L’IA révolutionne le secteur de la taille des diamants

Isabella Yan

Bien que l’intervention humaine reste prépondérante, l’intelligence artificielle s’est déjà révélée très avantageuse pour la cartographie et le polissage des pierres – et les choses ne devraient pas en rester là.

L’industrie de la taille a fait de grands progrès dans l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans l’analyse, la planification, le polissage, le contrôle qualité et d’autres étapes de la transformation des diamants. Grâce à des algorithmes avancés et à l’apprentissage automatique, l’IA analyse les caractéristiques de chaque pierre naturelle, pour minimiser la perte de matière et optimiser la brillance. Grâce à ces avancées, les coûts ont baissé alors même que l’homogénéité et la précision se sont améliorées. Jusqu’où l’industrie pourra-t-elle encore repousser les frontières de l’innovation ?

Des machines en constante évolution

Synova, une société suisse spécialisée dans les équipements de taille de diamants, est réputée pour son expertise en matière de technologie de taille au laser. En 2020, elle a lancé le système DaVinci, des machines à même de tailler 57 facettes d’un diamant rond taille brillant au cours d’une unique opération automatisée. Synova ne procède pas elle-même à la cartographie des pierres. Elle emploie pour cela des fichiers fournis par des tiers de premier plan qui assurent la préparation des diamants, comme Sarine Technologies, Lexus ou Octonus.

L’IA est vouée à jouer un rôle croissant dans les machines de façonnage et de taille de Synova, d’après Jörg Pausch, responsable de la division des diamants dans la société. « Nos processus s’appuient actuellement sur des routines logicielles préconfigurées. Parallèlement, nous développons notre produit phare, le DaVinci Diamond Factory, qui permettra d’y intégrer divers capteurs, afin de collecter des données de traitement spécifiques. »

La société projette d’exploiter ces données dans des algorithmes d’apprentissage automatique, de manière à pouvoir adapter le processus de taille en temps réel, explique-t-il. De nos jours, les opérateurs de nos machines de sciage au laser n’observent les résultats de la taille qu’une fois le processus achevé. Désormais, nous prévoyons de pouvoir ajuster les paramètres au cours du processus, pour optimiser les résultats. » Il est également prévu d’inclure la traçabilité et les processus Blockchain, ajoute-t-il.

Pour sa part, Sarine avait lancé son système Advisor pour la cartographie des diamants en 1995. Advisor était à l’époque le premier logiciel automatisé de préparation des diamants. Ses outils d’analyse et de planification entraînés par l’IA ont depuis permis aux tailleurs d’optimiser l’ensemble du processus de production.

Chez le tailleur Kiran Gems, un logiciel basé sur l’IA a permis d’atteindre un taux de précision de 90 % lors du polissage du mêlé. « Cette technologie permet de planifier plus efficacement les achats de brut et les stocks de taillé. Elle nous permet d’affecter les bons matériaux aux bonnes personnes, pour des résultats optimaux », explique Varun Lakhani, vice-président de la société, qui prévoit des taux de précision de 100 % lorsque le programme aura rassemblé suffisamment de données.

L’humain ne sera pas remplacé

La taille des diamants est encore un processus très traditionnel, admet Jörg Pausch, qui fait remarquer que l’industrie continue de faire majoritairement appel à de petites unités décentralisées, manuelles ou semi-automatisées. « Dans certains lieux, on continue d’utiliser des scies à lames traditionnelles, au lieu du laser, pour tailler les diamants. L’arrivée de l’IA dans l’industrie semble en être à ses balbutiements et il faudra peut-être un certain temps avant qu’elle n’adopte des processus moins manuels et plus automatisés. »

Pour Shreyans Dholakia, dépositaire de la marque Shree Ramkrishna Exports (SRK), le toucher humain demeure essentiel. « Les hommes et les femmes peuvent ressentir le mouvement du diamant sur la roue, un aspect essentiel pour parvenir aux résultats escomptés, explique-t-il. Ces compétences manuelles, exercées par nos maîtres-artisans, jouent un rôle prépondérant pour garantir la précision et la qualité. »

L’adoption de l’IA ne doit pas se faire au détriment des connaissances inestimables, transmises de générations d’artisans en générations d’artisans, souligne-t-il. « L’IA est une aide dans le processus général, et non son moteur. Elle nous permet d’accélérer la prise de certaines décisions, qui sont aussi plus précises. Cependant, l’IA ne peut pas tout faire. Il faudra attendre encore longtemps avant que l’IA sache réfléchir de la même manière que les êtres humains dotés de cinq sens. »

Le cadre général

Shreyans Dholakia considère que, grâce aux progrès à venir, la taille deviendra plus efficace, plus précise et plus durable. « Les systèmes entraînés par l’IA continueront de rationaliser les processus, de réduire le gaspillage et d’optimiser l’utilisation des ressources. Il sera possible de mieux planifier le brut en affectant précisément les ressources, pour faire appel aux bons tailleurs. » L’étude de certains facteurs, comme la casse des diamants, peut également contribuer à améliorer les processus, ajoute-t-il.

Pour Romy Gakh-Baram, directrice du marketing international et de la marque chez Sarine, le potentiel d’innovation de l’IA réside dans le domaine de la certification automatisée. « Nos systèmes de certification basés sur l’IA, Sarine Color et Sarine Clarity, reproduisent l’activité d’un certificateur humain, avec cependant bien plus de précision, d’homogénéité et d’efficacité. Grâce à l’apprentissage automatique, ayant permis d’évaluer les résultats de certification de dizaines de milliers de diamants, ils produisent des certifications de couleur et de pureté dignes de confiance. »

Des opérations toujours plus complexes

Malgré tous ses avantages, l’intégration de l’IA dans la taille des diamants présente quelques difficultés, principalement en raison des caractéristiques particulières de chaque diamant naturel. À l’heure actuelle, les tailleurs font principalement appel à l’IA pour planifier et cartographier le mêlé mais Varun Lakhani estime que les tailles supérieures seront également concernées à l’avenir.

« Concevoir des algorithmes capables de traiter et d’interpréter efficacement l’énorme quantité de données générées lors du processus de taille n’est pas une mince affaire », explique Romy Gakh-Baram.

Pour relever ces défis, Sarine a collaboré avec des tailleurs de diamants et des partenaires de l’industrie, l’objectif étant de rassembler et d’annoter de grands ensembles de données, constitués d’images de diamants et de paramètres de taille. En exploitant des techniques avancées d’apprentissage automatique, comme l’apprentissage profond et l’apprentissage par renforcement, Sarine a développé des algorithmes plus précis, à même de gérer les caractéristiques complexes des diamants.

Dans l’ensemble, explique Shreyans Dholakia, « l’analyse prédictive basée sur l’IA permettra de prendre des décisions de manière anticipée, ce qui améliorera la qualité des produits et réduira les coûts de fonctionnement. »

Image : Romy Gakh-Baram (Sarine Technologies).

iSource Rapaport