Face au boycott des marchandises russes par les gouvernements occidentaux et de nombreux consommateurs, les pénuries paraissent inévitables.
L’industrie diamantaire a envoyé des signaux mitigés en mai. La demande de retail américaine s’est montrée relativement solide, malgré des craintes à propos de l’inflation. Les pénuries ont maintenu le marché, alors que les marchandises russes devenaient difficiles et parfois impossibles à obtenir et à vendre. Toutefois, les perturbations liées au coronavirus en Chine et les incertitudes constantes relatives à la guerre en Ukraine ont alimenté une certaine prudence.
Les diamants petits et de moindre qualité étaient particulièrement rares car provenant généralement d’ALROSA. Les sanctions occidentales sur la Russie ont empêché le minier de vendre comme à son habitude. Les sightholders se sont affrontés pour obtenir des marchandises au cours de la vente contractuelle de De Beers en mai, d’après des personnes informées du marché.
L’indice RapNet (RAPI™) pour les diamants de 0,30 carat a progressé de 0,5 % entre le 1er et le 24 mai mais les grosseurs supérieures ont chuté. Le RAPI pour les diamants de 0,50 carat a perdu 0,2 % sur la période et l’indice des diamants de 1 carat a reculé de 0,5 %. Les prix des marchandises de 3 carats ont baissé de 0,7 %.
Le recul de l’Inde
Le ralentissement estival en Inde a été plus intense que d’ordinaire, étant donné les difficultés pour approvisionner les usines en matières premières.
« Comme chaque année, la demande de brut du prochain cycle sera affectée par la fermeture de nombreuses usines de taille en Inde à l’occasion des fêtes traditionnelles du mois de mai, a déclaré Bruce Cleaver, PDG de De Beers, en faisant référence au sight de juin. Parallèlement, les entreprises diamantaires continuent de surveiller étroitement les effets des confinements associés à la Covid-19 en Chine et de la guerre en Ukraine, ainsi que les sanctions associées. »
Sarine Technologies, qui fournit des équipements de taille et de cartographie du brut aux fabricants, a prévu un recul de la production de taillé, en particulier dans les grosseurs inférieures. Malgré un marché normal en avril, les pressions géopolitiques ont commencé à se faire sentir en mai, en particulier chez les clients qui achètent auprès de sources russes, a déclaré David Block, PDG de Sarine.
« Je ne suis pas certain que le ralentissement soit important mais il est bel et bien là – en partie à cause des vacances, en partie à cause des marchandises russes, a déclaré David Block à Rapaport Magazine à la mi-mai, évoquant des données issues des systèmes de scan des pierres de la société. Je m’attends à un ralentissement plus important à l’avenir lorsque les stocks de brut encore présents dans les coffres […] commenceront à s’amenuiser. »
États-Unis contre Chine
Le marché américain a porté toute son attention sur les salons de Las Vegas. L’enthousiasme a redoublé après deux ans d’expositions limitées. L’inflation record a pesé sur l’humeur mais les bijoux ont une fois de plus obtenu de meilleurs résultats que d’autres secteurs. Toutefois, les mesures destinées à endiguer la Covid-19 à Shanghai et dans d’autres villes chinoises ont freiné les dépenses des consommateurs dans cette région.
« Même si le pire de la Covid-19 est, espérons-le, derrière nous, nous sommes confrontés à l’environnement mondial le plus incertain que nous ayons connu depuis plusieurs années », a expliqué Johann Rupert, président de Richemont, propriétaire de Cartier, dans le rapport annuel des ventes du groupe de luxe.
Une source d’incertitude
Les négociants ne savent pas avec certitude ce qu’il adviendra du tiers de la production de brut mondiale qui vient de Russie, dont une grande partie est invendable en raison des sanctions ou des préférences des consommateurs. ALROSA a suspendu la publication de ses données financières, il y a donc peu d’informations disponibles sur ses ventes. Le Gokhran, le dépôt de pierres du gouvernement de Russie, n’a pas exclu la possibilité d’acheter les diamants d’ALROSA cette année, selon Reuters.
« Étant donné la situation en Ukraine, les effets des sanctions économiques et l’impact des interdictions d’importations et d’exportations des marchandises russes, on sait que la disponibilité du brut va inévitablement se réduire », a annoncé la maison d’enchères Trans Atlantic Gem Sales (TAGS) après sa récente vente de brut qui s’est déroulée à Dubaï.
Le boycott des marchandises russes prendra-t-il fin ? Les diamants synthétiques combleront-ils le manque ? Ce sont des questions pour lesquelles le marché n’a encore que peu de réponses.
Article from the Rapaport Magazine – June 2022. To subscribe click here.