Le commerce des diamants naturels devrait se féliciter de la création de l’International Grown Diamond Association (IGDA) annoncée la semaine dernière, bien qu’elle puisse en réalité servir d’alerte au secteur.[:]
Depuis des années, les dirigeants de l’industrie des diamants se plaignent d’un manque de communication formelle avec leurs homologues du secteur des diamants synthétiques ou de laboratoire pour résoudre les problèmes qui pèsent sur ces deux secteurs. La menace relative au mélange de diamants synthétiques non déclarés dans des plis de diamants naturels constitue la principale préoccupation. Nous espérons que l’IGDA fournira un tel forum.
Dans un récent e-mail à Rapaport News, Ernie Blom, le président de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB), a souligné que le WFBD n’avait aucun problème avec les produits sertis de diamants de laboratoires tant qu’ils sont clairement annoncés. « Notre préoccupation majeure est que la confiance des consommateurs ne soit pas ébranlée par les diamants synthétiques », a-t-il déclaré. « Ils doivent être clairement marqués et vendus comme tels. »
On peut seulement espérer que l’IGDA s’autorégulera autant que le fait le secteur des diamants naturels et qu’elle intégrera les exigences de divulgation et de documentation dans ses missions. Après tout, un diamant synthétique qui s’est avéré avoir été vendu comme un diamant naturel fait également diminuer la confiance du consommateur dans le produit.
Pour l’instant, rien n’indique que l’IGDA assumera un tel rôle. Un porte-parole a expliqué à Rapaport News que le groupe n’était pas un organe de police. « Nous sommes un groupe de personnes animées par les mêmes idées dans le secteur des diamants de laboratoire et nous avons créé notre association sur la base de certains principes de meilleures pratiques », a indiqué le porte-parole. « Tous les membres devraient les suivre et la divulgation en est un élément central. »
Dans une déclaration du 4 février, le groupe a souligné que son but était de représenter l’industrie des diamants de laboratoire, de promouvoir lesdits diamants en tant que nouveau choix et d’informer les consommateurs sur leurs qualités et leurs applications uniques. Cette déclaration indique encore que l’IGDA a vocation à servir de point central de communication, d’information, de développement et de croissance du secteur.
Dans ce sens, l’industrie des diamants naturels devrait en prendre bonne note. Étant donné que les producteurs de diamants synthétiques sont toujours plus organisés, la sensibilisation à leurs produits augmentera également. Finalement, leur objectif est d’augmenter la part de marché de la joaillerie diamantaire.
Bien sûr, l’attrait des diamants synthétiques est bien connu. Ils sont commercialisés comme étant des diamants éthiques et respectueux de l’environnement, alors que l’extraction des diamants naturels est présentée comme nuisible à l’environnement, source de financement de conflits et susceptible d’atteintes aux droits de l’homme. Les diamants de laboratoire sont également plus abordables que leurs équivalents naturels. L’IGDA pourrait également affirmer que les diamants synthétiques sont un produit nécessaire qui compensera le déclin, attendu sur le long terme, de l’approvisionnement en diamants.
Bien entendu, l’industrie des diamants naturels est en mesure de réfuter solidement chaque point. Comptant parmi les industries les plus autorégulées dans le monde, elle a maîtrisé le flux des diamants de la guerre, tandis que les organisations telles que le Responsible Jewellery Council (RJC) ont parcouru un long chemin pour s’assurer qu’il existe un code de conduite clair sur le commerce des diamants. Les sociétés minières ont également fait d’énormes progrès pour améliorer la vie des communautés locales autour de leurs mines. En effet, des dizaines de millions de personnes dépendent du secteur de l’extraction des diamants aujourd’hui.
Étant donné que les diamants synthétiques sont plus abordables, le prix pourrait être utilisé comme un outil marketing pour l’industrie des diamants naturels. L’industrie pourrait argumenter comme suit : commencez par une pierre synthétique plus abordable, puis passez au diamant authentique quand vous serez prêt. Et même s’il est vrai que l’on ne prévoit pas de trouver une mine importante dans les prochaines années, la baisse de l’approvisionnement devrait jouer en faveur de la rareté – et donc de l’attrait – des diamants naturels.
ABN Amro a abordé ces défis dans un rapport récent. « Le défi de l’industrie des diamants naturels consiste à faire de gros progrès en termes d’intégrité d’un bout à l’autre de la filière pour atténuer un peu l’aspect marketing durable des diamants de laboratoire », mentionne-t-il.
Enfin, le secteur des diamants naturels devra lancer une campagne pour rappeler aux consommateurs son offre unique, quelle que soit l’ampleur que peuvent prendre les diamants synthétiques, d’autant plus que le secteur des diamants synthétiques est passé à la vitesse supérieure. C’est la mission de la Diamond Producers Association (DPA) créée l’année dernière : augmenter la commercialisation de produits génériques pour promouvoir les diamants auprès du consommateur, mener des recherches pour mieux comprendre le marché général et les menaces comme les diamants synthétiques.
D’ici un an ou deux, il sera intéressant de surveiller l’efficacité de la DPA et de l’IGDA dans leurs activités respectives. Il semble qu’elles essaient de réaliser la même chose pour leurs produits respectifs. Partant de plus bas, l’IGDA devra peut-être en faire plus pour se faire connaître.
Un rapport de 2014 de Bonas Group et AT Kearney, commandé par le Natural Diamond Monitoring Committee (NDMC), a estimé la production annuelle de diamants CVD (dépôt chimique en phase vapeur) de joaillerie et de diamants synthétiques HTHP (haute pression, haute température) à 350 000 carats environ. Un chiffre qui pourrait augmenter et passer à 1,5 million de carats dans les trois à cinq ans, selon le rapport. Un volume relativement faible par rapport à la production mondiale de diamants naturels qui s’élève à 124,7 millions de carats, selon le processus de Kimberley en 2014.
Le NDMC a ordonné une mise à jour du rapport dont la publication est prévue pour le second semestre de 2016, selon le porte-parole Sanjay Kothari. Cela devrait donner des indications sur les progrès effectués dans le secteur des diamants synthétiques. La création d’un organe mondial représentant le secteur devrait au moins être considérée comme un progrès. Il appartiendra à l’industrie des diamants naturels de collaborer avec l’association et d’avancer son propre programme pour atténuer la menace représentée par les diamants synthétiques.