Le monde diamantaire dans son ensemble s’engage auprès du secteur de l’extraction à petite échelle et engage des démarches pour encourager de meilleures références. [:]
La communauté de Fandehun n’est pas habituée à l’apparat et aux cérémonies. Ce modeste village, situé au cœur du district de Kono en Sierra Leone, compte sur l’extraction de diamants depuis plus de 50 ans mais manque des moyens de base que beaucoup tiennent pour acquis, et en particulier l’eau potable. Les femmes, et souvent les enfants, marchent plusieurs kilomètres pour aller puiser de l’eau dans un village voisin et ont tendance à utiliser la même source pour différents usages, qu’il s’agisse de cuisiner ou de se laver.
Le moment était donc important pour les villageois, lorsque des responsables locaux, et notamment des ministres du gouvernement, s’y sont rassemblés début février pour inaugurer un puits destiné à la communauté.
La dimension de l’événement est liée non seulement à l’obtention d’une source d’eau importante, mais aussi au fait que celle-ci ait été financée par les mineurs artisans qui vivent sur place, explique Dorothée Gizenga, directrice exécutive de l’Initiative diamant et développement (DDII).
En Sierra Leone, la DDII encourage les mineurs à mettre de côté une part de leurs bénéfices sur les ventes de diamants pour développer la communauté. Dorothée Gizenga espère que l’exemple de Fandehun motivera d’autres communautés d’extraction artisanale à suivre les programmes de la DDII.
Fixer les niveaux à atteindre
Le développement communautaire est l’un des cinq points focaux adoptés par la DDII dans ses travaux pour mieux structurer le secteur de l’extraction artisanale.
L’organisation à but non lucratif s’engage également auprès des gouvernements pour adapter leurs politiques minières aux besoins des creuseurs artisans. Elle travaille à déclarer les mineurs et à les organiser en coopératives et propose une formation professionnelle, par exemple aux premiers secours et à l’estimation des diamants. Elle cherche enfin à augmenter les revenus des mineurs, par exemple en facilitant l’arrivée de nouveaux acheteurs dans le pays.
En lançant les Maendeleo Diamond Standards en avril, la DDII a engagé une démarche d’importance pour parvenir à ces objectifs. Selon elle, ils devraient permettre une production éthique par des mineurs artisans et à petite échelle.
Comme de plus en plus de mineurs vont adopter le système de certification, Dorothée Gizenga s’attend à ce que les communautés artisanales s’intègrent de mieux en mieux dans un vaste système de chaînes d’approvisionnement responsables. Lentement, l’industrie diamantaire dans son ensemble s’engage davantage auprès du secteur artisan, reconnaît-elle. De Beers, le Gemological Institute of America (GIA) et Rapaport Group figurent parmi ceux ayant des projets dans les communautés.
Une juste valeur
C’est en avril 2018 que De Beers a lancé son programme GemFair en Sierra Leone. Le fait « qu’un grand minier travaille avec le secteur artisan de cette façon a représenté une étape importante », fait remarquer Feriel Zerouki, vice-présidente des relations internationales et des initiatives éthiques de De Beers.
Grâce à GemFair, la société agit en tant qu’acheteur international, tout en travaillant avec les mineurs pour accroître la transparence et améliorer les normes environnementales autour de leurs opérations. Cela signifie que les mineurs doivent respecter le système de Maendeleo et satisfaire d’autres références de De Beers sur des facteurs dépassant le cadre du seul site minier – comme le négoce et le respect des exigences de déclaration de la source émises par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Après avoir mis sur pied une équipe locale en Sierra Leone, De Beers s’est engagée à faire une offre sur tous les diamants qui lui sont présentés, au prix qu’elle appliquerait à n’importe quel autre de ses partenaires. Les mineurs ne sont pas obligés d’accepter l’offre mais ils ont au moins une voie de sortie, explique Feriel Zerouki.
Le maillon faible
« Nous espérons que GemFair améliorera les conceptions qu’ont les mineurs en général. Pour cela, nous devons emmener la communauté en voyage avec nous, souligne Feriel Zerouki. Nous collaborons avec eux pour comprendre les problèmes et travailler à la mise en œuvre de meilleures références. Nous voulons aussi donner du pouvoir aux mineurs en termes d’estimation des diamants. »
Les mineurs sont désireux d’apprendre à estimer les diamants afin d’avoir un meilleur pouvoir de négociation lorsqu’ils vendent, explique Dorothée Gizenga. La DDII travaille pour faciliter la formation dans ce domaine, afin que chaque communauté dispose d’un expert, véritable ressource pour les mineurs, ajoute-t-elle.
Pour aller plus loin
Voilà du moins à quoi ressemble le projet. La DDII a encore beaucoup à faire dans tous les domaines. Sur environ 300 000 mineurs de diamants en Sierra Leone, près de 1 000 ont été formés aux références de Maendeleo depuis le lancement du programme pilote en 2012. Elle travaille également sur l’enregistrement de nouveaux mineurs. Près d’un quart des 100 000 mineurs estimés en RDC sont inscrits dans ce système. Il y a ensuite d’autres pays disposant de communautés d’extraction artisanale de bonne taille qui doivent être aidés, comme la Guinée et des parties de l’Amérique du Sud.
Dorothée Gizenga exhorte l’industrie internationale à aborder plus avant cette mission, notamment, comme le note Feriel Zerouki, du fait qu’une stigmatisation subsiste autour des normes de fonctionnement dans le secteur artisanal.
« Les mineurs artisans font partie de votre famille, ils font partie de notre industrie, souligne Dorothée Gizenga. Tirez-les vers le haut et vous en retirerez de vrais bénéfices, non seulement en termes de réputation, mais également dans la lutte en faveur des diamants naturels contre les diamants synthétiques. Nous devons vraiment nous concentrer pour remonter le secteur de l’extraction artisanale car c’est là que réside le talon d’Achille. »
Un ensemble de principes, les Maendeleo Diamond Standards, assurent un système de certification transparent pour l’extraction de diamants artisanale et à petite échelle. Ils sont conçus pour faire le lien entre le secteur et des chaînes d’approvisionnement responsables, d’après l’Initiative diamant et développement. Ils s’appuient sur huit éléments :
- Les questions juridiques
- Le consentement et l’engagement des communautés
- Les droits de l’homme et des travailleurs
- La santé et la sécurité
- Les opérations sans violence
- La gestion de l’environnement
- Les interactions avec l’extraction minière à grande échelle
- La fermeture des sites
Les bijoutiers sont en lien avec les creuseurs. En avril dernier, une délégation de bijoutiers et de diamantaires se sont rendus en Sierra Leone lors d’une mission organisée par Rapaport Group. Les 29 délégués, issus de neuf pays différents, ont rencontré des représentants du gouvernement, des négociants de diamants travaillant dans le pays et des creuseurs et leur communauté pour mieux comprendre les difficultés du secteur de l’extraction à petite échelle. Ils se sont également rendus dans des sites de creusement, notamment celui où a été découvert le Peace Diamond de 709 carats.
L’idée était d’interagir avec tous et d’impliquer toutes les parties dans le mouvement, pour un marché éthique et transparent en Sierra Leone, a expliqué Ezi Rapaport, fondateur et PDG d’Empower Africa, une société visant à promouvoir le développement économique durable en Afrique grâce au développement du capital humain. Empower Africa a participé à l’organisation de la mission commerciale de Rapaport Group en Sierra Leone.
Il a souligné trois objectifs permettant d’améliorer le marché diamantaire local :
1. S’assurer que les creuseurs reçoivent une juste valeur pour leurs marchandises.
2. Obtenir une solution du gouvernement pour garantir cette juste valeur. Les initiatives incluent une proposition pour introduire un mécanisme d’enchères pour leurs diamants.
3. Assurer la traçabilité de la production artisanale, dans le but de la commercialiser sous le nom de Diamants du développement. Ceux-ci obtiendraient des prix plus élevés, dont l’argent pourrait être réinvesti dans le développement et les infrastructures.
« Il est très important de répondre aux difficultés du secteur de l’extraction artisanale, a indiqué le PDG d’Empower Africa. C’est sans conteste le plus grand secteur de l’industrie mais il y a toujours eu une déconnexion avec le reste de l’industrie. Il reste encore beaucoup de travail à faire. »