Depuis 2003 et l’entrée en action du Kimberley Process (KP), le World Diamond Council (WDC) exige que tous les diamants naturels aient l’énoncé suivant tamponné sur leur facture :[:]
Les diamants faisant l’objet de la présente facturation ont été achetés auprès de sources légitimes, n’étant pas impliquées dans le financement de conflits et conformes aux résolutions des Nations unies. Le vendeur garantit par la présente que ces diamants n’ont pas de lien avec un conflit, à notre connaissance et/ou d’après les garanties écrites apportées par le fournisseur de ces diamants.
Le World Diamond Council a récemment adopté un nouvel énoncé destiné aux factures, qu’il demande à tous les membres de l’industrie diamantaire d’utiliser à compter de l’année prochaine :
Les diamants faisant l’objet de la présente facturation ont été achetés [ou acquis] auprès de sources légitimes, n’étant pas impliquées dans le financement de conflits, conformément aux résolutions des Nations unies et aux lois nationales correspondantes. [Si elles le souhaitent, les sociétés peuvent énumérer les pays auprès desquels elles s’approvisionnent.] Le vendeur garantit par la présente que ces diamants n’ont pas de lien avec un conflit et confirme le respect des directives du Système de garanties du WDC.
Stéphane Fischler, président du WDC, affirme que le groupe souhaitait depuis longtemps renforcer le Système de garanties (SoW), le système volontaire qui soutient le Kimberley Process.
Le Kimberley Process est conçu pour éradiquer les diamants bruts du conflit de la principale chaîne d’approvisionnement. Il a force de loi et est géré par les gouvernements. Pourtant, des diamants illégaux parviennent malgré tout à s’introduire dans la chaîne d’approvisionnement sous forme de taillé. Et puisqu’il n’existe pas de KP pour le taillé, les garanties ont été conçues pour régler le problème.
Or, certains regrettent que ces garanties n’aient jamais été vraiment strictement appliquées. Elles sont censées être vérifiées chaque année par un contrôleur indépendant. Mais nombreux sont ceux dans l’industrie qui semblent les considérer comme les accords de licence que l’on signe lorsque l’on télécharge un logiciel. On sait qu’ils existent mais on ne sait pas vraiment ce que l’on accepte.
Pourtant, lorsqu’un négociant tamponne une garantie sur une facture, cela a du poids – tout comme le fait de cliquer sur « OK », dans un accord de service, a de l’importance. Tous ceux qui tamponnent ces mots sur une facture garantissent que ce qu’ils affirment est vrai. Ainsi, lorsqu’une facture affirme qu’un pli contient des diamants, il ne doit pas contenir de zircon cubique.
« Une garantie a un certain niveau d’applicabilité, explique Cecilia Gardner, ancien avocat général du World Diamond Council et aujourd’hui conseillère juridique pour l’industrie. Si les diamants que vous vendez ne sont pas conformes aux références du Kimberley Process et que vous incluez cette garantie, vous risquez le procès. »
Stéphane Fischler ajoute que, même si les différents gouvernements peuvent avoir des façons divergentes de considérer les garanties, les groupes diamantaires les prennent très au sérieux.
« Cela n’est en aucun cas différent des autres engagements qu’un fournisseur apporte à un client. Si un client est capable de prouver qu’il y a infraction, la médiation se fera devant une bourse. »
Ceci dit, nous ne sommes au courant d’aucune affaire dans laquelle quelqu’un aurait été poursuivi en justice, ni même soumis à l’arbitrage d’une bourse, pour une garantie défaillante.
Ce qui nous amène à ce nouvel énoncé. Il se veut autre chose qu’une simple « obligation de cocher », explique Peter Karakchiev, responsable des relations internationales pour le producteur de diamants russe ALROSA et membre du conseil du WDC.
« Le système de garanties n’est plus seulement une déclaration sur une facture, ajoute-t-il. C’est désormais un ensemble de directives » qui englobe des références reconnues sur le plan international en termes de droits du travail et droits de l’homme, lutte contre la corruption et lutte contre le blanchiment d’argent. Ces références constituent « la norme pour n’importe quelle société du XXIe siècle », ajoute-t-il.
L’année prochaine, le WDC sortira une boîte à outils permettant aux négociants d’auto-évaluer le respect des directives.
La boîte à outils, qui est en cours de développement avec des acteurs internes et externes, souhaite apporter aux membres de l’industrie « une direction claire sur la façon d’agir », explique Peter Karakchiev. Elle a aussi pour objectif d’être utilisée par tous les membres du marché, qu’ils fassent partie d’une petite ou d’une grande société. « Si vous êtes ALROSA, vous avez tout un service qui s’en occupera. Si vous êtes une société unipersonnelle, un document d’une page suffira. »
Les organisations non gouvernementales (ONG) avaient deux réclamations principales à propos du nouveau système, lesquelles correspondent à peu près à leurs réclamations concernant l’ancien système. La première est que le système est volontaire.
Le WDC affirme qu’il n’a pas eu le choix à ce niveau. « Nous ne sommes pas le gouvernement, explique Peter Karakchiev. Nous ne pouvons sanctionner personne. Nous pouvons juste inciter les professionnels à utiliser les garanties. »
Stéphane Fischler estime que, puisque toute l’industrie utilise régulièrement les précédentes garanties, elle devrait bientôt adopter le nouvel énoncé. « Les précédentes garanties sont devenues une habitude sur toutes les factures. Les institutions financières refusent d’honorer une facture qui ne les contienne pas. Avec le temps, elles rechercheront également ces nouvelles garanties. »
Cecilia Gardner en convient : « En effet, le système est obligatoire. Sur le marché d’aujourd’hui, très peu de personnes sont prêtes à acheter des diamants qui ne sont pas garantis de cette façon. »
Mais les ONG regrettent également qu’il n’existe pas de mécanisme de vérification. Joanne Lebert,directrice exécutive d’IMPACT (anciennement Partenariat Afrique Canada), une ONG du groupe ayant émis un communiqué critique du nouveau système, s’est plainte qu’il continue de se reposer sur des « auto-évaluations » et des « auto-déclarations ».
« Ce qu’il faut, c’est un audit indépendant de ces déclarations par des tiers », affirme-t-elle.
Joanne Lebert considère également que l’industrie met trop l’accent sur la provenance, alors qu’elle doit concentrer son attention sur la due diligence.
« La due diligence, ce n’est pas uniquement se reposer sur une certification. Il s’agit d’une amélioration progressive. Tout n’est pas blanc ou noir. Vous effectuez vos recherches et vous vous engagez à améliorer la situation. »
La plupart des références de due diligence, y compris les directives de l’OCDE pour une conduite responsable des entreprises, exigent des vérifications indépendantes, explique-t-elle.
Peter Karakchiev avance que la due diligence va au-delà du mandat du WDC qui consiste à soutenir le Kimberley Process. Mais il affirme que la due diligence fait partie des références de la chaîne de contrôle développée par le Responsible Jewellery Council qui exige des audits indépendants. Vérifier l’application de l’outil d’autoévaluation du WDC pourrait également faire partie d’un programme de due diligence, affirme-t-il.
Cecilia Garner considère que le nouvel énoncé « tient plus d’un effort éducatif… Le WDC tente de former ses membres pour créer une chaîne d’approvisionnement crédible pour les diamants. »
Ainsi, si le nouvel énoncé est largement adopté par l’industrie, si les professionnels appliquent l’outil d’autoévaluation et s’ils utilisent ensuite ces directives dans leur activité quotidienne, ce changement pourrait faire la différence. Mais cela fait beaucoup de « si ». La question est donc la suivante : les membres de l’industrie prendront-ils ces nouvelles obligations au sérieux ou faut-il simplement continuer à tamponner sans y porter attention ?