Quel pourrait bien être l’unique élément qui permettrait d’élever l’industrie du diamant ? Cet ingrédient secret qui, une fois ajouté, la transformerait, passant d’un état de simple survie à celui de plein essor ? [:] Discussion après discussion, tous ceux qui observent l’industrie de l’extérieur (banquiers, responsables de gouvernements, chercheurs, investisseurs, équipes de conseillers, financiers) jugent le faible niveau de transparence comme un grand défi. Or, le mot « défi » est un euphémisme, il faut comprendre « obstacle »… Un obstacle qui empêche tout financement d’entrer dans l’industrie.
Plus que jamais, les institutions financières envisagent d’investir dans l’industrie. Elles s’inquiètent toutefois de leur incapacité à comprendre la structure financière des entreprises, ces conceptions multi-niveaux, qui déplacent l’argent d’un pays à l’autre, ces enchevêtrements de copropriétés et ces entités qui disposent de comptes offshore et sont présentes dans les paradis fiscaux.
Le problème de la gouvernance des entreprises
ABN AMRO avait demandé, en décembre 2012, à faire sceller les stocks de diamants d’Arjav. À l’époque, la banque demandait qu’Arjav embauche un directeur financier, présente des rapports mensuels détaillés de toutes les créances financées et subisse un examen professionnel indépendant. ABN a exigé de cette entreprise, qui serait redevable de 154 millions de dollars, qu’elle soit transparente.
Ces deux derniers mois, je me suis entretenu avec des dirigeants, des présidents et des chefs des départements de diamants de plusieurs banques, qui financent l’industrie. Les banques subissent des pressions pour se montrer plus transparentes. Lorsque Bâle III entrera en vigueur, elles devront montrer que c’est le cas. Il faudra donc que leurs clients soient eux aussi plus transparents. Ceux qui ne satisferont pas à ces exigences trouveront difficile, voire impossible, d’obtenir un financement bancaire.
Tous les banquiers avec qui j’ai parlé m’ont confirmé que la plus grande difficulté concernait cette transparence.
Les banques jugent que les diamantaires présentent un risque supérieur aux sociétés des autres secteurs : elles veulent des structures d’entreprise plus simples, que les revenus soient déposés sur des comptes dans les banques de prêt et elles considèrent que l’effet de levier est important. Elles citent plus précisément les fabricants et les grossistes de taillé.
Selon les mots d’un président de banque, « il va falloir beaucoup travailler. »
Les banques appliquent des normes en matière de risque. Lorsqu’elles jaugent une activité, elles veulent en comprendre le fonctionnement. Et lorsque le secteur ne leur apporte pas d’informations précises, en raison d’une mauvaise gestion ou pour masquer certaines opérations, la banque hésite à accorder des crédits.
Il y a quelques années, le conseil d’administration d’une banque a provisionné pour financer des diamantaires l’année suivante. Beaucoup parmi ces clients ne respectaient pas ses normes de risque. L’établissement n’a donc versé que 70 % environ de la somme allouée. Naturellement, le conseil d’administration n’a pas apprécié le manque-à-gagner et attribué les fonds non affectés à un autre secteur, l’année suivante. L’argent a donc quitté l’industrie du diamant.
Le cas de la protection des marges
La transparence est nécessaire partout. L’industrie diamantaire, à juste titre ou non, continue de souffrir de problèmes de réputation, à l’origine de coûts cachés. Ceux qui comparent des opportunités d’investissement, que ce soit des diamants ou autre chose, et refusent les diamants pour une question d’éthique ne précisent pas leurs motivations. L’industrie continue de travailler sans en être informée.
La transparence des prix constitue un autre problème majeur. S’ils ne peuvent pas établir le prix de vente réel des diamants, les marchés financiers n’élaboreront pas d’instruments financiers, comme des fonds de diamants négociés en bourse, un marché à terme ou autre élément de ce type. L’industrie verra s’envoler des fonds à destination d’autres secteurs.
La transparence des prix permettrait aussi aux négociants d’augmenter les prix en aval. Tous les détaillants de bijoux ont accepté l’augmentation du coût des bijoux en or. Ils savaient, de sources indépendantes, que les prix de l’or avaient augmenté. Imaginez maintenant que les détaillants aient su que les prix des diamants avaient augmenté. Ils auraient accepté les nouveaux tarifs et l’érosion des marges des fabricants ne serait plus une question de grignotage.
Ces changements sont nécessaires, et ils sont inéluctables, même s’il faut obliger l’industrie à les appliquer… avec toutes les pertes que cela implique. On pourrait aussi anticiper. Cela permettrait de résoudre ces questions au préalable ; le résultat serait plus sain pour l’industrie dans son ensemble.