Au cours d’une semaine chargée en actualités, l’issue du procès Tiffany contre Costco a certainement été la plus importante. [:]Un tribunal fédéral de New York a en effet rendu sa décision, répondant de ce fait à une question : le terme « Tiffany » est-il devenu générique, ce qui permettrait à tous ceux qui vendent un certain style de bague de parler de « serti Tiffany » ?
Tiffany & Co. a tout d’abord poursuivi en justice Costco Wholesale Corp. le jour de la Saint-Valentin 2013, accusant ce club-entrepôt réservé aux membres de vendre des bagues sous l’appellation « Tiffany » alors qu’il ne s’agissait pas, en fait, de bagues créées par Tiffany & Co. Selon Tiffany, Costco est même allé jusqu’à retirer le qualificatif Tiffany pour faire la publicité de ces bagues sur Internet, dans le but de passer inaperçu.
Peu de temps après, Costco a riposté avec une demande reconventionnelle, insistant sur le fait que le terme « Tiffany » était devenu générique et que l’expression « serti Tiffany » pouvait être employée pour décrire n’importe quelle bague de fiançailles ayant un certain style.
Aujourd’hui, lorsque l’on pense à un produit générique, nous imaginons des produits sans nom de marque, comme les sachets de chips noir et blanc que ma mère avait l’habitude d’acheter à Foodland car ils étaient moins chers que les Ruffles. J’ai toujours espéré ressentir, dans ma demeure, le frisson que l’on pouvait éprouver à manger ces chips striés mais, hélas, cela n’est jamais arrivé.
Toutefois, en ce qui concerne les marques commerciales, le terme « générique » désigne plus spécifiquement une marque ou un nom de marque devenu synonyme d’une catégorie de produits ou de services plus générale.
Cela peut se passer de façon organique – « laundromat », qui signifie en anglais « laverie automatique », était auparavant une marque commerciale qui est arrivée à expiration – ou contre la volonté de la société ou de la marque.
Aspirin (en anglais), par exemple, était une marque commerciale de Bayer mais un tribunal a décidé, il y a de nombreuses années, qu’il s’agissait désormais d’un terme générique aux États-Unis. Il en va de même pour le lit Murphy, un type de lit qui se replie contre le mur pour gagner de la place, une idée originale de William Lawrence Murphy.
Dans le cadre de son procès, Costco a affirmé que le nom Tiffany avait suivi les traces de l’aspirine ou du lit Murphy et que tous les détaillants pouvaient donc utiliser le terme « serti Tiffany » pour décrire une bague disposant de plusieurs broches fines, partant de la base vers le haut, afin de maintenir une pierre unique (le véritable serti Tiffany, qui a été créé par Charles Lewis Tiffany en 1868, possède six broches.)
Le juge en a décidé autrement, estimant que le terme Tiffany n’était pas devenu générique et qu’il était donc protégé par une marque commerciale.
Cecilia Gardner, du JVC, qui a été interrogée dans cette affaire en raison de ses connaissances de la loi et de l’industrie de la joaillerie, affirme que les répercussions sont simples pour l’industrie. Les détaillants, les fabricants, etc. ne devront utiliser le terme « serti Tiffany » que s’ils vendent une bague fabriquée par Tiffany & Co.
« Cette décision implique une chose : utiliser cette expression est une infraction à la propriété intellectuelle de Tiffany et cela ne se fera pas sans risque réel, a-t-elle affirmé. Tous ceux qui l’emploient pour décrire autre chose qu’une bague fabriquée par Tiffany s’exposent à des sanctions. »
Cela signifie-t-il que tous ceux qui ont un jour écrit ou prononcé les mots « serti Tiffany » vont faire l’objet d’un procès dès demain ?
Certainement pas ! Mais il existe, comme l’indique Cecilia Gardner, un « risque réel » et Tiffany est sans conteste une société qui prend très au sérieux la protection de son nom, vieux de 178 ans. Dans sa décision dans l’affaire Tiffany c/ Costco, la juge Laura Taylor Swain a noté que Tiffany « consacrait beaucoup de temps et de ressources à rassembler des témoignages et des analyses visant à démontrer […] la force indubitable de la marque Tiffany. »
Et c’est ce que doivent faire les sociétés pour empêcher que leurs marques ne deviennent des termes génériques.
Cecilia Gardner m’a expliqué que Xerox publie de façon régulière et visible des avis précisant que Xerox est le nom d’une société, et non celui d’un document photocopié ou de l’action de le photocopier. Kimberly-Clark procède de la même façon pour rappeler que Kleenex est une marque protégée et non un terme générique pour des mouchoirs en papier.
« Tiffany (dans ce cas) a dû faire la même chose pour protéger sa propriété intellectuelle et éviter que le terme ne prenne ou n’acquière un sens secondaire », a-t-elle affirmé.
Cecilia Gardner tient également à mettre en garde contre l’emploi d’une version édulcorée du terme, comme « serti de style Tiffany », qui pourrait également poser problème aux détaillants, tout ceci dépendant de l’agressivité avec laquelle la société veut défendre sa propriété intellectuelle.
« Cela ne vous protégera pas nécessairement, explique-t-elle. Si vous dites « Tiffany », vous risquez d’avoir des nouvelles de Tiffany. »
Photo Tiffany & Co.