Les usines se concentrent sur le mêlé en raison de la baisse de la demande pour des diamants plus importants.
L’industrie indienne du diamant profite habituellement des périodes de vacances, et notamment de celle de Diwali, pour se réajuster. À cette occasion, les usines ferment pour des laps de temps plus ou moins longs en fonction du niveau de la demande.
Au mois d’août, la coupure est plus courte, mais comprend le Jour de l’Indépendance, le 15, ainsi que d’autres jours fériés. Cette année, les stocks étant élevés et les prix faibles, l’industrie profite pleinement de cette période de fermeture.
Kiran Gems, qui se targue d’être le plus grand tailleur de diamants naturels au monde, suspend sa production pendant 10 jours à compter du 18 août. Durant une année normale, les employés s’arrêtent environ cinq jours. D’autres entreprises allongent leurs congés saisonniers.
L’effort de réduction des stocks intervient avant la pause du mois d’août. Les usines de Surat ont abaissé leur production, parfois jusqu’à 50 % en juillet et durant la première semaine d’août par rapport à l’année précédente, ont estimé certains dirigeants mercredi 7 août.
« Ils ont considérablement ralenti leur activité, a déclaré Anoop Mehta, président de la Bharat Diamond Bourse (BDB) de Mumbai. Les quantités ont baissé de 40 % à 50 %. »
Kiran Gems a également abaissé sa production de 50 % au cours de la même période, a déclaré Dinesh Lakhani, son directeur mondial.
Une baisse des achats de brut
Au-delà des surplus de stocks, ces réductions révèlent la volonté de limiter les pertes subies par les tailleurs, liées aux prix relativement élevés des diamants bruts et à la baisse des prix des diamants taillés.
« La rentabilité est nulle car je paie mes matières premières au comptant et je ne peux dégager aucun bénéfice sur leur vente », a déclaré Anoop Mehta.
Les entreprises ont profité de la flexibilité accrue offerte par De Beers lors de son sight de juillet. Les professionnels ont estimé que les ventes ont été nettement inférieures à 200 millions de dollars. Petra Diamonds a décidé de ne pas organiser son tender d’août-septembre pour les diamants bruts provenant d’Afrique du Sud, réservant les marchandises pour la vente d’octobre. Selon des sources du marché, ALROSA a également écoulé des volumes inférieurs à la normale lors de sa récente séance de ventes.
Jeudi 1er août, De Beers a annoncé à ses sightholders qu’elle reportait sa vente du mois d’août et qu’elle la fusionnait avec celle du mois d’octobre. Cet événement combiné aura lieu en septembre.
Okavango Diamond Company (ODC), la société de négoce en diamants bruts du gouvernement botswanais, a vendu pour 55,5 millions de dollars de marchandises lors de ses enchères au comptant du mois d’août, contre 66,6 millions de dollars au mois de juin. Les prix ont chuté de 5 % à 15 %, reflétant l’affaiblissement de la demande, selon les calculs de Rapaport.
L’ampleur de la réduction des achats de brut par l’Inde apparaîtra de manière plus évidente lorsque les statistiques des importations du mois de juillet seront disponibles mi-août.
Cette année, personne n’a fait l’effort de s’attaquer à l’offre excédentaire. En 2023, le Gem & Jewellery Export Promotion Council (GJEPC) et d’autres organisations professionnelles avaient recommandé un gel de deux mois des importations de brut, ce qui avait temporairement amélioré l’équilibre entre l’offre et la demande. Cette fois-ci, les tailleurs prennent eux-mêmes les devants, selon Vipul Shah, président du GJEPC.
« Les gens essaient de s’autodiscipliner, tout en essayant de contrôler la situation et de laisser passer l’orage », a déclaré M. Shah.
Le revers de la médaille
Lors des périodes de récession, les tailleurs ont plutôt tendance à produire des marchandises plus petites et de moindre valeur. Les diamants bruts sont moins chers en termes absolus, ce qui permet de minimiser les pertes sans les inconvénients d’une forte réduction des effectifs. C’est ce qui s’est passé fin 2022 et à nouveau en 2023.
Une tendance similaire se dessine dans la crise actuelle, mais pour de meilleures raisons, semble-t-il.
Malgré leur faiblesse durable, les marchandises de moins de 0,18 carat ont moins souffert que les plus gros diamants, jusqu’à 3 carats, ont observé les dirigeants. Cela a incité les tailleurs à augmenter le plus possible la proportion du mêlé dans leur gamme de production.
La démarche n’est pas facile à mettre en œuvre. Les travailleurs ne peuvent pas nécessairement passer des grosses aux petites pierres, car les compétences sont différentes. Certaines entreprises — ou leurs départements — ne sont pas spécialisées dans le mêlé et ne peuvent pas basculer d’un système à l’autre du jour au lendemain.
« La réduction [de la production] est plus importante pour le mêlé de 1 point et les pierres de 1 carat et plus », a déclaré Ravi Bhansali, directeur général du tailleur de diamants Rosy Blue à Anvers, en référence aux marchandises de 0,18 carat à 3 carats. « Ce sont ces grosseurs qui ont le plus souffert. Quelques signes positifs persistent pour les diamants qui se situent au-dessus ou au-dessous de cette fourchette. »
Toutefois, contrairement aux crises précédentes, la raison semble être la demande plutôt que les stratégies internes des unités de production. Lorsque le recul de la demande américaine et chinoise a touché les marchandises importantes, les tailleurs ont continué de vendre du mêlé.
« Même le mêlé est moins demandé, alors qu’il constitue la base de toutes sortes de bijoux et de montres dans le monde entier, poursuit M. Bhansali. Les ventes n’ont toutefois pas totalement cessé. Les marques ont réduit leurs commandes, mais ce n’est pas aussi grave que ce que l’on constate pour les marchandises de 1 point et les pierres de 1 carat et plus. »
L’un des moteurs de la demande de mêlé est le marché national indien, qui a été plus performant que les États-Unis et la Chine au cours de la récente récession, selon les dirigeants. Il se prépare maintenant à la saison de Diwali et des mariages, qui débutera en novembre.
« Le marché national indien est l’un des principaux moteurs », a déclaré un autre tailleur, qui a demandé à rester anonyme. Le Japon et certains marchés asiatiques plus petits — tels que la Malaisie, les Philippines et la Thaïlande — soutiennent également ce segment, ont expliqué les dirigeants.
Des améliorations en vue ?
Comme toujours, la question est de savoir si les réductions de production auront un impact à long terme et si la demande se redressera aux États-Unis, en Chine et sur d’autres marchés clés du retail.
M. Shah, du GJEPC, estime que la période pourrait même être favorable à la constitution des stocks, les coûts de production étant en baisse. En général, il faut compter environ six semaines avant que les baisses de rendement ne se répercutent sur les stocks de diamants taillés.
En outre, Diwali tombe en novembre, ce qui signifie que la production pourrait connaître de nouveaux ralentissements.
« Dans les mois à venir, la filière doit se préparer à un tarissement des marchandises », selon les prévisions de M. Shah.
Image : un diamant taillé dans une usine en Inde (Shutterstock).