Le gel du gouvernement américain, qui a débuté le 1er octobre, ne pouvait pas tomber plus mal pour les détaillants. Alors que l’impasse continue, l’important week-end de Thanksgiving approche à grand pas. C’est une période de l’année où les détaillants ont besoin de stabilité.[:] Et pourtant, avec chaque jour qui passe, les détaillants devront travailler d’autant plus dur pour dissiper l’incertitude ambiante et convaincre les consommateurs de dépenser dans leur magasin pendant cette période de fêtes.
Déjà, la confiance est en baisse. Selon Gallup, pour la semaine qui s’est terminée le 6 octobre, la confiance en l’économie a chuté de sa seconde plus grande marge depuis la crise provoquée par Lehman Brothers en 2010. Et, qui plus est, le sondage a indiqué que deux tiers des américains pensaient maintenant que l’économie se détériorait. Leurs perspectives sont moroses.
La paralysie résulte d’une impasse quant au financement de l’« Affordable Care Act » (ou « Obamacare »). Parallèlement, des négociations tendues sont en cours pour relever le plafond de la dette avant la date limite du 17 octobre. C’est la troisième fois maintenant que ce débat est revisité au cours des deux à trois dernières années.
Certes, bien que Gallup ait noté que les derniers débats sur la « falaise fiscale » avaient aussi été accompagnés d’une baisse de confiance suivie d’une hausse ultérieure lorsqu’une solution avait été trouvée, ce pourrait être différent cette fois-ci, en raison de l’impasse supplémentaire relative aux soins de santé.
Les analystes ont répondu sévèrement par une série de mises en garde quant à l’impact négatif potentiel de la fermeture. Standards & Poor’s a estimé que le produit intérieur brut américain (PIB) diminuerait de 0.3 % à chaque semaine de fermeture. De même, Bank of America a revu ses prévisions de PIB à la baisse pour le troisième et le quatrième trimestre, en se basant sur le fait qu’une prolongation de la paralysie entraînerait une diminution des dépenses publiques et aurait des conséquences importantes sur le secteur privé.
Les investisseurs semblent également prudents. À l’heure de la publication de cet article, le Dow Jones Industrial Average a reculé en octobre, et est en baisse de 2,6 % pour ce mois-ci.
La National Retail Federation (NRF) a ajouté que le gel avait déjà eu des effets négatifs sur les dépenses des consommateurs et entamé la confiance de ces derniers. « Pour les détaillants, qui représentent le secteur de l’économie américaine le plus étroitement lié aux attitudes du consommateur, ces chiffres sont hautement perturbants », a déclaré Matthew Shay, président et PDG de la NRF. « En outre, puisque la croissance très modeste de l’économie américaine suite à la récession de 2008 a été attribuée à la volonté du consommateur américain de continuer à faire des achats, il est probable qu’une baisse durable de la confiance des consommateurs se traduise en une augmentation du chômage et un ralentissement de la croissance au cours des mois à venir. »
Il ne faut pas pour autant céder au désespoir. Le secteur du détail s’est amélioré de façon constante au cours des dernières années. En fait, les États-Unis continuent d’être un endroit de choix pour l’industrie mondiale du diamant et de la joaillerie. En effet, la demande dans le pays compense les faiblesses dans d’autres centres d’échanges et de consommateurs.
Bien que les dernières données n’aient pas été publiées en raison du « shutdown », les États-Unis ont témoigné d’augmentations constantes, à la fois dans leurs statistiques sur le commerce de diamants et dans leurs ventes de bijoux en magasin à ce jour et pour cette année. Les ventes de bijoux en magasin ont augmenté de 10% par rapport à l’année précédente, pour passer à 17.26 milliards de dollars pendant les sept premiers mois de 2013, surpassant ainsi la plupart des autres catégories de détaillants.
Une partie de cette augmentation est attribuable aux hausses des prix mises en œuvre par les bijoutiers, l’indice des prix à la consommation (IPC) pour les bijoux ayant augmenté de 3% au cours des huit premiers mois de l’année. Mais les données notent aussi une augmentation encourageante du volume des ventes.
Les importations et les exportations de taillé, quant à elles, sont en hausse de 12% et 13% respectivement par rapport à l’année dernière, sur les sept mois de données publiées. Les importations nettes de taillé (l’excédent des importations par rapport aux exportations pour la période donnée, ou le nombre de diamants taillés absorbés par le pays) ont augmenté de 8% pour atteindre 2,16 milliards de dollars.
Qui plus est, des rapports anecdotiques font part d’un constat analogue. Les conversations dans le secteur et parmi les joailliers américains ont mis en avant une hausse de la confiance dans le secteur tout au long de l’année. Tandis que la demande sur les marchés en croissance de l’Inde et de la Chine a été prudente, c’est ce vieux cheval de bataille, les États-Unis, qui a soutenu le marché grâce à son commerce stable, à défaut d’être en plein essor. En conséquence, les attentes au sein du secteur pour la période des fêtes augmentent au fur et à mesure que celles-ci se rapprochent.
Mais il s’agit d’une dynamique prudente. Les diamantaires qui fournissent les bijoutiers américains remarquent que les détaillants retardent leurs achats de stocks de fin d’année de plus en plus chaque année. C’est peut-être une bonne chose du point de vue des bijoutiers. Ce pourrait être un signe qu’ils gèrent leur stock avec plus de soin et plus prudemment, en s’en tenant aux bons produits et en n’immobilisant pas leur capital dans des stocks invendables.
Toutefois, cette attente représente aussi un rempart contre l’incertitude. Les joailliers américains, qui sont au courant des problèmes de liquidité dans les centres de taille, pourraient bien ressentir une faiblesse dans le commerce du taillé et décider d’attendre d’acheter jusqu’à la toute dernière minute, au cas où les prix baisseraient. Il se pourrait aussi qu’ils acceptent d’attendre la fin de la paralysie gouvernementale, devrait-elle avoir un impact durable sur l’économie et la confiance des consommateurs.
Jeudi 10, à l’heure de la publication de cet article, les Républicains de la Chambre se préparaient à rencontrer le président Barack Obama pour tenter de sortir de l’impasse. Il semble qu’un accord puisse être atteint dans les jours à venir. Cependant, qu’une solution soit trouvée ou non, les joailliers vont devoir se préparer à la possibilité d’une incertitude persistante.
Ils devront aussi garder à l’esprit que la concurrence pour gagner des clients est d’autant plus féroce lorsque la confiance des consommateurs diminue. À défaut d’autre chose, la fermeture et l’impasse fiscale serviront de rappel aux bijoutiers. En effet, ceux-ci devront faire preuve de créativité pour différentier leurs produits de ceux de leurs concurrents.
En fin de compte, la demande est là et les consommateurs se pencheront sûrement sur les bijoux en diamants lors de cette saison des fêtes, comme ils l’ont toujours fait par le passé. Après tout, on estime qu’en moyenne un tiers des ventes annuelles d’un bijoutier ont lieu en novembre et en décembre. Mais il faudra trouver le bon merchandising pour les attirer.
Pam Danzinger, de Unity Marketing, a souligné ce point dans un rapport publié cette semaine. Elle a noté que les détaillants indépendants spécialisés possédaient les outils, les compétences et les attitudes pour relever les défis qui se présentaient à eux s’ils commercialisaient leurs produits de façon censée, créaient un lien avec les clients et faisaient partager une expérience d’achat réellement exceptionnelle dans leur magasin. « Sur le marché de détail actuel, le succès ne dépend pas de la marchandise, mais du merchandising, ou de la façon dont on vend la marchandise », a ajouté Danzinger.
Il se peut que ce message soit d’autant plus pertinent après ces deux dernières semaines de fermeture.
En conséquence, alors que les querelles politiques à Washington résonnent chez les consommateurs à travers les États-Unis, ce sont les détaillants qui doivent fournir leurs propres garanties. Finalement, les consommateurs cherchent quelqu’un pour les convaincre et ce travail reviendra aux détaillants, comme il se doit. Quelles que soient les circonstances politiques et économiques au moment de Thanksgiving, les joailliers devront employer les grands moyens pour cette saison des fêtes.