Il aura sans doute fallu une récession économique pour le prouver, mais les sightholders de la DTC sentent bien que le vent a tourné. Le sight de la DTC de cette semaine exhalait donc un sentiment de colère sous-jacente, les prix ayant reculé d’à peine 3 % ; d’autre part, l’approvisionnement de la De Beers ne permet toujours pas de profit.
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Le ressentiment semblait dirigé contre la De Beers plutôt que contre la DTC, certains ayant commencé à faire la différence entre les deux. Alors qu’Anglo American recevait la semaine dernière l’autorisation définitive de racheter la totalité de la part de la famille Oppenheimer dans la De Beers, soit 40 %, les sightholders sont de plus en plus inquiets des réelles implications de l’opération.
Les sightholders ont perdu un défenseur de l’industrie en la personne de Nicky Oppenheimer ; ils se demandent désormais dans quelle mesure leurs bénéfices continueront d’être sacrifiés au profit des performances de la De Beers. Assurément, les tarifs actuels de la DTC et leur rigidité, ainsi que l’absence de rentabilité, leur semblent être annonciateurs du pire : une De Beers plus institutionnelle dirigée par Anglo, qui sera plus inflexible encore, maintenant des prix fixes lorsque le marché est en récession et les augmentant lorsqu’il est en plein essor.
Actuellement, même si l’indice RapNet Diamond Index (RAPI) pour les prix du taillé certifié de 1 carat a chuté à ce jour de 7,4 % en 2012 et que les prix du brut des autres sociétés minières et sur le marché secondaire ont perdu de 8 % à 15 % au deuxième trimestre, la DTC a maintenu des prix relativement stables. La seule façon pour les sightholders négociants de vendre leurs marchandises de la DTC consiste à proposer des remises à deux chiffres ; de leur côté, les fabricants perdent également de l’argent sur le taillé qui en résulte. La demande pour le brut de la DTC a ainsi chuté et le commerce des marchandises de la DTC sur le marché secondaire est réduit au strict minimum.
Le sight de juillet s’est clôturé cette semaine sur une valeur estimée à 420 millions de dollars, avant le décompte des refus qui ne manqueront pas d’intervenir après la publication de cet article. La DTC a donné un peu de marge pour les reports. La société a informé les sightholders qu’ils pourront reporter jusqu’à 50 % de leurs attributions pour autant qu’ils acceptent les marchandises au cours de l’actuelle période ITO (intention de vendre), qui s’achèvera à l’issue du sight de mars 2013.
Les conséquences pour les sightholders qui n’accepteront pas ces attributions différées à une date ultérieure ne sont pas claires et faisaient certainement partie de leurs préoccupations cette semaine. Seront-ils sanctionnés par une ITO réduite l’année prochaine ou iront-ils jusqu’à perdre totalement le sight de la prochaine période contractuelle de 2015 ? Même si les marchandises de Diamdel constituent une alternative plus rentable et que ses clients sont ainsi en meilleure position pour acheter, la DTC leur consentira-t-elle une faveur dans le cadre de son « approche dite de distribution dynamique » (récemment mise en œuvre pour permettre aux gros clients de Diamdel de postuler à un sight en milieu de période contractuelle), au détriment des sightholders qui refusent régulièrement ses marchandises lors des sights actuels ?
Les sightholders montrent moins de réserve dans l’expression de leur mécontentement. Plusieurs sociétés ont fait remarquer qu’elles préféreraient voir la DTC cesser son approvisionnement plutôt que de le reporter, comme elle l’avait fait en 2008. Et même si le marché n’a pas atteint les niveaux de 2008, et étant donné la sensibilité du marché aux réserves conservées par la De Beers, il est peu probable que la société freine sa production. Ramener la production à son ancien niveau est en outre un exercice coûteux.
Il est plus probable que les sightholders fassent pression pour que les prix reflètent mieux le marché. La seule façon d’y arriver consiste à continuer à refuser les marchandises de la DTC à ces prix. Comme nous l’avons souligné par le passé, les sightholders laisseront des marchandises sur la table, au-delà même de la fenêtre de report de juillet, si les prix de la DTC ne reflètent pas le marché (voir Stock ou bénéfices ? publié le 28 juin 2012).
La De Beers ne devrait pas céder, à moins que des volumes significatifs de marchandises ne soient laissés sur la table pendant une période prolongée. La société parie plutôt sur le fait que les conditions de marché vont s’améliorer suffisamment tôt pour éviter de tels refus constants. Pendant ce temps, les sightholders se demandent si le marché va se reprendre de manière suffisante pour stimuler leurs liquidités au cours des six prochains mois. Ils affirment qu’il continuera d’être difficile d’acheter le reste de leur ITO, y compris les marchandises refusées jusqu’à présent, étant donné leurs marges bénéficiaires actuelles, voire l’absence de marge.
Ils craignent en outre que, si la faiblesse du marché perdure, la De Beers ne ne persiste dans le maintien de ses prix, étant donné l’évolution de sa structure de propriété.
À vrai dire, elle est en droit de le faire. Comme toute société, la De Beers est avant tout redevable envers ses actionnaires et non face au marché, sachant que son principal actionnaire est désormais une société cotée en bourse. De plus, le fait que les sightholders se plaignent que Nicky Oppenheimer n’est plus là pour prendre leur défense est sans doute un processus de maturation nécessaire.
Cependant, en maintenant des prix élevés qui ne permettent pas aux sightholders de dégager des bénéfices, la De Beers diminue la valeur de ses contrats d’approvisionnement avec la DTC sur le long terme. Alors que la De Beers est connue pour annoncer des prévisions positives sur le long terme pour l’offre et la demande, le but étant de prouver la valeur du produit aux actionnaires et autres intéressés, cet écart croissant n’a que peu de sens si les échanges ne génèrent pas de bénéfices.
Dans cette rubrique, nous ne cessons d’affirmer que la volatilité des prix est prévisible sur le marché et qu’elle doit être acceptée comme partie intégrante du commerce. Même si les négociants peuvent tirer profit d’un marché en baisse, en vendant bon marché et en achetant encore moins cher, les sociétés d’exploitation minière n’ont pas ce luxe. Des prix en chute libre ont un impact direct sur leurs performances, puisque le secteur minier a la chance, et parfois la malchance, de régler des coûts d’exploitation fixes. Il est alors peu surprenant que la De Beers soit réticente à agir ainsi.
Il ne reste alors plus aux sightholders qu’à s’assurer que les forces du marché agissent. Plus la période au cours de laquelle ils perdront de l’argent sur leur approvisionnement à la DTC sera longue, plus ils seront mécontents, d’autant plus que les prévisions économiques pour 2012 demeurent incertaines. Les négociants et les fabricants s’efforcent de garantir leur propre rentabilité, ils vont pourtant refuser des marchandises sans tenir compte des conséquences sur leurs relations de travail. Les sightholders remettent en question non seulement la valeur de leur approvisionnement à la DTC mais aussi les contrats à long terme qui le régissent.