C’est ainsi que s’exprime Davy Blommaert, responsable de l’activité diamantaire à la National Bank of Fujairah, une fonction au sein de la division banque institutionnelle et professionnelle de l’établissement.[:] Avec près de 10 ans d’expérience dans l’industrie diamantaire, il a reçu pour mission de créer une unité au sein de la NBF, ciblée sur l’apport de fonds de roulement et de services financiers commerciaux spécifiques au secteur diamantaire.
Avant de rejoindre la NBF, Davy Blommaert a passé six ans à la Banque diamantaire anversoise, où il a soutenu le développement de ses activités anversoises et hongkongaises, avant de passer à la supervision du bureau de Dubaï. Les deux ans passés à l’International Diamond Laboratories DMCC (IDL), en tant que responsable financier et conseiller juridique, lui ont permis de jouer un rôle essentiel pour aider l’IDL à mettre sur pied ses activités dans des villes comme Mumbai et Djeddah, mais aussi Istanbul et Anvers.
Dans un entretien avec Rough & Polished, Davy Blommaert évoque la méthodologie, les systèmes et les politiques mis en place par la NBF pour se protéger des pertes.
En voici quelques extraits :
Pour nos lecteurs du monde entier, pourriez-vous nous présenter l’histoire de la National Bank of Fujairah (NBF)… depuis l’époque de sa création jusqu’à aujourd’hui ?
Grâce à une situation géographique stratégique et leur proximité avec les grands centres commerciaux du monde, les Émirats arabes unis (EAU) ont depuis longtemps gagné une place de choix dans le cadre de la simplification des activités. Les émirats attirent des investisseurs et des parties prenantes venant de toute la chaîne d’approvisionnement et leur permet de profiter de cet environnement à la croissance unique.
Ainsi, la National Bank of Fujairah s’est imposée comme le partenaire idéal pour les entreprises qui apprécient son approche sectorielle segmentée et pluridisciplinaire. On trouve ici douze segments d’activité, à savoir Financement commercial, Négoce et diversifié, Énergie et marine, Gouvernement et grandes entreprises, Contrats, Services de fabrication, Institutions financières et gestion du passif, Financement d’équipements, Services de transactions internationaux, Financement d’entreprise et Métaux précieux et diamants.
L’avancée de la NBF dans l’activité « lingots » a débuté avec le financement de l’or en 2002. À cette époque, elle a noué ses premières relations avec une grande banque européenne dans le but de fournir des lingots. Actuellement, la banque est l’un des principaux financiers de l’industrie des bijoux en or et en diamants aux EAU. En tant que telle, elle a développé son portefeuille en entrant dans le financement des diamants en 2015, lorsque la Banque diamantaire anversoise a décidé de quitter le marché émirati. Le moment était idéal pour que la NBF lance sa division et ses services.
Avec une équipe en plein développement, l’unité dédiée aux diamants et métaux précieux de la NBF s’est concentrée sur une offre de services personnalisés aux clients installés dans les émirats, dans l’industrie des bijoux et des diamants. L’équipe a également travaillé sur les services aux industries des bijoux et des diamants, en traitant de grands secteurs verticaux comme les bijoux en or et en diamants, le brut et le taillé. Installée dans l’Almas Tower de Dubaï, au cœur de l’un des plus grands centres de négoce de diamants au monde, l’équipe de financement des diamants de la NBF a à cœur de fournir des produits de financement commercial à court terme pour des négociants et fabricants de brut et de taillé bien établis. Grace à ses coffres-forts, qu’ils soient internes ou hébergés chez Transguard, au Deira Gold souk Dubai, les services de la banque englobent la facilitation des échanges d’or, de platine et d’argent.
Et pour preuve de son statut prédominant, la banque a élaboré une solution de financement de lingots, respectant les principes de la charia, pour Malabar Gold. Elle a ainsi procédé à la toute première opération de la sorte, conforme aux règles de l’Organisation de comptabilité et d’audit pour les institutions islamiques (AAOIFI) dans l’industrie des métaux précieux aux EAU.
Grâce à des connaissances inégalées du secteur, la NBF a adopté une position idéale, celle de partenaire financier des acteurs de toute la chaîne d’approvisionnement. Avec une compréhension approfondie de l’industrie, l’équipe de la NBF est en mesure d’identifier des opportunités de croissance pour ses partenaires, aux EAU et au-delà, afin de les aider à réussir et à développer leur activité.
Actuellement, l’industrie mondiale des diamants et des bijoux semble plombée par des défauts de paiement et des problèmes de liquidités. La crise financière a des effets négatifs sur la croissance de l’industrie. Bien que certains dirigeants d’entreprise affirment que le problème est surévalué, quelle est votre position ?
Nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec l’idée qu’il existe des défauts de paiement et des problèmes de liquidités importants. Il reste beaucoup de bonnes sociétés diamantaires, stables financièrement, qui n’ont aucun problème pour obtenir des financements.
Nous avons tous entendu parler des petites faillites qui ont eu lieu en Inde et nous comprenons que cela puisse faire l’objet de discussions. Il faut toutefois rappeler que c’est un phénomène qui se produit chaque année.
Comme il n’y a plus de publicité générique depuis quelques dizaines d’années, les consommateurs n’ont pas été vraiment attirés vers les entreprises de bijoux en diamants. Les marges de fabrication sont donc sous pression, ce qui engendre du stress, en particulier chez les petits fabricants qui n’ont pas de capital solide ou d’autres avantages concurrentiels. Je crois fermement que la base de fabrication de la filière intermédiaire devra encore se consolider pour que la rentabilité revienne et que ces faillites en Inde font partie de cette phase de consolidation.
Comme la NBF dessert de multiples industries, à quel moment a-t-elle décidé de financer l’industrie des diamants et des bijoux ? Quelles sont les difficultés pour choisir les sociétés à qui fournir des services ? Pouvez-vous préciser quels sont les produits de la NBF, en particulier ceux destinés à l’industrie des diamants et des bijoux ?
La NBF dessert depuis longtemps des clients du secteur de l’or et des bijoux. Nous soutenons les grands acteurs de l’industrie des bijoux grâce au financement des lingots depuis 2002. Notre plongée dans le financement des diamants est née d’un besoin du marché, en plus d’être une progression naturelle de nos compétences. En 2015, la NBF a lancé son unité de financement diamantaire pour soutenir des négociants et des fabricants depuis ses bureaux de l’Almas Tower, également connue pour être le centre du marché diamantaire, au sein du Dubai Multi Commodities Centre (DMCC).
En engageant des experts chevronnés de l’industrie, la banque exploite leurs connaissances pour choisir les sociétés avec lesquelles travailler. La communauté diamantaire est très petite. Dès que vous y êtes intégré, il n’est plus très difficile de choisir les sociétés légitimes.
Et comme les diamants sont une matière première sous-jacente, c’est probablement l’un des produits les plus faciles à utiliser dans des transactions frauduleuses, comme des prêts ou des allers-retours. Il faut donc toujours se montrer précautionneux pour travailler avec les bons partenaires justes car les bilans peuvent être facilement manipulés par des gens mal intentionnés, ce qui constitue une autre difficulté. Tout est donc question de relations, de réputation et de confiance. Il est très important pour une nouvelle banque qui entre dans ce secteur d’embarquer quelqu’un qui connaît l’industrie et qui est intégré dans la communauté, pour la guider vers des clients adaptés.
En termes de produits, nous assurons le financement des achats pour des acquisitions auprès de sources principales (DTC, ALROSA, entre autres) ainsi que le financement des ventes grâce à des escomptes de facture.
À ce jour, quel est le programme KYC de la NBF concernant la vérification de la solvabilité des clients ? Quelle a été son efficacité jusqu’à présent ? Comment votre banque surveille-t-elle les progrès commerciaux de vos clients ? Si l’argent prêté est détourné, comment la NBF réagit-elle et récupère-t-elle son argent ?
Avant d’accepter un client, nous appliquons une politique de conformité/KYC très minutieuse et très stricte. Ainsi, nous disposons également d’une personne dédiée à la conformité, au bureau diamantaire, qui assure une procédure adéquate de due diligence. Pour éviter tout détournement de fonds, le mieux est de n’intégrer que des clients de confiance, ayant une parfaite intégrité et un bon historique de longue date. D’où l’importance d’être bien accepté dans la communauté.
Il est également habituel, avant d’émettre des facilités de crédit pour un client, de procéder à une analyse financière stricte. Elle ne porte pas seulement sur ses opérations locales mais également sur son activité consolidée dans le monde.
Puisque nous essayons de nous positionner comme des partenaires de nos clients, nous maintenons des relations très proches avec eux, ce qui doit nous permettre de rester au fait de leur progression commerciale. En outre, tous les ans, nous procédons à une revue formelle et stricte du profil KYC/de conformité du client et de son modèle d’activité, en plus d’une analyse financière de ses opérations dans le monde. Pour preuve de l’efficacité de cette approche, nous avons la satisfaction de pouvoir dire que nous n’avons subi aucune perte dans l’industrie diamantaire à ce jour.
Les sociétés emprunteuses trouvent des failles à exploiter. De votre avis de banquier de longue date, quelles précautions les banques prêteuses devraient-elles prendre ? Que pensez-vous de la souscription d’un crédit qu’une société cliente transmet à son client ? Parfois, cela ne garantit pas de protection suffisante pour les fonds de la banque. Qu’en pensez-vous ?
Nous avons bien entendu mis en place certains systèmes et certaines politiques pour éviter tout abus. Mais je suis vraiment convaincu que si un client souhaite frauder la banque, il trouvera une façon de déjouer le système, quel que soit le nombre de protections et de politiques mises en place. Nous avons donc choisi de travailler avec des clients jouissant d’une réputation irréprochable et d’une parfaite intégrité.
Le marché veut que les clients vendent à leurs propres clients en proposant des conditions de paiement jusqu’à 120 jours. Comme nous sommes actifs dans cette industrie, nous assurons un financement commercial à nos clients, c’est-à-dire que nous devrons escompter ces factures. Normalement, la plupart des sociétés sérieuses appliquent aussi des limites de crédit strictes à leurs clients. Ainsi, si une partie ne paie pas, le client lui-même pourra couvrir cette perte.
Je n’ai jamais rencontré, à aucun moment dans ma carrière, de clients qui aient fait faillite parce que l’un de leurs clients n’aurait pas payé. Toutefois, ce que nous avons vu par le passé, c’est que les sociétés essayent d’obtenir des rendements rapides en détournant des fonds pour investir sur le marché boursier ou dans l’immobilier, etc. Lorsque ces démarches échouent, le client essaie alors de couvrir ses pertes en réalisant des prêts ou des allers-retours. On en revient toujours à la même chose, ne travaillez qu’avec des clients à l’intégrité parfaite !
À quelle fréquence avez-vous eu à faire à des mauvais payeurs à vos postes passés et actuels dans la banque ? Quelles démarches la NBF met-elle en place pour se préserver ? Les garanties sont-elles suffisantes pour contrôler les emprunteurs ? La NBF travaille-t-elle seule ou fait-elle partie d’un consortium pour financer l’industrie des diamants et des bijoux ? Et pourquoi ?
Comme je l’ai indiqué, la NBF se montre assez vigilante depuis le lancement du financement des diamants. Elle en a été récompensée en n’ayant pas à subir de pertes. Nous tentons de nous préserver en consacrant beaucoup de temps et d’efforts à essayer de sélectionner les bons clients.
À l’instar des pratique bancaires en dehors de l’Inde, nous attribuons principalement des facilités bilatérales.
Comme les banques prêteuses se retirent de l’activité diamantaire partout dans le monde, des sociétés/institutions de prêt privées ont-elles une fenêtre pour profiter de la situation et entrer dans l’industrie des diamants et des bijoux ?
Nous pensons toujours que l’activité diamantaire est un très bon secteur dans lequel se positionner. Bien entendu, cela implique de bien faire notre travail et de collaborer avec des clients réputés pour leur fiabilité.
Selon nous, il n’existe pas actuellement de pénurie de liquidités sur le marché, surtout quand on voit toutes les sociétés légitimes qui parviennent à se faire financer. Ce sont principalement les petites entreprises, ayant un capital ou un avantage concurrentiel limité, qui ne trouvent pas de financement. Si ces petites structures devaient quitter le secteur, nous assisterions à la poursuite de la phase de regroupement, ce qui augmenterait les marges de fabrication.
Les banques et les sociétés/institutions de prêt privées s’intéressent aux mêmes paramètres au moment d’accorder des prêts. Nous ne pensons donc pas qu’elles s’installeront sur le marché pour fournir des prêts à ces petites entreprises au capital limité. Quoi qu’il en soit, les grandes sociétés n’ont pas de problème de financement. Il est pourtant vrai que des sociétés/institutions de prêt privées augmentent déjà leur part de financement de marché à différentes industries dans le monde, ce qui pourrait s’étendre à l’industrie diamantaire.