Alors que l’invasion de l’Ukraine par la Russie entre dans sa deuxième année, les États-Unis cherchent à resserrer leur règlementation sur les diamants russes – et abolir la règle qui autorise l’importation de diamants extraits en Russie mais taillés ailleurs.
Les responsables belges qui se sont entretenus avec Politico au cours de la semaine du 23 janvier ont déclaré que l’Union européenne et les États-Unis espéraient développer un « système de traçabilité à toute épreuve » pour les diamants afin de bloquer les pierres russes.
Mais les personnes qui se sont entretenues avec les dirigeants américains et européens considèrent que ce qui est recherché est une exigence de traçabilité, dans laquelle les importateurs ont la charge de prouver que leurs diamants ne proviennent pas d’une mine russe.
Si la règlementation est adoptée, les sociétés américaines ne pourront importer que les diamants disposant d’une preuve d’origine non russe.
« Le gouvernement belge a suggéré une exigence de traçabilité internationale, déclare Tom Neys, porte-parole du Antwerp World Diamond Centre, le groupe de l’industrie belge. La proposition obligerait chaque société qui souhaite avoir accès aux marchés américain, européen ou autre du G7 à disposer d’informations de provenance. »
Il ajoute que de nombreux détails font encore l’objet de discussions, notamment un éventuel seuil pour la grosseur et le type de preuves qui seraient acceptables.
Si la proposition passe, cette exigence sera mise en place graduellement et ne concernera pas toutes les grosseurs de diamants, du moins au départ.
À la différence du Kimberley Process, qui exige que les expéditions de brut soient assorties de documents spécifiques, les importateurs pourraient utiliser différents procédés pour certifier l’origine non russe de leurs pierres. Il leur faudrait toutefois présenter un certain type de preuve, faute de quoi ils risqueraient de ne pas pouvoir importer leurs pierres ou se les faire confisquer. Toute personne qui serait jugée coupable de fausse déclaration aux officiers des douanes et de la protection des frontières américains pourrait avoir à supporter de graves pénalités.
« L’Europe et l’Amérique du Nord représentent ensemble 70 % du marché mondial des diamants naturels, a indiqué un responsable anonyme à Politico. Étant donné la puissance de ce marché, nous pouvons garantir la transparence nécessaire sur le secteur mondial des diamants et bannir structurellement les diamants du conflit russes du marché international. »
La proposition est en cours de discussion, tandis que la guerre en Ukraine approche de son premier anniversaire, le 24 février. Même si les sanctions contre les diamants russes – en particulier les règles interdisant le commerce en dollars – auraient, dans un premier temps, nui aux ventes de pierres du pays, beaucoup considèrent que les clients ont depuis découvert des façons de contourner les limitations.
L’analyste Paul Zimnisky estime que les ventes du minier russe ALROSA ont atteint 3,2 milliards de dollars en 2022, contre 4,2 milliards de dollars en 2021. (La société, qui appartient pour un tiers au gouvernement russe, ne communique plus le total de ses ventes.) Au contraire, il estime que les ventes de De Beers ont grimpé l’année dernière à 5,8 milliards de dollars, contre 4,8 milliards de dollars en 2021.
« De Beers a clairement profité de la situation, explique-t-il. Leurs ventes ont bien augmenté, tandis que celles d’ALROSA ont reculé. »
Il considère que la clientèle actuelle d’ALROSA se limite à 10 à 15 sociétés principalement indiennes qui disposent d’un important capital et de bureaux à Dubaï et paient généralement en euros.
Les règes actuelles du Bureau du contrôle des actifs étrangers (OFAC) du Département américain du trésor interdisent les transactions directes avec des entités diamantaires russes – y compris ALROSA et Grib, le petit producteur détenu par VTB Bank, une banque sous sanctions. Elles permettent toutefois d’importer des diamants extraits en Russie et ayant subi une « transformation substantielle » dans d’autres pays, autrement dit taillés ailleurs. Les critiques ont évoqué une faille en parlant de cet aspect car la plupart des diamants extraits en Russie sont fabriqués en Inde.
Il est actuellement assez difficile de prouver d’où vient un diamant, même si la documentation papier du parcours d’une pierre pourrait satisfaire les exigences. De Beers a développé un système de suivi appelé Tracr et propose un « code d’origine » pour ses diamants même si le minier a été assez discret sur le sujet depuis l’annonce en mai dernier de ses projets pour rendre tous ses diamants traçables.
David Johnson, porte-parole de De Beers, déclare au JCK : « Aujourd’hui, plus de la moitié de la valeur d’approvisionnement de nos diamants bruts est enregistrée sur Tracr à chaque sight. Code of Origin s’est rapidement développé et nous le proposons aujourd’hui par l’intermédiaire de nos partenaires de retail sur tous les grands marchés de consommation. »
Tiffany Stevens, présidente, PDG et conseil du Jewelers Vigilance Committee (JVC) exhorte le marché à « concentrer son attention » sur ce problème.
« Il est logique que le gouvernement américain et ses alliés souhaitent renforcer les sanctions pour tenter de mettre fin à la guerre injustifiée en Ukraine, affirme-t-elle. Il s’agit d’une période complexe pour de nombreuses industries, y compris la nôtre. Le JVC encourage les membres du marché à s’adresser franchement à leurs fournisseurs à propos de leur approvisionnement, à s’engager dans un système de due diligence et à consacrer des ressources supplémentaires pour le respect des sanctions. »