Le producteur de diamants synthétiques israélien Lusix a fait sensation à son arrivée dans le monde des bijoux en 2022, en affichant une forte présence au JCK Las Vegas et en annonçant que LVMH Luxury Ventures avait contribué à un cycle de financement le concernant.
Depuis, Lusix s’est fait plutôt discret. La baisse des prix des diamants synthétiques a incité la société à se concentrer sur des pierres taillées plus haut-de-gamme et d’éventuelles applications techniques, a indiqué au JCK Benny Landa, son président du conseil.
« Tout un chacun a été ébahi par la chute incroyablement précipitée des tarifs du brut synthétique, explique Benny Landa, un légendaire entrepreneur israélien du secteur technologique. Je ne dirais pas qu’elle nous a pris par surprise mais son ampleur était inattendue… À chaque trimestre, nous pensions qu’elle avait atteint un niveau plancher mais elle ne s’arrêtait pas. »
Selon lui, le principal facteur de la baisse des prix a été l’arrivée sur le marché de nombreuses sociétés indiennes.
« Les professionnels indiens ont réalisé des investissements massifs et déployé des milliers de réacteurs. Par ailleurs, ils se procurent de l’argent et de l’énergie à moindre coût. Un grand nombre d’entre eux ne sont pas uniquement producteurs de brut, mais créent également des produits finis et des bijoux. Ils ont donc pu véritablement inonder le marché de diamants synthétiques à bas prix. Leurs pierres ne sont pas de la même qualité que les nôtres mais lorsque vous avez un volume aussi important à un prix aussi bas, cela a un fort impact sur le marché. Tout le monde a pu le constater. »
Benny Landa travaille dans divers secteurs technologiques mais n’a « jamais vu, quel que soit le secteur, le marché ou la technologie, des baisses de prix aussi fortes, affirme-t-il. La bonne nouvelle, c’est que les prix du retail n’ont pas suivi. Cela veut dire que quelqu’un gagne de l’argent et que ce quelqu’un est plus près du client final. »
Dès lors, Lusix a été incitée à « repenser et réévaluer » sa stratégie, explique Benny Landa. Son projet initial comportait trois étapes : tout d’abord, se positionner comme un grand producteur de brut synthétique, deuxièmement, progresser en aval pour devenir un fournisseur de taillé de qualité et troisièmement, développer des applications high-tech pour les diamants synthétiques.
Mais le marché du brut n’est pas aussi rentable que prévu. « Par le passé, 90 % des carats que nous vendions étaient bruts, explique Benny Landa. Nous nous éloignons rapidement de ce schéma. »
La société a maintenant atteint la deuxième étape du projet, le ciblage des marques de luxe. « Nous ne voulons pas concurrencer les producteurs de matières premières, ajoute Benny Landa. Les marques de luxe sont en quête d’une garantie d’origine dont elles puissent être fières, mais également de régularité et de technologies de pointe. Et c’est là que, selon nous, réside notre plus grand atout. »
« Nous proposons des couleurs fabuleuses que nous développons dans des formes homogènes. Les fabricants de produits de luxe qui réfléchissent aux façons d’incorporer les diamants dans leurs produits peuvent maintenant laisser libre cours à leur imagination. »
LVMH, qui a apporté des fonds, est un client évident pour les produits Lusix. La marque horlogère TAG Heuer, qui appartient au groupe, a déjà fait appel à ces pierres pour sa montre Carrera Plasma. Mais Lusix ne se limite pas à LVMH qui, selon Benny Landa, gère chaque enseigne de façon séparée.
L’objectif final de Lusix est la technologie. Plusieurs sociétés de diamants synthétiques, comme l’ancien WD Lab Grown et Diamond Foundry, imaginent désormais de nouvelles applications techniques potentielles.
« Nous sommes surtout une société technologique, affirme Benny Landa. Notre technologie est certainement notre plus grande force et le diamant a un avenir fabuleux dans les applications high-tech. »
Dans le secteur de la haute technologie, le premier domaine visé pour les diamants sera celui des applications thermiques. « Le diamant est un très bon conducteur thermique, et donc un très bon dissipateur de chaleur », explique Benny Landa.
Dans ces cas de figure, les diamants sont produits par croissance hétéroépitaxiale, ce qui engendre une forte densité de dislocation dans leur réseau cristallin. « Cela est relativement facile à obtenir », explique-t-il.
Mais pour exploiter le plein potentiel du matériau, les sociétés doivent produire de grandes tranches homogènes, de préférence d’au moins dix centimètres de diamètre, par croissance homoépitaxiale, c’est-à-dire avec une faible densité de dislocation et de très haute qualité. L’opération s’est révélée bien plus complexe.
« Lorsque vous y parvenez, d’infinies possibilités s’ouvrent à vous, explique Benny Landa. Je ne connais aucune société qui en soit capable. Mais c’est vraiment ce sur quoi nous travaillons. »
Enfin, explique-t-il, les diamants joueront un rôle dans toute une série de domaines, allant de l’informatique quantique à la médecine (amélioration des capteurs) ou à la défense (amélioration du ciblage). Le diamant est également le « semi-conducteur idéal », ajoute-t-il. Mais il faudra peut-être encore un peu de temps avant que l’on voie les premiers résultats.
« Les progrès se mesurent en années, et non en mois, affirme Benny Landa. Je commence à prendre de la bouteille et pour toutes les entreprises que j’ai aidé à bâtir, il a fallu une dizaine d’années entre le moment où la R&D a été lancée et celui où le produit est sorti. Nous avons officiellement lancé Lusix il y a sept ans et la R&D il y a environ 11 ans. Nous sommes plus ou moins dans les temps. »
En ce qui concerne les pierres, il pense que le marché atteindra un nouvel équilibre. « Beaucoup se précipitent, affirmant que tout s’écroule, affirme Benny Landa. En fin de compte, les choses vont s’équilibrer. Il y aura des domaines moins dynamiques, même pour les producteurs de diamants naturels qui, je pense, sont extrêmement inquiets de l’énorme demande de diamants synthétiques par les consommateurs. L’opportunité sera peut-être moindre pour eux mais elle va se stabiliser, selon moi. Ceux qui réussiront à survivre à la crise et à se réinventer devraient très bien s’en sortir. »
« Le chaos que nous connaissons devrait finir par s’estomper, ajoute-t-il. Ce n’est viable pour personne. »
(Photo courtesy of Lusix)