est important de soulever.

Il est probable que les conséquences de cette décision soient minimes.

Comme l’indique le courrier, Pandora n’est pas une société de bijoux en diamants. Bien sûr, elle vend quelques produits en diamants mais ce n’est pas ce qui vous vient en tête lorsque vous pensez à cette marque.

Le fait que Pandora n’utilise plus de diamants naturels n’aura pas, sur l’industrie ou sur la demande de diamants, l’effet qu’aurait eu cette même décision si elle venait de Tiffany & Co. ou de Signet Jewelers.

De plus, Pandora n’est pas un influenceur de l’industrie comme pourraient l’être, par exemple, Signet ou De Beers. Je n’imagine donc pas que d’autres grands bijoutiers puissent lui emboîter le pas.

Reste à savoir si les conséquences de cette décision se répercuteront sur les communautés minières. C’est une possibilité qu’il faut peut-être envisager.

Cristina Villegas, directrice de l’extraction à l’ONG PACTE, a fait part de ses réflexions sur l’annonce de Pandora dans un fil sur Twitter, qui soulève plusieurs points intéressants.

Elle collabore avec des mineurs artisans et à petite échelle, qui sont souvent capables de fournir de l’or et des diamants traçables. Elle s’est demandé pourquoi Pandora ne choisirait pas de travailler avec eux, au lieu d’abandonner totalement les diamants naturels.

« J’exhorte la société, et d’autres qui envisagent d’engager ce type de démarche, de cesser de parler « d’éthique ». Veuillez, je vous prie, laisser la porte ouverte à des programmes de valeur, qui vous permettraient de ne pas abandonner ce dialogue important et de promouvoir un monde meilleur pour tous. »

La clarté et la transparence, des éléments cruciaux.

Dire que quelque chose est éthique ou durable ne suffit pas pour que ça le devienne. Ces prétentions doivent être étayées.

La Federal Trade Commission s’était montrée claire à ce sujet lorsqu’elle a adressé des courriers à plusieurs sociétés de diamants synthétiques en avril 2019, lesquelles avaient réalisé des « prétentions injustifiées » sur le fait que leurs diamants soient écologiques et durables.

Vous ne pouvez pas diffuser de telles prétentions sans disposer de preuves scientifiques, connues du public, notamment si vous souhaitez évoquer l’argument de la neutralité carbone.

La nouvelle collection de Pandora, intitulée Pandora Brilliance, a été certifiée neutre en carbone par le Carbon Neutral Protocol, une certification qui porte sur les bijoux, mais aussi sur l’emballage et le transport. Je dirais donc que cette partie est crédible.


Toutefois, lorsque je parlais d’informer les consommateurs, je ne sais pas si votre acheteur lambda sait ce que signifie « neutre en carbone » – ou ce que cela ne signifie pas.

Moi-même, je ne le savais pas avant de commencer à travailler dans l’industrie des bijoux et il m’a fallu creuser dans le site Web de Pandora pour trouver cette information.

La neutralité carbone ne signifie pas que le processus de création d’un diamant en laboratoire est plus écologique que l’extraction d’un diamant naturel. Elle signifie que les émissions de gaz à effet de serre associés à la création de ces diamants sont compensées par Pandora qui soutient un projet de réduction des émissions de carbone ou favorise le développement durable.

Les diamants, qu’ils soient naturels ou synthétiques, ont tout un impact sur l’environnement. Il serait hypocrite de déclarer sans ambages que les uns sont intrinsèquement « meilleurs » que les autres pour l’environnement.

Les miniers laissent leur marque sur l’environnement naturel, tandis que les créateurs de diamants synthétiques utilisent d’énormes quantités d’électricité.

La situation doit vraiment être étudiée au cas par cas, société par société.

Et cela devient de plus en plus difficile à faire lorsqu’il n’y a pas de transparence.

Malgré toutes les informations que communiquent les sociétés sur l’importance de la traçabilité et de la redevabilité, il est rare que je reçoive une réponse simple lorsque je leur demande où sont produits leurs diamants synthétiques.

Ce n’est pas une attaque personnelle contre Pandora mais une réponse que j’ai reçue de plusieurs sociétés lorsque je leur ai demandé quelle était l’entreprise qui produisait leurs diamants synthétiques.

Je suis en mesure de respecter l’idée du secret commercial mais cela n’est d’aucune utilité pour défendre la transparence.

Le choix final revient au client.

Mon argument décisif est le suivant : qu’une société vende des diamants synthétiques ou des diamants naturels ou encore les deux, elle doit être honnête avec le client et lui permettre de prendre une décision informée.

Pandora ne dissimule pas ce que sont les diamants synthétiques, les décrivant comme « physiquement, chimiquement et visuellement identiques à leurs équivalents naturels, mais créés en-dehors du sol ».

Je peux m’associer à ceux qui affirment que la façon dont Pandora a enrobé cette discussion – l’accent mis sur le développement durable – est trompeuse mais il faut faire attention à ne pas monter les choses en épingle.

L’annonce a eu un impact qui a dépassé la presse professionnelle, allant jusqu’à de grands organes de presse et des revues commerciales. Je comprends donc les craintes relatives à la désinformation des clients.

Toutefois, je ne pense pas qu’un article d’actualité change à jamais la façon dont les consommateurs considèrent les diamants, en particulier dans un environnement où les médias sont présents 24 heures sur 24.

J’ai demandé à des amis qui ne travaillent pas dans l’industrie quelles étaient leurs réflexions sur les diamants synthétiques. De ceux qui savaient ce dont il s’agit, j’ai obtenu un franc « Je ne sais pas. J’en achèterais peut-être. »

La sensibilisation commence à la maison ou, dans le cas de l’industrie des bijoux, dans la boutique.

Si vous souhaitez lutter contre les idées fausses à propos des diamants, naturels ou synthétiques, parlez à vos clients.

Après cela, pourrons-nous enfin parler d’autre chose ?

Source National Jeweler


Photos © Home : DR. Jewels : Pandora.