L’évolution de la demande

Avi Krawitz

Les prix ont continué à baisser en septembre, fidèles à la tendance à long terme démarrée à la mi-2011. À l’exception du premier trimestre positif en 2014, qui a vu une hausse des prix du taillé, les tarifs moyens ont connu un recul graduel et constant. [:]Septembre a donc marqué la fin d’un nouveau trimestre morose sur le marché.

En fait, le troisième trimestre 2014 aura sans conteste été le plus faible depuis deux ans. L’indice RapNet Diamond Index (RAPI™) pour les diamants certifiés de 1 carat – couleur D à H, pureté IF à VS2 – a rétrogradé de 4,7 % au cours du trimestre. Les quatre catégories suivies par Rapaport News – RAPI pour les 0,30 carat, 0,50 carat, 1 carat et 3 carats – étaient en repli. 

Cette tendance à la baisse n’est pas passée inaperçue dans la presse grand public. À la mi-septembre, le Wall Street Journal citait notamment le rapport de recherche de Rapaport de septembre 2014, pour rappeler que « les diamants continuent de perdre de leur éclat. »

L’article reprenait d’ailleurs des propos tenus dans cette rubrique. Il affirmait que la demande délaissait les petits diamants, la classe moyenne chinoise s’étant développée et s’intéressant désormais davantage à de nouvelles catégories, plus abordables – en particulier les 0,30 carat à 0,50 carat, ce qui a inversé la tendance à la baisse installée depuis un an et demi. Le troisième trimestre 2014 a marqué un nouveau virage. Les 0,30 carat et 0,40 carat ont à leur tour été délaissés, montrant combien le marché est devenu sensible aux prix. 

[two_third]Certains commentaires isolés suggèrent que la baisse du troisième trimestre a été influencée tant par l’offre que par la demande, ce qui a été particulièrement évident en septembre. 

Du côté de l’offre, de nombreuses marchandises n’ont pas trouvé preneur. Le Gemological Institute of America (GIA) aurait augmenté le rythme de ses livraisons depuis ses laboratoires des États-Unis et d’Inde. Les diamants qui étaient bloqués depuis quelques mois en raison des retards de l’institution sont en cours de livraison, à temps pour la saison des fêtes. En outre, les ventes de taillé ont ralenti pendant l’été. Les fournisseurs se sont constitué des stocks, puisqu’ils ont continué de fabriquer – et d’acheter du brut en conséquence – de manière régulière. [/two_third][one_third_last]

« Les ventes de taillé ont ralenti pendant l’été. Les fournisseurs se sont constitué des stocks, puisqu’ils ont continué de fabriquer – et d’acheter du brut en conséquence – de manière régulière. »

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Les volumes de diamants présentés lors du récent Hong Kong Jewellery and Gem Fair étaient donc plus importants que d’habitude. Rapaport a également fait état d’une augmentation notable en septembre du volume des diamants cotés sur le réseau d’échange de diamants RapNet de Rapaport. Enfin, les fournisseurs sont aux prises avec des liquidités plus rares, les banques ayant réduit leur crédit à l’industrie. Certaines y ont même totalement renoncé, comme l’a annoncé la Banque Diamantaire Anversoise il y a deux semaines.

C’est donc un marché d’acheteurs qui s’est constitué, face à des fournisseurs à court de liquidités, prêts à baisser les prix pour obtenir un flux de trésorerie. 

Parallèlement, la demande a évolué, délaissant considérablement le marché des 30 à 40 points après ce que l’on a pensé être une lassitude des Chinois pour ces marchandises. Les détaillants chinois ont acheté ces marchandises avec avidité pendant un an et demi, contribuant ainsi à la hausse des prix (le RAPI pour les 0,30 carat reste 7,8 % plus élevé qu’il y a un an, le 1er octobre 2013). Les acheteurs chinois ont fait profil bas pendant une période, conservant un stock relativement important au cours de la pause estivale, en juin-juillet. Cependant, dès leur retour sur le marché en septembre, ils ont opté pour des grosseurs supérieures, de plus de 0,50 carat, mais aussi pour des qualités inférieures, destinées à équilibrer leurs tarifs. 

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Les acheteurs sont généralement à l’affût des remises. Ces deux dernières années environ, les rabais sur les 0,30 carat et 0,40 carat ont diminué, menant à une hausse des prix à des niveaux sans précédent. Simultanément, les remises sur d’autres articles, comme les 0,70 carat, ont été relativement stables et paraissent désormais plus attrayantes pour les acheteurs. De même, la demande s’est décalée, passant de VVS de qualité supérieure à des puretés inférieures, suivant l’évolution des remises et des prix. 

L’apparente chute des prix ne traduit pas une dépression du marché. La demande se maintient aux États-Unis et en Extrême-Orient, comme l’a démontré le salon de Hong Kong, mais elle porte désormais sur des diamants plus gros, de qualité inférieure. 

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« L’apparente chute des prix ne traduit pas une dépression du marché. La demande se maintient aux États-Unis et en Extrême-Orient, comme l’a démontré le salon de Hong Kong, mais elle porte désormais sur des diamants plus gros, de qualité inférieure. »

Pour l’heure, les échanges sont réguliers. Le marché entre dans une période d’achats intenses, avec des détaillants avides de trouver des diamants pour sertir leurs bijoux à temps pour la saison des fêtes. Acheteurs et vendeurs voudront boucler leurs commandes avant que les fabricants indiens ne partent en vacances pendant le mois de Diwali, qui démarre très prochainement, le 23 octobre. 

Les acheteurs cherchent principalement à satisfaire la demande des Américains pour les fêtes. Les acheteurs chinois espèrent pouvoir répondre à la demande liée à la Semaine d’Or et au jour de la fête nationale et préparent soigneusement le Nouvel An chinois.

Malgré cela, les prix n’augmentent pas : les acheteurs y regardent à deux fois et sont au courant des problèmes de liquidités des fournisseurs. La situation ne devrait pas changer avant la fin de l’année. Ce n’est qu’au premier trimestre de l’année prochaine que les prix du taillé pourraient remonter. Les acheteurs se réapprovisionneront après les fêtes de Noël et du Nouvel An chinois – comme ils l’ont fait au premier trimestre de cette année.

La question qui brûle toutes les lèvres est de savoir si ou quand émergera une tendance durable à la hausse. Les brusques remontées observées entre 2009 et la mi-2011 ont disparu après que les échanges du premier semestre 2011 ont été stimulés par une demande spéculative. Depuis, les marchés se montrent plus sélectifs et les prix moyens ont baissé. Le marché s’est ajusté à la demande, en proposant les marchandises qui assurent les remises les plus attrayantes.

[two_third]Il ressort de tout cela un environnement dans lequel les fabricants ont des difficultés à évoluer, en particulier lorsque l’on connaît la dynamique du marché du brut. Ils se retrouvent incapables de faire jouer la concurrence lorsqu’ils achètent du brut.

Un dirigeant de la De Beers a noté une demande constante pour les boîtes de brut de 4 à 8 grains en 2014 – ces marchandises produisent du taillé de 0,30 carat à 0,70 carat – et une demande très satisfaisante pour les puretés SI à I2. Selon lui, le virage dans les habitudes d’achat en Chine, entre une pureté VVS élevée et une pureté VS-SI, se constate également sur le marché du brut.[/two_third][one_third_last]

« Ce n’est qu’au premier trimestre de l’année prochaine que les prix du taillé pourraient remonter. Les acheteurs se réapprovisionneront après les fêtes de Noël et du Nouvel An chinois. »

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Pourtant, les fabricants ne peuvent pas se montrer sélectifs pour leur brut car ils ont besoin d’un approvisionnement régulier. Une boîte ordinaire de la De Beers, par exemple, contient diverses qualités mélangées. Et d’ailleurs, aucun minier ne peut choisir d’extraire davantage de pierres SI ou de 50 points pour ajuster son offre à une demande spécifique sur le marché.

Les fabricants ont donc la lourde tâche d’adapter leur offre à la demande des acheteurs. Nous l’avons vu en septembre, la demande de taillé peut basculer quasiment sans préavis. En réalité, la tendance à la baisse que l’on constate clairement sur le marché depuis la mi-2011 est liée aussi bien aux prix qu’au type de marchandises achetées. Ce revirement de la demande exige des négociants et des fabricants qu’ils analysent le marché plus avant, pour s’assurer des marges bénéficiaires dans un environnement déjà difficile.

Source Rapaport