Cela fait plus de deux mois que la démonétisation des gros billets en Inde a pris effet mais la solide industrie des diamants et des bijoux, bien qu’agitée, reste forte et stoïque face à l’adversité. [:]Évidemment, le secteur du luxe, dont fait partie l’industrie des diamants et des bijoux, serait le premier à être frappé, car les dépenses discrétionnaires des consommateurs affectent fortement le marché du retail.
Dans l’industrie, ce sont bien sûr les PME (petites et moyennes entreprises) qui ont été touchées car elles négocient généralement avec des bijoutiers de petite taille et des acteurs non organisés qui traitent avec des espèces sonnantes et trébuchantes. La demande locale de brut et de taillé aurait diminué en décembre, indiquant une plongée de 4,96 % des importations de brut. Les miniers eux-mêmes ont annoncé un ralentissement de la demande de brut de faible valeur (surtout importé par l’Inde) au cours des 2 derniers mois, en raison de problèmes de liquidités chez les PME.
Les grands diamantaires et joailliers du secteur organisé ne sont toutefois pas trop touchés. Les exportations de taillé ont été redynamisées par une demande renouvelée des États-Unis, des EAU et d’autres marchés de consommation. De plus, les grandes entreprises de ce segment sont épargnées car elles travaillent en dollars américains. Seules les charges liées aux salaires nécessitent d’être payées en roupies indiennes. Sanjay Kothari, vice-président du conseil de KGK Group, leader du marché, a évalué la situation avec candeur : « C’est une décision merveilleuse dont les effets, multipliés à long terme, seront sans aucun doute positifs. L’inquiétude initiale est tout à fait temporaire et cela concerne également un groupe bien particulier. Mais en empruntant cette trajectoire mondiale, l’Inde fait la promesse d’une réforme canalisée, sous la direction dynamique du premier ministre Narendra Modi. Cela devrait permettre aux plus aptes de survivre, ce qui est éminemment louable. Faire disparaître les pratiques illégales apportera non seulement de formidables avantages pour des marques de luxe comme Entice mais fera forcément progresser toute l’économie de la nation. »
Ne nous étonnons pas que le marché national indien continue de pâtir de la démonétisation pour les activités de négoce, ainsi que de la demande atone des consommateurs de détail. Rappelons que 70 % à 75 % du marché national des bijoux en or sont confrontés à la récession. À long terme toutefois, cette mesure pourrait se révéler positive pour l’ensemble des détaillants de bijoux qui profiteraient d’une meilleure organisation dans tous le pays. Selon les détaillants du marché national, le secteur a été rudement touché car la demande d’or a chuté de près de 80 %. Les boutiques de bijoux en or constateraient un recul drastique des achats de bijoux.
Lors de l’annonce de la démonétisation, le 8 novembre, les consommateurs se seraient précipités pour acheter de l’or avec les espèces dont ils disposaient à l’époque. Mais ceux qui possédaient de l’argent noir ont également transformé ces devises mal acquises en or. Certains joailliers les auraient même aidés en proposant des factures antidatées. Après des descentes de police organisées dans certaines boutiques, cette tendance est lentement retombée. La demande serait en baisse de 80 % actuellement. Au cours des jours qui ont suivi le 8 novembre, les consommateurs, déconcertés, ont paniqué à propos des espèces qu’ils détenaient. Mais les dirigeants de l’industrie ont vu la démonétisation comme une bonne chose pour leurs bénéfices à long terme. Praveenshankar Pandya, le président du conseil du Gem and Jewellery Export Promotion Council (GJEPC), a indiqué : « C’est une formidable initiative, attendue depuis longtemps. Nous tombions souvent sur des devises contrefaites, ce qui compliquait la tâche des particuliers. Il s’agit d’une décision audacieuse qui pourrait provoquer des difficultés à court terme mais qui sera profitable à l’avenir et aidera à renforcer notre devise. »
Après des ventes moroses pour Diwali cette année, le marché national assiste à une redite pendant cette saison des mariages. C’est une époque où l’or est normalement acheté en grandes quantités. De plus, les achats de bijoux neufs ont diminué, alors que les bijoux d’occasion en or sont désormais offerts pendant les mariages. Mais tout n’est pas perdu car certains joailliers du sud de l’Inde annoncent actuellement une demande raisonnable pour les mariages. Récemment, les détaillants de bijoux ont annoncé une hausse de 20 % à 25 %, alors que le recul de l’activité était allé jusqu’à 90 % après la démonétisation. Somasundaram PR, le directeur général du World Gold Council en Inde, a indiqué : « La démonétisation des gros billets par le gouvernement est une étape décisive et opportune pour réduire l’évasion fiscale et améliorer la conformité. C’est aussi un jalon important sur le chemin vers une économie sans numéraire. Cela va transformer la situation de l’or car il sera possible d’éliminer le commerce officieux et de faire naître plus de transparence. »
De même, certains joailliers d’esprit positif voient cela comme une « correction » et espèrent que l’activité bondira au prochain trimestre. Le marché attend également une chute temporaire de la demande sur le marché national et compte sur de la croissance au trimestre prochain grâce à de meilleures ventes. Vipul Shah, ancien président du conseil du GJEPC et associé chez Asian Star, a exprimé l’avis de la plupart des acteurs de l’industrie : l’avantage de la démonétisation, c’est que le marché national progresse sur la voie de l’organisation, des transactions légitimes, du respect du droit du travail, etc. « L’industrie nationale a été la plus fortement touchée, dès le 8 novembre et jusqu’à aujourd’hui encore. Toutefois, la situation dans le sud du pays s’est presque normalisée, le travail a repris mais le nord continue à se débattre avec une forte baisse des ventes de détail. Des marques bien établies comme Tanishq, etc. ont toutefois obtenu de bons résultats. La production a baissé depuis au moins 2 mois mais le secteur est actuellement structuré. »
Cela dit, la démonétisation a peut-être fait des remous dans l’industrie indienne des bijoux et des diamants mais, de l’avis de la majorité, il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Les professionnels attendent avec impatience de travailler dans une industrie bien organisée, même si, peut-être, certaines poches de résistance pourraient subsister dans diverses parties du pays.