Les taxes préjudiciables de l’Inde

Avi Krawitz

Il est surprenant que l’Inde envisage d’augmenter ses droits d’importation sur le taillé, de 2 % à 5 %. Étant donné l’année difficile que l’industrie locale a subie, cette décision serait irréfléchie et nuisible au marché.[:]
L’affaire a été révélée par le Business Standard cette semaine. Vipul Shah, le président du Gem and Jewellery Export Promotion Council (GJEPC), a expliqué au journal que la hausse de cette taxe aiderait les petits fabricants, confrontés à la concurrence des importations de taillé, en hausse dans le pays.

Pour l’heure, difficile de savoir si l’article traduit fidèlement les intentions du gouvernement. Ni le GJEPC, ni même la Reserve Bank of India (RBI), l’organisme gouvernemental qui émettrait un tel décret, n’ont publié de déclaration officielle. De surcroît, il n’a pas été possible de joindre Vipul Shah pour évoquer le sujet avant que nous ne mettions sous presse.

Sanjay Kothari, ancien vice-président du GJEPC et membre actuel du comité, a démenti ces allégations à Rapaport News. Il a déclaré que le conseil ne fait pas pression sur le gouvernement pour augmenter les taxes, car une telle démarche serait contre-productive. Sanjay Kothari a souligné qu’aucune augmentation des droits d’importation n’est prévue.

Le conseil semble donc émettre des messages contradictoires ; il serait bien avisé de publier une déclaration expliquant clairement les tenants et aboutissants. Comme il n’y a pas de fumée sans feu, le marché local a exprimé des craintes.

Tout d’abord, bon nombre de grands fabricants indiens disposent de structures à l’étranger ; des taxes supplémentaires leur seraient donc facturées sur les marchandises fabriquées à l’international et rapportées en Inde pour y être distribuées. Ainsi, de nombreux sightholders de la De Beers ont engagé de gros budgets pour monter des usines au Botswana et en Namibie. Ils se sont ainsi assuré un approvisionnement en brut. Aujourd’hui, ils se retrouvent pressurés par le gouvernement indien. Ils seront pénalisés s’ils agissent ainsi [installer des structures à l’étranger] – car alors, ils seront redevables d’un surcroît de taxes à l’importation – et ils seront pénalisés s’ils ne le font pas – car ils ne recevront plus le brut dont ils ont besoin.

En outre, la question des taxes actuelles de 2 % a déjà posé problème, notamment avec les fournisseurs, qui sont facturés lors du retour de marchandises précédemment envoyées à l’étranger pour certification. Une directive gouvernementale précise que les agents des douanes doivent facturer la taxe en cas de variation de mesure, entre l’envoi et le retour du diamant, dès 2 millimètres.

La hausse des taxes profite donc à d’autres centres de négoce, comme Anvers et Dubaï. En effet, les exportateurs préféreront ces plates-formes de distribution, évitant ainsi les frais élevés en Inde. Certes, le pays continuera à vendre les diamants fabriqués localement, mais l’Inde ne sera plus compétitive au plan international pour les marchandises qui ne sont pas fabriquées sur place. Le pays va perdre sa position en matière de merchandising et de ventes pour les marchandises fabriquées à l’étranger.

Déjà, l’Inde a perdu une partie de son attractivité en termes de négociation et se concentre désormais sur la fabrication. 

En 2011-2012, le conseil avait fait pression sur le gouvernement pour introduire ces droits de 2 % sur les importations de taillé, lesquels ont été appliqués à partir de janvier 2012. La motivation, quoique discutable, était que la taxe freinerait les allers-retours qui ont fait rage entre 2009 et 2011 (il s’agit de la pratique consistant à réimporter des diamants, puis à les réexporter en vue d’obtenir un financement bancaire plus important).

Pour beaucoup, la mesure a fonctionné. Les importations de taillé ont par la suite fortement diminué. Pour d’autres, elle n’a agi que comme une tentative pour protéger le marché local de la concurrence étrangère dans le pays et accroître les revenus du gouvernement. La décision limite l’avantage concurrentiel de l’Inde et donc les possibilités de croissance de l’industrie locale.

Il en est de même aujourd’hui, même si les motivations sont différentes. Le but, cette fois-ci, est de protéger les petits fabricants du marché du taillé.

Le principe est absurde. Après tout, en 2013, le marché du taillé se montre plus rentable que la production de brut. Les liquidités des tailleurs ont été limitées en raison des marges réduites, liées à un brut onéreux. De nombreux fabricants, petits et moyens, se sont donc tournés vers le négoce du taillé.

Peu à peu, les importations de taillé en Inde ont repris de la vigueur en 2013, par rapport à 2012 (voir graphique). Parallèlement, la roupie s’est affaiblie, rendant les achats à l’étranger encore plus coûteux.

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Rapaport News : selon les données mensuelles publiées par le GJEPC.

Ainsi, la progression du marché du taillé ne doit pas être considérée comme une concurrence pour les petits fabricants. Bien souvent, elle permet de maintenir leur activité en équilibre. Freiner cet afflux ne redonnera pas non plus d’énergie à la fabrication de ces tailleurs.

La seule façon d’agir consiste à s’attaquer à la question des prix du brut, ainsi que l’a fait le conseil de façon admirable début octobre. Dans une note publique à l’industrie, le GJEPC a exhorté ses membres à ne plus acheter de brut non rentable. Ce faisant, et à l’instar des sightholders aux sights de septembre et d’octobre, ils pourraient obliger les compagnies minières à baisser leurs prix, à des niveaux acceptables pour les petites structures. La vente d’ALROSA de la semaine prochaine et le sight ultérieur de la De Beers montreront si le message a bien été entendu.

Or, il serait contreproductif de limiter davantage le marché du taillé, alors même que la confiance semble revenir très doucement. Dans ce contexte, 2013 a été l’année la plus difficile depuis quelque temps pour l’industrie indienne. La roupie, qui a démarré l’année à 54 pour 1 dollar, a plongé de plus de 20 % entre avril et août, avant de remonter pour se stabiliser à son niveau actuel d’environ 61 pour 1 dollar. Les banques locales ont resserré les crédits accordés à l’industrie, d’où une baisse des fonds disponibles pour les achats de brut, dont les prix avaient augmenté. S’en est suivie une véritable crise des liquidités. Parallèlement, la demande nationale de bijoux s’est étalée, la confiance des consommateurs ayant reculé conjointement au rythme de la croissance économique.

Une hausse des droits à l’importation sur le taillé serait la goutte qui fait déborder le vase. À tout le moins, elle constituerait un cadeau bien malheureux pour l’industrie en ces temps de Diwali. Le GJEPC devrait plutôt faire pression sur le gouvernement pour réduire les taxes, ce qui encouragerait un marché concurrentiel et sain. Il devrait au moins approuver le maintien du statu quo, en proposant une déclaration ferme à ses membres. Les craintes seraient ainsi atténuées. Le GJEPC aurait alors le mérite de contribuer à un joyeux Diwali et de restaurer la confiance pour l’année à venir.

Source Rapaport