L’industrie diamantaire, de la mine au retail, est confrontée à de nouvelles difficultés qui la bousculent jusqu’au plus profond d’elle-même. Les boutiques sont fermées partout dans le monde, ce qui a eu des répercussions en amont dans la filière diamantaire, amenant l’activité de gros, la fabrication de bijoux, la taille et l’extraction de diamants à un arrêt total.
Cette situation inédite nous met à l’épreuve. Nous devons protéger notre personnel, renégocier nos positions auprès des banques, réaligner nos activités, retoquer nos plans d’activité, tout cela à l’aveugle. Et si la situation actuelle est sans précédent, l’avenir n’a jamais été aussi peu prévisible.
Ces dernières années, nous nous sommes plaints, à maintes reprises et à juste titre, des prix élevés que les miniers facturaient à la filière intermédiaire pour leur offre de brut. Et même si nous avons continué à travailler avec une rentabilité nulle ou quasi-nulle, les miniers ont conservé des bénéfices notables. De l’autre côté de la filière, les détaillants n’abandonnent jamais leurs marges, tout aussi importantes, quels que soient l’évolution des coûts dans la filière intermédiaire.ac
Au fil des années, comme le savent les plus anciens de l’industrie, les diamantaires se sont lassés de la structure marketing fermée, appliquée en amont de la filière, aspirant à une offre fragmentée, dans l’espoir que la concurrence entraînerait une baisse des coûts du brut et leur permettrait ainsi davantage de bénéfices.
Lorsque le nombre de fournisseurs a augmenté, nous avons découvert que notre rentabilité continuait de s’éroder. Pire encore, nous avons constaté à plusieurs reprises que lorsque l’industrie dans son ensemble était confrontée à des difficultés économiques, la filière intermédiaire était encore plus exposée qu’avant.
Alors que le Covid-19 progressait et que les déplacements internationaux, les expéditions et les activités de consommation étaient quasiment réduites à néant, les petits fournisseurs ont engagé des mesures qui nous menacent tous. Les petits fournisseurs d’Afrique, comme l’Angola, ont été tellement impatients de vendre qu’ils ont fortement baissé les prix, mettant ainsi en danger toute la structure tarifaire du brut, alors même que l’époque est fragilisée. Lors de certains tenders, les plis de brut ont été proposés avec un prix de réserve faible ou nul, entraînant de forte baisses des prix et une érosion encore plus injustifiée et dangereuse des prix du brut.
Un autre événement interne, très déstabilisant, a été la chute de la liste Rapaport, alors même que l’activité de négoce de taillé était quasiment à l’arrêt.
Cet ensemble de faits pourrait avoir un effet négatif sur l’industrie et aggraver encore les dommages provoqués par ce cas de force majeure extérieur. L’industrie a bien besoin d’autre chose en ce moment.
L’attitude d’ALROSA et de De Beers tranche nettement avec ces actes. Leur décision de reporter, pour l’instant, la totalité de l’offre de brut s’est révélée positive, montrant comment devrait se comporter une industrie responsable. Les deux sociétés minières, confrontées à nos critiques régulières, ont été les seules disposées à prendre la pleine responsabilité de notre industrie au cours de cette époque vraiment extraordinaire.
Il a fallu du courage pour emprunter le chemin le plus difficile, assurant des gains durables à long terme plutôt que des revenus à court terme. Il a fallu du courage face à la pression des actionnaires qui entendent recevoir un flux de trésorerie constant.
Au-delà de l’arrêt des ventes, les messages de calme qu’ils ont adressés à leurs clients et à l’industrie dans son ensemble étaient fort nécessaires et ont contribué au rétablissement.
J’ai toute confiance dans l’avenir de l’industrie diamantaire. Si nous continuons à croire dans la volonté durable des clients d’acheter notre produit unique et tant que nous agissons en gardant la tête froide, en prenant des mesures calculées tandis que nous sortons lentement de cette crise, nous réussirons à prospérer à l’avenir. Les boutiques vont rouvrir, les fabricants reprendront le travail et les ventes seront relancées.
Par Isi Morsel, PDG de Dali Diamond Co.