Les trois clés du pouvoir pour les marques diamantaires

Ehud Arye Laniado

Le monde a attendu avec impatience que le dernier épisode de la franchise Star Wars arrive dans les cinémas partout dans le monde. La puissance de la marque Star Wars a explosé ces dernières années, à tel point que les films eux-mêmes sont presque devenus secondaires, face à la montée en puissance de la marque. [:]Les marques modernes sont peut-être devenues la principale force de la vente de détail, sans mauvais jeu de mot.

Les médias diamantaires ont beaucoup évoqué ces dernières années la nécessité de créer des marques. Tout le monde semble vanter leurs avantages dans ce domaine, mais seuls certains privilégiés auraient obtenu un succès notable et réussi à faire connaître leur marque auprès des consommateurs. Au fil des années, plusieurs initiatives ont vu le jour et beaucoup ont connu un grand succès.

Dans le cadre de mon étude de la vente au détail des diamants, j’ai observé les schémas démographiques de l’industrie et les variables qui influent sur les marges bénéficiaires des détaillants. Nous avons vu en quoi le marketing et les technologies modernes font évoluer la façon dont les détaillants vendent des bijoux en diamants et en quoi tout cela a eu une influence sur l’expérience d’achat des consommateurs. Dans ce dernier volet de ma série, je m’intéresse de plus près à la vision des marques dans notre industrie.

Qu’est-ce qu’une marque ?

La question paraît simple mais, en réalité, la réponse ne l’est pas. L’une des définitions les plus connues est proposée par David Ogilvy, souvent dénommé « le père de la publicité » : une marque est « la somme intangible des attributs d’un produit : son nom, son emballage et son prix, son histoire, sa réputation et sa publicité ».

La création de marque est un sujet déroutant et les spécialistes du marketing eux-mêmes s’y perdent parfois. Mais avec les diamants, comme avec la plupart des produits ou services de consommation, les marques sont d’une importance cruciale. Elles peuvent faire la différence entre une entreprise florissante et des structures médiocres… voire pire.

Le cœur d’une marque est un engagement envers les consommateurs. Elle raconte aux clients ce qu’ils vont recevoir et ce qu’ils peuvent s’attendre à recevoir lorsqu’ils achètent et utilisent un produit. Mais ce sont les consommateurs, et non les sociétés, qui créent les marques. Peu importe ce que vous imaginez apporter à vos clients à l’aide de votre marque, seule compte la perception qu’ils en auront.

J’aime imaginer qu’une marque est ce qui reste à l’issue d’une campagne marketing. Le marketing peut inciter les clients à acheter un produit mais ils ne reviendront vers la marque que si le produit tient les promesses de cette campagne marketing, qu’il s’agisse de qualité, de solidité ou de toute autre caractéristique.

Et, comme si le concept de marque n’était pas suffisamment complexe, les diamants sont assortis de nuances supplémentaires dont les détaillants et les consommateurs doivent tenir compte. Cela signifie que, dans notre industrie, les marques peuvent prendre de nombreuses formes. Il existe trois aspects essentiels qui intéressent les détaillants de bijoux de spécialité :

1. L’image de marque des diamants

2. L’image de marque des bijoux

3. L’image de marque du détaillant

Chacun de ces facteurs peut constituer, en lui seul, une stratégie. Dans certains cas, ils peuvent être associés pour apporter un tremplin supplémentaire. Penchons-nous de plus près sur chacun d’entre eux.

L’image de marque des diamants

J’ai beaucoup parlé de la nécessité pour notre industrie de dépasser la notion des 4C. La grande majorité des consommateurs a été amenée à croire que deux diamants ayant les mêmes caractéristiques 4C sont parfaitement identiques. Dans de tels cas, le prix est le seul critère qui permette de les distinguer. De mon point de vue, rien n’est plus éloigné de la réalité. Ne compter que sur les 4C pour résumer tout ce qui fait la qualité d’un diamant porte préjudice à l’industrie.

L’image de marque des diamants est une façon de surmonter cet obstacle, à condition d’agir de façon intelligente et surtout transparente. La création d’une image de marque peut prendre différentes formes mais la principale consiste à cibler une qualité particulière du diamant, sa taille ou son origine et, dans certains cas, les marques s’articulent autour de ces trois éléments.

Ainsi, par exemple, la taille Royal Asscher a été brevetée et se distingue de la taille émeraude carrée que l’on appelle souvent « Asscher » et à partir de laquelle elle a été conçue. La marque Royal Asscher comprend notamment un ensemble strict de normes décrivant les proportions à respecter pour la fabrication. Ces normes offrent aux clients la garantie qu’ils achètent des diamants respectant des critères stricts qui ne se limitent pas aux 4C.

Il est intéressant de noter que la méthode de vente des « fournisseurs privilégiés » de la De Beers, instaurée en 2000, a eu notamment pour effet de voir arriver une pléthore de nouvelles tailles de diamants sur le marché. En réalité, la stratégie de la De Beers a consisté à se décharger d’une partie de ses efforts marketing historiques sur d’autres acteurs en aval, encourageant ainsi les fabricants à développer leurs propres marques de diamants autour des nouvelles tailles.

Hearts on Fire, la société achetée par Chow Tai Fook, le géant chinois de la vente au détail des diamants, se présente comme le fabricant de la « taille de diamant la plus parfaite au monde » et a développé des boutiques Hearts on Fire indépendantes. La société vend également ses diamants de marque dans d’autres boutiques affiliées. Hearts and Arrows, quant à elle, a choisi cette deuxième voie, autrement dit vendre ses diamants de marque dans différentes boutiques qui ont choisi de proposer la taille Super Ideal.

Adoptant une autre approche, Canadamark est un bon exemple de promotion de l’image de marque qui s’appuie sur l’origine du diamant. Canadamark, qui appartient à Dominion Diamond Corporation, l’une des plus grandes sociétés minières de diamants au monde, garantit que ses diamants proviennent d’une mine canadienne, un aspect vérifiable grâce à une série de procédures d’audit, allant de la mine à la fabrication finale. L’initiative garantit également aux clients que les diamants n’ont été extraits que par des salariés bénéficiant de normes salariales éthiques et justes.

Forevermark est un exemple de création d’une image de marque qui tente de rassembler ces trois éléments : la qualité, la taille et l’origine du diamant. À l’instar de ses concurrents, la marque de la De Beers est vendue dans un réseau de boutiques De Beers et chez d’autres détaillants de spécialité. Selon la société, les diamants Forevermark sont soumis à un processus de contrôle qualité rigoureux afin de s’assurer qu’ils soient admissibles à entrer dans le programme. Moins de 1 % des diamants du monde respectent les critères de la marque.

L’image de marque des bijoux

Les créations de bijoux prennent toujours plus d’importance en termes de différenciation des produits dans la vente de détail. Les consommateurs ne disposent généralement pas des connaissances et des compétences nécessaires pour identifier les différences subtiles et les nuances les plus fines dans la création ou la qualité d’un bijou. Un nom de marque peut donc les aider à faire un choix dans un espace de vente bien achalandé. Il existe des preuves tangibles que les clients réagissent positivement aux bijoux de marque. Une étude de la De Beers indique que l’acquisition déclarée de bagues de fiançailles de marque aux États-Unis est montée en flèche, passant de 7 % en 2002 à 33 % en 2013.

Le fabricant de bijoux américain Tacori est un exemple de société qui s’est bâti une solide réputation pour ses créations et son savoir-faire. Il a ainsi pu se développer sans posséder de boutiques de détail propres. Tacori fabrique l’ensemble de ses bijoux dans sa structure de Californie et les vend à travers un réseau de partenaires détaillants. Chaque bijou Tacori est assorti d’un certificat d’authenticité et d’instructions pour son entretien. Le client est rassuré et la stratégie s’est révélée payante, à tel point que d’autres fabricants ont commencé à l’imiter.

Certaines marques de bijoux capitalisent sur la propension de la génération Y à se montrer fidèle à une marque. Thea, une gamme de bijoux en diamants personnalisés de la créatrice Émilie Duchêne, cible les jeunes consommateurs grâce à des messages de jeunes célébrités comme Taylor Swift et Jessica Alba. Les gammes de produits Thea sont passées par des plates-formes de financement participatif, comme Kickstarter, très visibles chez les acheteurs de la génération Y.

L’une des lignes de bijoux de marque les plus réussies de tous les temps est Pandora. En 30 ans, Pandora s’est développée, passant d’une simple entreprise familiale, avec une seule boutique, créée en 1982 par le joaillier danois Per Enevoldsen, à une multinationale cotée en bourse, actuellement évaluée à plus de 14,7 milliards de dollars. La société est née en proposant des bracelets assortis de charmes et une grande diversité de charmes en or et en argent. Elle a depuis élargi son offre pour y inscrire quelques articles en diamants, ainsi que d’autres types de bijoux dont des colliers, des boucles d’oreilles et des bagues. Pandora n’est pas encore entrée sur le marché du bridal.

L’image de marque du détaillant

Lorsqu’un détaillant parvient à être largement reconnu et qu’il véhicule une image de valeur, qui s’appuie sur la boutique elle-même, c’est ce que nous pourrions appeler le Saint Graal des marques de diamants. Il faut du temps pour y parvenir, parfois des décennies, et cela passe par un engagement constant à assurer des niveaux de qualité et de service qui puissent être reproduits dans tous les points de vente.

[two_third]Il existe de nombreux exemples concrets de sociétés qui ont connu un grand succès à long terme en s’engageant sur la qualité. J’ai déjà écrit sur Harry Winston, Chopard, Van Cleef & Arpels et d’autres marques de diamants d’ultra-luxe. Les noms de ces sociétés sont désormais synonymes de qualité des bijoux et c’est la qualité de leurs bijoux qui qualifie leur nom. Ces joailliers n’ont pas besoin de développer de marques spécifiques autour de leurs diamants ou de leurs bijoux car leur héritage est la garantie que seuls les plus beaux diamants seront utilisés dans les bijoux et que leurs créations figureront parmi les plus délicates au monde.[/two_third][one_third_last]

« Leur héritage est la garantie que seuls les plus beaux diamants seront utilisés dans les bijoux et que leurs créations figureront parmi les plus délicates au monde. »

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Dans le monde fragmenté de la vente au détail, seuls quelques privilégiés réussissent la prouesse de faire connaître leur marque au niveau des boutiques. Il n’y a rien de surprenant à ce que Tiffany & Co. dispose de l’un des plus grands nombres « d’amis » sur Facebook parmi toutes les sociétés du luxe et qu’elle soit certainement la première des joailliers de spécialité. Une bague de fiançailles Tiffany présentée dans une « petite boîte bleue » est souvent considérée comme supérieure à la même bague présentée dans un écrin différent. Beaucoup sont prêts à payer un prix plus élevé pour offrir cette boîte à leur bien-aimée.

Il est vrai que les marques sont une force très importante, elles ont prouvé, au fil des décennies, qu’elles influençaient fortement les décisions d’achat des consommateurs. Même si tous les détaillants de diamants ne disposent pas d’un siècle d’expérience dans la création d’un nom de marque pour leurs boutiques, les joailliers indépendants peuvent eux aussi choisir de proposer des lignes de bijoux et des diamants de marque, susceptibles de plaire à leurs clients. La création d’une image de marque peut passer par des critères un peu différents pour chaque entreprise individuelle mais la plupart retireraient des bénéfices à injecter une part de la puissance des marques dans leur portefeuille.

Source Ehud Arye Laniado