Le réalisateur Laurent Cartier a suivi les hommes déterminés qui arpentent la rivière Sewa en Sierra Leone en quête de diamants naturels.
John, 50 ans, est un plongeur de Sierra Leone en quête de diamants, l’un parmi les quelques centaines ou milliers que compte le pays. (On recense environ 1,5 million de mineurs artisans dans le monde.) Son travail est laborieux : il doit plonger 5 à 10 mètres sous l’eau, sans masque, en comptant sur ses coéquipiers et sa foi. Les plongeurs n’entrent jamais dans une rivière sans faire une prière à Allah – en ayant la conviction inébranlable qu’ils trouveront quelque chose.
« Vous pouvez travailler, vous pouvez échouer. Mais le jour où vous trouvez quelque chose, vous prospérez. Parfois, on ne trouve rien pendant un mois ou deux mais le jour où vous trouvez un diamant, vous oubliez tous les échecs », raconte John au Dr Laurent Cartier dans le court-métrage The Divers of Sewa.
Le documentaire de neuf minutes réalisé par Laurent Cartier – expert du développement durable, gestionnaire de projet au Swiss Gemmological Institute (SSEF) et conférencier – dépeint cette façon peu connue de chercher des diamants. À l’époque où il était étudiant, en 2007, Laurent Cartier a passé quatre semaines à arpenter, sac au dos, la Sierra Leone, pays dans lequel il a rencontré les plongeurs pour la première fois. Même s’il n’était pas particulièrement intéressé par les pierres à cette époque, il a été intrigué par ce processus d’extraction et a voulu faire connaître leur histoire.
Explorer les profondeurs
La majeure partie de l’extraction artisanale en Sierra Leone se fait dans le lit des rivières, où ceux qui trient les gravillons peuvent travailler, même pendant la saison des pluies. Mais les plongeurs ne peuvent exercer que pendant la saison sèche, qui ne dure que quatre à cinq mois par an. Et malgré la brièveté de cette période, fait remarquer Laurent Cartier, « la grosse différence est que ces plongeurs ont en fait une chance de trouver quelque chose chaque jour », puisque le fond de la rivière a des couches plus profondes.
Il insiste sur le fait qu’il n’a pas voulu montrer les mineurs qu’il a suivis – John, Umaru, 47 ans, Ibrahim, 33 ans, Dauda, 35 ans, et Mohamed, 18 ans – comme des personnes qui veulent devenir millionnaires du jour au lendemain. Le reste de l’année, ils exploitent la terre et considèrent la plongée comme « une façon de pouvoir peut-être obtenir un peu d’argent, nourrir leur famille et envoyer leurs enfants à l’école pour un avenir meilleur. »
Loin de vouloir donner une tournure romanesque à cette méthode d’approvisionnement inhabituelle, le réalisateur suit les hommes au travers du travail laborieux qu’ils pratiquent : plonger du bateau en bois qui transporte leur équipe et le compresseur qu’ils utilisent pour pomper l’air, remonter à la surface avec un seau plein de gravillons provenant du fond de la rivière, puis tamiser. Il faut être particulièrement compétent pour reconnaître les diamants dans ce mélange.
L’histoire humaine
Ce qui ressort brillamment du film The Divers of Sewa, c’est la fierté qu’ils ressentent à pratiquer ce métier difficile. Cela ne signifie pas que les conditions de l’extraction artisanale ne peuvent pas être améliorées, souligne Laurent Cartier. Mais il s’agit d’une question complexe qui appelle une approche réfléchie et une compréhension de la situation locale.
Les principaux points susceptibles d’être améliorés sont l’accès au financement (la plupart des mineurs n’ont pas de comptes bancaires), les marchés, l’information et l’éducation. « Les géologues pourraient venir les aider à trouver davantage de diamants… plutôt que de leur accorder des bourses ou leur faire la charité », suggère Laurent Cartier.
Il considère son travail comme « une première étape pour ré-humaniser l’intégralité du débat autour de l’éthique, qui ne se concentre souvent que sur l’éthique, la technologie et les normes. » Il poursuit : « Je me suis rendu dans de nombreuses conférences et des séminaires sur l’éthique. On parle beaucoup de la Blockchain mais on relate rarement l’histoire des hommes. Je souhaiterais que certains de ces plongeurs ou mineurs puissent se rendre aux conférences en Europe aux États-Unis et s’exprimer. »
Son objectif, affirme-t-il, était de « montrer ce film pour que, lors de ces conférences rassemblant uniquement des Blancs parlant d’éthique et de traçabilité, nous n’oubliions pas qu’au bout du compte, il s’agit d’être humains. Et ce n’est pas seulement pour avoir bonne conscience et développer de nouvelles normes ou je ne sais quoi. »