Manifestations à Marange : ce que l’industrie doit savoir

Brecken Branstrator

Une société appelée Anjin a repris l’extraction de diamants au Zimbabwe, provoquant des manifestations des résidents de la région, qui ont conduit à 29 arrestations. 

Les champs diamantifères de Marange au Zimbabwe font à nouveau la une des médias après que le retour d’une société minière dans la région a fait naître des inquiétudes.

Une trentaine de personnes de la région, qui protestaient contre les opérations d’Anjin à Marange, ont été arrêtées le 2 novembre.

Elles ont depuis été libérées, d’après plusieurs sources au Zimbabwe, mais la présence d’Anjin dans la région – et les conflits nés entre elle et les habitants – reste un sujet que la population de Marange souhaite voir porté à l’ordre du jour du secteur professionnel.

Anjin est une joint-venture entre la société chinoise Anhui Foreign Economic Construction Group (AFECC) et Matt Bronze, un instrument de placement de l’armée zimbabwéenne.

La société a procédé à des opérations d’extraction à Marange entre 2009 et 2016, avant que le gouvernement ne révoque les autorisations des sociétés travaillant dans la région, pour créer sa propre structure, appelée Zimbabwe Consolidated Diamond Company (ZCDC).

À l’époque de l’expulsion d’Anjin, le gouvernement a accusé la société d’avoir pillé des milliards de dollars en diamants, une accusation qu’elle a réfutée.

Anjin a également fait l’objet d’autres plaintes pour des violations des droits de l’homme au Zimbabwe, y compris concernant la destruction d’infrastructures comme des routes, des écoles, des fermes et des espaces sacrés. Des craintes ont été formulées quant à la façon dont elle traitait ses employés ; la société aurait par ailleurs quitté le pays sans verser les sommes dues à ses salariés locaux.

Aujourd’hui, d’après de nombreux rapports et de nombreuses sources sur le terrain, Anjin recommence à extraire des diamants à Marange.

Le Zimbabwe Independent a annoncé qu’Anjin avait repris Portal B, une concession minière riche en diamants de Marange, dans des « circonstances peu claires ».

Des articles de presse locaux, qui remontent à 2019, indiquent que le minier serait réapparu il y a quelques années. Shamiso Mtisi, coordinateur de la Coalition de la société civile au Kimberley Process et directeur adjoint de la Zimbabwe Environmental Law Association, a confirmé les faits à National Jeweler.

Shamiso Mtisi a affirmé qu’Anjin avait relancé ses opérations dans la région depuis lors et peut-être même extrait des diamants avant 2021, l’année où la société prétend avoir repris l’extraction formelle.

Le retour d’une société présentant un tel bilan a mis en colère les riverains.

La population de Marange a réagi en manifestant dès la fin octobre, d’après la Marange Women’s Alliance (MWA), parrainée par la Chicago Responsible Jewelry Transformative.

Les manifestants protestaient contre l’absence de consultation des communautés locales avant le retour d’Anjin et l’absence d’indemnisations pour la présence d’Anjin sur leurs terres.

En outre, le retour d’Anjin a suscité des problèmes entre clans, d’après ce qu’ont indiqué les membres de la MWA à National Jeweler. En effet, Anjin a demandé à un clan de procéder à une cérémonie importante, convoquant les ancêtres pour apporter la prospérité sur les terres d’un autre clan.

Les manifestants espéraient que leurs actions obligeraient Anjin à rencontrer les habitants de la région pour entendre leurs craintes. Or, lorsque les résidents ont été invités à venir rencontrer les responsables d’Anjin, 29 d’entre eux, dont un responsable local, ont été arrêtés.

Aucune coordonnée n’a pu être trouvée en ligne pour contacter Anjin ou l’AFECC afin de recueillir leurs commentaires sur les récentes manifestations et arrestations au Zimbabwe.

Cette « militarisation de la loi destinée à faire taire les voix communautaires » préoccupe Farai Maguwu, directeur fondateur du Centre for Natural Resource Governance, qui travaille à améliorer la gouvernance des ressources naturelles au Zimbabwe. Il a ajouté que l’arrestation d’un chef traditionnel, qui vient en quête d’informations sur les événements se produisant dans sa communauté, est une violation de la Loi sur les dirigeants traditionnels et de la constitution du Zimbabwe.

« Le gouvernement aurait dû engager le dialogue avec les communautés locales et trouver une solution à l’amiable », a affirmé Farai Maguwu.

Aussi bien la Marange Women’s Alliance que la Zimbabwe Environmental Law Association ont confirmé (sur Twitter) que les 29 personnes qui avaient été arrêtées ont été libérées sous caution mais qu’elles ont été condamnées à des injonctions restrictives visant à se tenir à une distance de 3 mètres de la concession minière.

La Marange Women’s Alliance a indiqué à National Jeweler qu’il ne semble pas y avoir de projet de négociations à l’heure actuelle.

Un tweet de la Zimbabwe Environmental Law Association a précisé que le dossier avait été renvoyé au tribunal pour le 22 novembre.

« L’incident et les arrestations font apparaître un malaise profondément ancré entre la communauté et la société, a expliqué Farai Maguwu. L’industrie diamantaire doit appeler le gouvernement du Zimbabwe à respecter les droits des résidents locaux, et notamment le droit au développement. »

Marange fait les gros titres de la presse depuis que des diamants y ont été découverts en 2006.

Farai Maguwu attire depuis longtemps l’attention sur les problèmes dans la région, et plus récemment dans un article du mois d’août pour Rapaport, dans lequel il a déclaré que le Kimberley Process « continuait de « verdir » les diamants du conflit du pays»

Le Kimberley Process a interdit les exportations de diamants de Marange en novembre 2009 mais, deux ans après seulement, a formellement approuvé l’exportation de diamants par le biais de deux sociétés, Mbada Diamonds et Marange Resources.

Les deux sociétés ont été ajoutées à la liste des sanctions du Bureau du contrôle des avoirs étrangers (OFAC) du Trésor américain et y figurent toujours, d’après le site Internet de l’OFAC.

Ces manifestations et arrestations récentes placent à nouveau Marange sous le feu des projecteurs, alors même que le Kimberley Process lance sa séance plénière 2021 (du 8 au 12 novembre), organisée par la Fédération de Russie, l’actuel président.

National Jeweler a pu contacter le World Diamond Council pour obtenir ses commentaires sur la situation mais Edward Asscher, le président du WDC, a reporté sa déclaration pour la fin de la réunion.

Or, dans un communiqué de presse du WDC lundi 8 novembre, Edward Asscher a réaffirmé la nécessité pour les membres du KP de s’entendre sur l’élargissement de la définition des « diamants du conflit », lors de la séance d’ouverture de la réunion, afin de renforcer la confiance des clients à long terme.

La Coalition de la société civile du KP a affirmé avoir pour projet d’intégrer les actualités du Zimbabwe dans les discussions sur l’événement, a récemment confirmé Shamiso Mtisi à National Jeweler.

La coalition a débuté sa réunion lundi 8 novembre par ce qu’elle a appelé « une vérification des faits » et a fourni des actualités importantes, comprenant des données à la fois prometteuses et inquiétantes provenant des pays producteurs de diamants.

Dans un récent éditorial sur JCKOnline.com, Rob Bates, journaliste de l’industrie de longue date, a toutefois avancé qu’il était peu probable que le KP aborde de telles questions et a plutôt proposé deux autres solutions élaborées par des experts de l’industrie, ainsi que quelques idées de son cru.

Source National Jeweler