Face à des banques toujours frileuses en matière de prêts à l’industrie, la division diamants et bijoux d’ABN Amro, généralement considérée comme le plus gros prêteur du secteur, a lancé un « programme de vérification de la base des emprunts ».[:]Il s’agit d’une initiative ambitieuse, dont l’effet pourrait se faire lourdement sentir sur les crédits à l’industrie.
Selon Erik Jens, responsable mondial de la division, le programme s’appuie sur un principe : « vous devez connaître vos transactions. » En accordant des prêts à des diamantaires, les banques se portent garantes des crédits que ces sociétés offrent à leurs clients.
Aujourd’hui, sa division va jouer un rôle plus actif dans l’examen des créances de ses souscripteurs et contactera régulièrement les clients de ses propres clients, afin de vérifier les factures en souffrance et s’assurer qu’elles seront réglées. Autrement dit, ABN Amro sera informée des transactions de ses clients, et de façon plus rigoureuse et plus approfondie qu’avant. Bien que la banque ait déjà procédé ainsi au cas par cas dans le passé, la pratique va devenir plus régulière et normalisée dans le cadre de la relation prêteur-emprunteur.
Le but est de surmonter plusieurs problèmes. Le premier, qu’Erik Jens considère comme un abus grave, concerne les cas où des sociétés transfèrent des diamants à des sociétés affiliées et profitent de ces transactions pour cumuler du crédit bancaire.
« Nous ne voulons financer que des transactions authentiques, qui contribuent vraiment à la chaîne de valeur, explique-t-il. Parfois, nous découvrons que ces affiliés sont des structures creuses, et non de véritables sociétés. Il est également arrivé que des sociétés rencontrent des problèmes et manquent de trésorerie ; elles commencent alors à détourner de l’argent, puis des marchandises. Si vous poussez un peu les investigations, vous voyez qu’il ne reste rien de la société. »
Il précise que ces situations sont rares. Jusqu’à présent, l’immense majorité des factures a été jugée conforme. Lorsque ce n’est pas le cas, la banque peut retirer son crédit ou, dans le pire des cas, contacter les autorités s’il y a une fraude flagrante.
« Ces quelques exceptions donnent une mauvaise image de toute l’industrie, explique-t-il. Or, il y a de la fraude dans tous les secteurs, mais ceci est une façon de la réduire. »
L’initiative s’intéressera également au problème plus commun des retards de paiements. ABN adressera des rappels des factures en attente aux clients de ses clients.
« S’ils ne payent pas, nous voulons savoir pourquoi, explique-t-il. Qu’est-il advenu des marchandises ? Qu’est-il advenu de l’argent ? »
Bien entendu, les retards de paiement – les cas où les clients « traînent des pieds » – font partie de la culture de l’industrie depuis des temps immémoriaux. Mais Erik Jens ne comprend pas pourquoi.
« Si vous ne payez pas votre facture d’électricité, vous recevez un rappel, et puis le courant est coupé, explique-t-il. Pourquoi en serait-il autrement pour les diamants ? »
Il affirme que la plupart des clients ont bien réagi à cette initiative : « Cela incite leurs propres clients à payer. »
Les autres se sont montrés mitigés, bien que majoritairement pour, ajoute-t-il, réaffirmant que le but est de créer une industrie plus professionnelle et d’augmenter sa transparence et, par-là même, sa bancabilité.
« Nous voulons envoyer un signal fort au marché, montrer que nous sommes ouverts pour les affaires, mais que nous voulons des clients en qui nous ayons confiance, explique-t-il. Ces procédures sont normales dans d’autres industries. L’activité diamantaire a toujours été une exception. »
« Depuis mon arrivée, j’entends dire que l’activité diamantaire est différente, et qu’on ne peut pas faire telle ou telle chose. Je n’y crois pas. Mon objectif est d’aider à amener le changement. Je veux que cette industrie devienne normale. »