Les géants de la joaillerie

Avi Krawitz

L’acquisition de Zale Corporation par Signet Jewelers pour 1,4 milliard de dollars, annoncée le 19 février, marque l’émergence d’un nouveau géant de la distribution sur le marché du diamant et des bijoux.Certes, les deux sociétés n’étaient pas, avant cela, des lilliputiens. [:]Tiffany & Co., Signet et Zale se trouvent être les trois plus grands joailliers de spécialité aux États-Unis en recettes. Or, les deux derniers dépassent de loin Tiffany & Co. en nombre de magasins. L’accord, en attente d’approbation réglementaire, renforcera la position de Signet comme plus grand joaillier des États-Unis.

La société combinée aurait affiché un chiffre d’affaires total de 6,2 milliards de dollars en 2013. Une fois la transaction conclue, la direction estime qu’elle occupera environ 15 % du marché des bijoux de spécialité aux États-Unis et un peu plus de 6 % du marché de détail américain pour les bijoux en général. Sur les 3 653 magasins combinés, 2 958 se trouveront aux États-Unis, 496 au Royaume-Uni et 199 au Canada. Zale apporte avec elle 6 marques qui viendront compléter et, bien souvent, concurrencer les 17 marques de Signet.

Les fermetures et combinaisons de magasins sont inévitables. Signet devrait procéder à des réductions de coûts dans la nouvelle structure. La société a prévu de réaliser environ 100 millions de dollars d’économies grâce à des recoupements d’ici la fin de la troisième année complète d’opération combinée. Les analystes de Sterne Agee y ont vu une estimation prudente. Selon eux, les réductions pourraient atteindre 175 millions de dollars. Bien entendu, du fait des synergies, il arrive que le chiffre d’affaires combiné d’une société fusionnée n’atteigne pas celui des précédentes entreprises individuelles. Sterne Agee prévoit une croissance des revenus de Signet de 4 % par an, pour parvenir à 7,2 milliards de dollars en 2017.

[two_third]Globalement, l’accord classe Signet au rang de deuxième joaillier au monde en recettes, derrière Chow Tai Fook, à environ 7,4 milliards de dollars pour l’exercice 2013. Signet surclassera la société hongkongaise en nombre de magasins, Chow Tai Fook comptant environ 2 000 points de vente. En outre, bien que le chiffre d’affaires de Chow Tai Fook soit largement stimulé par l’or (bijoux, lingots et pièces), Signet reste probablement le plus grand joaillier diamantaire. En comparaison, Tiffany & Co. a affiché des recettes de 1,2 milliard de dollars pour l’exercice 2013, dans environ 280 magasins dans le monde.[/two_third][one_third_last]

« Globalement, l’accord classe Signet au rang de deuxième joaillier au monde en recettes, derrière Chow Tai Fook. »

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Notons que la capitalisation boursière actuelle de Signet, à 7,6 milliards de dollars, n’atteint pas celle de Tiffany & Co., à 11,75 milliards de dollars. Chow Tai Fook est évaluée à environ 17,3 milliards de dollars. Pourtant, malgré les différences de modèles d’activité des sociétés, la transaction fait progresser Signet en termes de parts de marché.

Cependant, sur le marché, l’acquisition concerne bien plus que les parts de Signet dans le secteur de la joaillerie. Elle vient renforcer le pouvoir d’achat, déjà important, de la société en matière de taillé, égalé par quelques noms seulement. En réalité, seul Chow Tai Fook pourrait probablement concurrencer les volumes et gammes de diamants présents dans les vitrines de Signet.

De nombreux diamantaires se sont félicités de l’acquisition. Selon eux, malgré la qualité de Zale Corp. en tant qu’acheteur de diamants, sa valeur à long terme a longtemps inspiré de la prudence. Les craintes sont dissipées sous l’égide de Signet. Cependant, l’insécurité persiste pour les fournisseurs de Zale, puisque Signet réduit les coûts de la société nouvellement fusionnée.

Ces baisses de coûts, de l’ordre de 100 millions de dollars, viendront d’une réduction des dépenses et des ventes croisées de la marque. La société mise surtout sur l’efficacité de sa chaîne d’approvisionnement. Ron Ristau, le directeur financier de Signet, a estimé que 50 % des économies seront liés à l’amélioration de l’approvisionnement et des achats.

« Les connaissances de Signet en matière de fabrication, ses processus d’achat et ses systèmes propriétaires, associés à l’équipe de Zale, permettront d’accélérer l’amélioration de la marge brute, a expliqué Ron Ristau. Nous pensons également que nos processus exclusifs de gestion amélioreront l’utilisation et la rotation du stock. » Sterne Agee a prévu que les aménagements de l’approvisionnement représentent jusqu’à 95 millions de dollars sur les économies prévues pour la société combinée.

Ainsi, l’acquisition risque de retirer jusqu’à 95 millions de dollars du marché. Pourtant, elle permettra de renforcer immédiatement le pouvoir d’achat de Signet. Un acheteur conséquent dicte ses conditions bien plus efficacement que deux petites entreprises. En l’occurrence, le total est bien supérieur à la somme des parties. Le pouvoir d’achat de Signet et sa relation avec les fournisseurs de taillé et les grossistes de bijoux gagnera en importance – et ce, même après le passage des économies de 50 à 95 millions de dollars.

Signet devrait également se montrer plus présente sur le marché du brut et augmenter par la suite ses capacités internes de fabrication. La société a acheté une usine au Botswana en novembre pour « s’assurer des approvisionnements supplémentaires, fiables et cohérents pour [ses] clients et accentuer ses économies dans la chaîne d’approvisionnement », a déclaré le PDG Michael Barnes à l’époque. Selon lui, les fournisseurs de taillé et de bijoux en diamants de Signet resteront ses principales sources d’approvisionnement.

Le fait est qu’il serait peut-être impossible à Signet de compter uniquement sur sa propre capacité d’approvisionnement en taillé. Or, l’acquisition récente de Zale et de l’usine du Botswana suggèrent que Signet augmentera son approvisionnement de brut et son activité de fabrication. L’évolution est logique, elle contribuera à améliorer les marges et l’efficacité.

En s’affirmant sur le marché du brut, Signet rejoint des détaillants de poids, qui achètent leur brut directement auprès des sociétés minières et sont essentiellement en concurrence avec leurs propres fournisseurs de taillé.
En effet, Chow Tai Fook, Chow Sang Sang et Tiffany & Co. profitent tous de multiples sights à la De Beers et s’approvisionnent auprès d’ALROSA et d’autres sociétés minières. Il ne serait pas surprenant que Signet ait demandé un sight pour la prochaine période contractuelle de la De Beers.

[two_third]L’émergence des diamantaires de détail a également permis d’augmenter les prix du brut car ces sociétés peuvent se permettre de payer plus cher. Les détaillants obtiennent des marges plus élevées sur le brut que les fabricants, compte tenu de leur accès au marché de la consommation et à une forte image de marque. Simultanément, les grandes maisons de détail profitent de leur position pour obtenir du taillé à prix réduit, à des conditions favorables. Leurs méthodes d’achat pourraient influencer le marché, presque autant que leurs méthodes de vente.

Signet et Chow Tai Fook sont donc aujourd’hui, à coup sûr, les deux acteurs les plus puissants du marché. Beaucoup considèrent favorablement un tel regroupement dans l’industrie du diamant et des bijoux en diamants, mais les négociants et fabricants pourraient subir des pressions, dans l’ombre de ces géants de la joaillerie.

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« L’émergence des diamantaires de détail a également permis d’augmenter les prix du brut car ces sociétés peuvent se permettre de payer plus cher. »

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Source Rapaport