L’industrie doit se sentir encouragée par les nouvelles initiatives qui visent à renforcer l’intégrité de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Elle ne doit pas se sentir menacée. [:]Des critiques ont été exprimées à la réunion du World Diamond Council (WDC) de cette semaine à Tel-Aviv à propos des rencontres du 30 avril à Paris qui ont abordé les chaînes d’approvisionnement responsables en pierres précieuses. Ces critiques se sont révélées prématurées et erronées.
Bien sûr, certains participants à la réunion du WDC reconnaissent les limites du Kimberley Process (KP). Beaucoup ont pourtant été prompts à rejeter le nouveau groupe qui s’est réuni à Paris, à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Leurs deux plus grands reproches, semble-t-il, portaient sur l’absence de représentants de la chaîne d’approvisionnement, et notamment les pays africains producteurs, et sur sa possible nature coloniale.
« Selon nous, l’OCDE continue de fonctionner de façon marginale et malsaine, l’organisation agit sans nous. Elle ne sera donc jamais pertinente dans notre cas, a déclaré Susan Shabangu, la ministre sud-africaine des Ressources minérales, à la réunion du WDC. Elle doit nous intégrer. Fini le temps où nous étions l’Afrique sans l’Afrique. »
Des représentants du secteur de la fabrication, mais aussi les bourses, ont fait écho à ce sentiment. Et pourtant, ils se trompent. La réunion à l’OCDE abordait le thème de la consommation dans le monde, et non de l’Afrique. Mais nous y reviendrons.
Ce n’est pas non plus la première fois que les professionnels ont tenté d’étouffer dans l’œuf une initiative éthique axée sur la demande, avant qu’elle n’ait eu une chance de se développer. Lorsqu’ils ont été exclus, lors de l’introduction par les joailliers américains du protocole de garantie sur la source des diamants, en octobre 2012, ils ont crié au scandale et refusé une campagne positive, qui ne leur imposait pas d’exigences supplémentaires.
Cette fois-ci, ils ont été consultés. Certes, la réunion de Paris a été parrainée par Signet Jewelers et Jewelers of America (JA), et co-organisée par les organisations non gouvernementales (ONG) Global Witness et le Partenariat Afrique Canada (PAC). Mais les participants comptaient aussi dans leurs rangs des représentants du Diamond Manufacturers and Importers Association of America (DMIA), du Antwerp World Diamond Centre (AWDC) et du Dubai Multi Commodities Centre (DMCC), entre autres. Le WDC, le représentant de l’industrie au KP, a été invité mais n’était pas officiellement représenté. Plusieurs de ses membres étaient présents à titre personnel, notamment les sociétés minières. Des représentants du groupe Rapaport s’étaient également déplacés.
David Bouffard, le vice-président des activités professionnelles de Signet Jewelers, chargé de la facilitation du nouveau groupe, a clarifié pour Rapaport News plusieurs malentendus potentiels au sujet de la réunion de Paris.
Il a souligné que le groupe n’était pas une initiative de l’OCDE. La réunion de Paris avait plutôt pour objet d’établir si l’OCDE était le forum approprié pour discuter des chaînes d’approvisionnement responsables. Pour s’inscrire dans le cadre de travail de l’OCDE, le groupe doit satisfaire certains critères, a expliqué David Bouffard. Le KP affiche une structure tripartite, composée de l’industrie, du gouvernement et de la société civile. Le nouveau groupe a estimé qu’il devait lui aussi adopter cette structure.
David Bouffard a ajouté que le groupe (qualifié de groupe multipartite pour les pierres précieuses) continue de recruter de nouveaux membres. Le processus avait été entamé bien avant la rencontre, dans un état d’esprit ouvert et non exclusif. Il entend cibler l’ensemble du secteur et adopter une approche non-commerciale.
David Bouffard a également souligné qu’il ne cherchait pas à rivaliser avec les programmes existants. « Certains participants considèrent qu’il faut sans cesse améliorer les pratiques d’approvisionnement responsables : les risques auxquels le marché des pierres précieuses peut être associé évoluent, notamment dans le domaine des conflits et des violations des droits de l’homme, a-t-il expliqué. [Le projet] doit compléter, et non remplacer d’autres initiatives existantes telles que le KP, et ne pas leur nuire. »
En revanche, le WDC rencontre des difficultés avec son ordre du jour. Les participants à la réunion de cette semaine ont noté un manque de substance dans les procédures. La réunion s’est clôturée sur la signature d’un protocole d’accord relatif à un mécanisme de soutien administratif permanent du KP. Concentré uniquement sur le KP, le WDC en est devenu dépendant. Le KP lui-même tarde à relever les défis éthiques de l’industrie de bijoux et des diamants.
Le WDC se retrouve à la croisée des chemins. Son président par intérim, Avi Paz, prend ses fonctions après 13 ans d’efforts infatigables d’Eli Izhakoff. L’organisation se penche également sur ses structures de financement et d’adhésion.
En réalité, le WDC doit engager un examen stratégique. Sa réunion annuelle de cette semaine a posé plus de questions qu’elle n’a apporté de réponses : quel est véritablement son rôle ? Quelle est sa place dans le débat sur l’approvisionnement responsable ? Ses objectifs sont-ils cohérents avec les défis de l’industrie aujourd’hui ? À qui le WDC rend-il des comptes ? Et qui représente-t-il ?
Le KP n’est pas parvenu à lutter contre les violations des droits de l’homme, ni à aborder les questions éthiques de l’industrie, se contentant de sa définition dépassée des diamants du conflit. Dès lors, il a été nécessaire de lancer de nouvelles initiatives, telles que la réunion à l’OCDE, et d’autres programmes comme le Responsible Jewelry Council (RJC). Par défaut, le WDC se retrouve dans la même position, malgré son soutien à un changement de la définition. Les détaillants ont besoin de plus. David Bouffard l’a bien noté : « Les consommateurs ont des attentes en matière d’intégrité du produit. Ils doivent être assurés que nous pourrons les satisfaire, quel que soit leur achat de bijoux. »
Nous l’avons déjà souligné ici, les détaillants sont incapables d’apporter ces garanties en s’appuyant uniquement sur le KP, ou sur leur présence au WDC.
La réunion du WDC n’est donc pas parvenue à reconnaître le rôle clé joué par le consommateur. Bien entendu, il est absolument vital de se concentrer sur les questions de développement en Afrique et ailleurs. Mais l’industrie ne sera efficace dans ce domaine que si elle peut faire naître la confiance chez les consommateurs.
L’idée que les pays producteurs africains seraient plus importants que le consommateur, entendue plus d’une fois lors de la réunion du WDC, ne joue pas en faveur de l’industrie. En fin de compte, les considérations éthiques sont motivées par la demande. Les pays producteurs africains, tout comme les membres du WDC, devraient réaliser qu’ils ont tout à gagner d’une telle campagne.
Martin Rapaport, le président du groupe Rapaport, qui a boycotté les réunions du WDC, a voulu insister : « Les acheteurs ont le droit et l’obligation de protéger leurs intérêts légitimes. Ils doivent veiller à ce que les produits qu’ils achètent soient exempts de violations des droits de l’homme et d’un risque en matière de réputation. Le WFDB et le WDC sont invités à porter une attention toute particulière aux besoins légitimes de leurs clients. »
Une chose est sûre, les clients sont plus importants que les fournisseurs.